Résumé du recours au Conseil d’Etat
présenté par RECIT, la FNFR, Action Consommation, La Vie Nouvelle contre la circulaire du 18 janvier 2010 relative aux relations entre les pouvoirs publics et les associations
Une requête pour excès de pouvoir a été déposée contre le Premier Ministre par Me Colas AMBLARD, du Barreau de Lyon (Cabinet d’avocats NPS CONSULTING) au nom de Mmes Kèmi FAKAMBI, Julie PUTZEYS, respectivement représentante de RECIT au Bénin et présidente de La Vie Nouvelle Luxembourg et de quatre associations – RECIT (Réseau des écoles de citoyens), FNFR (Fédération nationale des foyers ruraux), Action Consommation, La Vie Nouvelle) – afin de demander l’annulation de la circulaire du 18 janvier 2010 relative aux relations entre les pouvoirs publics et les associations.
Cette requête est basée sur le fait que les ressources de ces Associations proviennent largement de subventions publiques. Les associations concernées contestent la qualification quasi-automatique d’entreprise engendrée par les nouvelles règles, soulignent les contradictions avec la réglementation communautaire et estiment que ce texte est contraire aux principes de liberté statutaire édictés par la loi du 1er juillet 1901.
Nous avons établi un résumé des cinq principaux arguments développés. Fatalement ce texte présente des imprécisions par rapport au texte de la requête, à laquelle on voudra bien se reporter (17 pages).
La transposition des directives communautaires relève du législateur
Sous couvert de clarification, cette circulaire du Premier Ministre a pour objectif de transposer la réglementation communautaire des aides d’État en droit interne.
Mais la transposition des directives communautaires relève du pouvoir du législateur (article 88-4 de la Constitution). De même, seul le Parlement a reçu compétences en matière de libre administration des collectivités territoriales, de leurs compétences et de leurs ressources.
La circulaire méconnaît les règles communautaires en matière de réglementation des aides d’État.
La réglementation communautaire des aides d’État ne s’applique qu’aux activités économiques. Celles-ci recouvrent, quel que soit le secteur d’activité, « toute offre de biens ou de services sur un marché donné ». La définition de la notion d’entreprise est également précisée au niveau communautaire. « Est considérée comme entreprise toute entité exerçant une activité économique (…). L’activité économique suppose l’existence d’un marché caractérisé par la confrontation possible d’une offre et d’une demande. Sont notamment considérées comme des entreprises (…) les associations qui exercent régulièrement une activité économique ».
La circulaire ne comporte aucune disposition précisant à partir de quand il peut être considéré qu’une association exerce régulièrement une telle activité.
La circulaire ne tient pas compte de deux éléments caractéristiques de la notion d’activité économique : – la prestation doit être appréciable en argent, ce qui exclut du champ économique les prestations d’inspiration purement corporative ou sociale (nombreuses références citées) notamment dans la mesure où les cotisations sont nécessaires au service des prestations. – Ne sont pas considérées comme des activités économiques les opérations réalisées à titre gracieux ou à un prix nettement inférieur aux conditions du marché, qui doivent être considéré comme des libéralités et non comme des activités économiques (CJCE 21 sept 1988).
En se contentant d’affirmer que « la majorité des activités exercées par les associations peuvent être considérée comme des activités économiques, de sorte que les aides publiques qui sont apportées doivent respecter la réglementation européenne sur les aides d’État », la circulaire méconnaît le sens et la portée des règles communautaires qu’elle se propose d’expliciter. Les associations signataires contestent la qualification d’entreprise que cela engendre pour elles de manière quasi automatique et en l’absence d’une définition légale et reconnue de la notion d’activité économique (voir ci-dessous).
Par ailleurs, la limite maximum de 200000 euros d’aides sur 3 ans énoncée par la circulaire est contraire à la décision de la Commission européenne du 19 janvier 2009, qui permet d’accorder des aides inférieures à un plafond de 500 000 euros sur 3 ans pour les années 2009 2010 (en raison de la crise économique actuelle).
