Analyse (détaillée) de la circulaire du 18 janvier 2010
Principaux problèmes posés par la circulaire
Plusieurs séries de problèmes se posent à propos de cette circulaire, et on justifié le dépôt d’un recours en conseil d’État.
- Le début de la circulaire est plutôt rassurant. Il annonce vouloir clarifier le cadre juridique des relations financières entre pouvoirs publics et associations, en distinguant celles qui ont des activités économiques de celles qui n’en ont pas. Mais la suite de la circulaire contredit ces propos. Elle étend la réglementation des aides d’Etat à l’ensemble des subventions aux associations. De ce fait la circulaire ne reconnaît pas l’existence d’associations à but non lucratif (sauf, bien sûr, à condition qu’elles ne demandent aucune subvention !). Elle méconnaît les règles communautaires en matière de réglementation des aides d’État, qui ne s’applique qu’aux activités économiques. On y trouve en effet écrit : « la majorité des activités exercées par les associations peuvent être considérée comme des activités économiques, de sorte que les aides publiques qui sont apportées doivent respecter la réglementation européenne sur les aides d’État ». Les textes européens, eux, ne considèrent pas toutes les activités associatives comme étant de nature économique.
- Alors que les textes européens et le plan de relance (janvier 2009) fixent à 500 000 € de subventions publiques sur 3 ans le seuil en deça duquel les concours financiers « ne sont soumis à aucune exigence particulière », la circulaire ignore ce montant est fixe le seuil à 200 000 €. Pour toucher des aides au dessus de ce seuil, appelées alors compensations, les associations doivent disposer d’un mandat explicite (unilatéral ou contractuel), ce qui risque de faire disparaître de très nombreuses petites associations et porte atteinte aux initiatives citoyennes
- Alors que cette circulaire n’est censée s’appliquer qu’aux services de l’Etat, elle fixe un seuil maximum qui concerne l’ensemble des subventions, qu’elles viennent de l’Etat ou des collectivités territoriales. La circulaire, avec le même objectif que la réforme territoriale en cours de discussion, porte atteinte à la compétence générale des collectivités territoriales.
- Alors qu’elle prétend alléger les procédures, la circulaire alourdit la constitution des dossiers de demande de subvention, à travers un nouveau modèle CERFA qui s’applique à toutes les demandes de subventions. Ce modèle ne gêne pas les grandes associations disposant de services administratifs, mais il est dissuasif pour les petites associations, comme l’ont dit plusieurs participants aux réunions tenues localement en mai et juin. La circulaire énonce toute une série de conditions impossibles à satisfaire. Quand on interroge les services de l’État disent vouloir fermer les yeux sur le non-respect de ces conditions. Elle met de ce fait les associations en situation d’insécurité juridique, en substituant à des règles de droit le bon vouloir du prince. La circulaire pousse à la concentration de l’action associative.
- Enfin, elle modifie en profondeur la loi de 1901 puisqu’elle réduit les associations à leur dimension économique et soumet les projets associatifs à l’application de politiques publiques. Tout en réaffirmant le principe de la liberté d’association, elle porte atteinte de fait au droit d’association, alors qu’il s’agit d’un droit fondamental, reconnu par le préambule de la Constitution.
- Me Colas Amblard ajoute d’autres raisons d’ordre juridique, en particulier l’illégalité dans la forme : lorsqu’il s’agit d’appliquer une directive européenne, il appartient à chaque Etat de l’incorporer à son droit par une loi et non une circulaire, notamment lorsqu’il s’agit des compétences des collectivités.
Des contradictions internes
Certains passages de la circulaire du 18 janvier apportent des clarifications en distinguant la subvention de la commande publique, en réaffirmant le principe des conventions pluriannuelles d’objectifs, en distinguant selon l’association et en simplifiant les procédures d’agrément.
Mais il est ahurissant de trouver dans un texte administratif de telles contradictions entre une circulaire et ses annexes (qui ont la même force réglementaire). On a nettement l’impression que la circulaire a été rédigée par des mains différentes. Le corps de la circulaire, plutôt rassurant, est sans doute l’oeuvre de Martin Hirsch. Les annexes disent parfois l’inverse, et semblent ressortir d’arbitrages interministériels dans lesquelles le ministère des finances a eu un rôle prépondérant. La rédaction est touffue, contradictoire. On peut se demander si dans son souci de préciser ce qui est nouveau, la circulaire n’a pas oublié de rappeler ce qui reste opératoire des dispositions antérieures. En particulier, la loi de 2002 concernant le régime des subventions, reste valable, dans la mesure où elle ne peut pas être modifiée par une circulaire.
Une mise en application incertaine
Certains services de l’État semblent aller vers une application stricte dès cette année (exemple du service de l’environnement Midi-Pyrénées), d’autres continuent à agir par le passé (exemple des pratiques amateurs au ministère de la culture).
Certains membres du collectif, devant remplir le nouveau modèle de convention, ont appelé le ministère de la jeunesse et des sports en demandant ce qu’ils devaient faire face à la déclaration sur l’honneur attestant qu’ils n’ont pas touché 200 000 euros au cours des 3 années précédentes. Le ministère a répondu « Vous barrez cette mention qui nous concerne pas ». Cette application à la carte n’offre aucune garantie pour l’avenir. Il serait souhaitable d’inventorier les attitudes prises par les différents ministères et de voir comment l’État gère les dispositions les plus problématiques.
Une évolution qui ne date pas d’hier
Au cours des 10 années écoulées, des dispositions fiscales ont été prises, un plan comptable a été imposé, et progressivement les associations ont été considérées comme des formes particulières d’entreprises, notamment par l’administration fiscale. La circulaire du 18 janvier ne fait que renforcer et systématiser la banalisation en franchissant un pas de plus. Certaines collectivités ont largement emboîté le pas à cette logique. Certaines ont généralisé des appels d’offres, d’autres ont multiplié des appels à projets directifs, qui ne considèrent les associations que comme des prestataires. Mais ce n’est pas le cas de toutes. Il est essentiel de faire valoir que d’autres logiques sont pratiqués par certaines collectivités, en s’appuyant sur les associations d’élus et les exemples vertueux.
En résumé, cette circulaire ne nous paraît pas réformable. On y verrait plus clair si un nouveau texte réglementaire reconnaissait l’existence de services non économiques d’intérêt général, délimitait de façon plus circonscrite le domaine d’application des aides d’État, précisait également les modalités de subventionnement des actions non économiques en deçà et au-delà du seuil des 200 000 euros.