La notion d’activité économique d’intérêt général n’est pas clairement définie
Les directives communautaires ont défini des services d’intérêt économique général (SIEG), catégorie particulière des services d’intérêts généraux (SIG) qui incluent également les services non marchands (services d’intérêt général non économiques, SNIEG). Les instances communautaires refusent de déterminer si un service peut être non considéré comme un SIEG au nom du principe de subsidiarité.
L’article 86 du Traité définit la notion d’intérêt général : l’activité doit être liée à un acte exprès et explicite de la puissance publique de nature législative, réglementaire ou conventionnelle (notion de mandatement). La présence d’obligations de service public constitue pour la Cour de justice européenne le révélateur de l’intérêt général.
À noter que l’arrêt SODEMARE de la Cour de Justice (5 juin 1997) reconnaît que le statut non lucratif peut-être le plus adapté à la réalisation d’un objectif social, précisant que « la condition d’absence de but lucratif s’avère être le moyen le plus cohérent au regard de la finalité poursuivie »(1). La circulaire s’abstient de définir de façon précise les notions d’activité économique ou de mandatement(2), tout en multipliant les conditions impératives de délais, de fournitures d’information et de concertation avec les collectivités publiques.
La circulaire présente les caractéristiques d’une norme réglementaire susceptible de faire grief aux requérants au regard de l’insécurité juridique qu’elle génère. Elle doit être annulée au motif qu’elle comporte des dispositions « excessivement complexes » (Conseil Constitutionnel décision N°2003-473), « insuffisamment précises et équivoques » (Conseil Constitutionnel décision N°2001-455)
Le modèle de convention pluriannuelle d’objectifs annexé à la circulaire ne tient pas compte des règles communautaires applicables.
L’application des dispositions de l’article 86 du traité relatif aux aides d’État prévoit le recours obligatoire aux méthodes de la comptabilité analytique (afin séparer les coûts liés à la part des activités économiques uniquement).
Le modèle de convention proposé en annexe à la circulaire ne fait pas référence à la part non économique de l’activité des associations. Il ne fait aucunement mention de la nécessité pour les associations de prévoir la mise en oeuvre d’une comptabilité analytique.
Une violation du droit d’association
Selon les termes de la circulaire, la compensation financière est à la fois strictement proportionnée aux coûts occasionnés par l’exécution d’obligations de service public et périodiquement contrôlée par la collectivité pour éviter la surcompensation.
Si le principe de la subvention n’est pas formellement remis en cause, celle-ci est désormais étroitement subordonnée à l’exécution d’un service public clairement défini par une collectivité publique sous forme d’un acte unilatéral ou contractuel d’exécution d’obligations de service public. Le glissement sémantique de la notion de « subvention » vers la notion de « compensation » est tout à fait inacceptable pour les associations requérantes. Il est contraire à la définition donnée par la circulaire elle-même qui caractérisent la subvention par le fait que « c’est l’association qui doit être à l’initiative du projet ».
En limitant l’effectivité des droits des associations à percevoir des subventions publiques, la circulaire a une incidence indéniable sur la liberté d’association.
Une telle démarche unilatérale porte atteinte au principe constitutionnel de libre administration des collectivités (article 34 de la Constitution) et au droit d’initiative accordée aux associations, introduit en droit français par la loi du 1er juillet 1901 et consacré au rang des principes fondamentaux reconnus par les lois de la République solennellement réaffirmés par le préambule de la Constitution.
Par ces motifs, les associations requérantes concluent qu’il plaise au Conseil d’État de bien vouloir annuler la circulaire du 18 janvier 2010 et condamner l’État à verser à chaque association requérante la somme de 2500 euros au titre de l’article L761-1 du Code de la justice administrative.
Notes :
(1) cela permettrait de développer en France, à l’instar d’autres pays, des réglementations protectrices pour des activités non lucratives dès lors que celles-ci présentent des caractéristiques d’intérêt général substantiellement différentes de celles remplies par une entreprise, dont la finalité est le profit (Note Didier Minot)
(2) pour ce qui concerne cette notion, le texte se contente de renvoyer à l’exécution par les associations « d’obligations de service public clairement définies dans leur consistance, leur durée et leur étendue ».