Compte-rendu de l’intervention de Jean Lambret à la 9e journée d’étude de l’Observatoire Smacl le 25 juin 2010 à Paris
Relations entre collectivités locales et associations : vers quel équilibre ? »
9e journée d’étude de l’Observatoire Smacl, Vendredi 25 juin 2010 8h30 à 16h30 – Auditorium de l’Hôtel de Ville de Paris – 4, rue Lobau 75004 Paris
13H45-15H00 : 3è table ronde sur le financement associatif A la tribune : Lionel Benaiche ( SCPC), Me Liochon, Jean Lambret, Me Philippe Petit
13H45-13H55 : Intervention de Lionel Benaiche : – ce qu’il retient des échanges de la matinée ; – position du SCPC sur la proposition de loi sénatoriale – une petite présentation du service et de ses fonctions
13H55-14H15 : Intervention de Me Liochon, Présentation générale des problématiques juridiques posées par le financement associatif
14H15-14H30 : Intervention de Jean Lambret, fonctionnaire territorial, membre du collectif : http://archive.associations-citoyennes.net/blog/ Quelles sont les craintes du milieu associatif sur la circulaire du 18 janvier 2010 ? Quelles sont les actions en cours ?
14H30-14H50 : Intervention de Me Philippe Petit L’octroi d’une subvention à une association peut-il être requalifié en marchés publics ou délégations de services publics ? Sur quels critères ? Quelles en sont les conséquences ?
14H50-15H00 : réactions et échanges avec la salle
C’est en tant que militant associatif que je me présente à vous. Je dirige plusieurs associations de bénévoles et j’adhère à l’association Récit qui promeut l’éducation à la citoyenneté avec ses 3 500 adhérents et trois permanents. Récit est une des quatre associations1 qui a déposé un recours pour l’annulation de la circulaire du 18 janvier 2010 et initié le Collectif des Associations Citoyennes2, constitué à ce jour de vingt six organisations et soutenu par de nombreuses personnalités3.
Mais ce n’est pas par hasard si j’ai été choisi pour répondre à l’invitation des organisateurs de cette journée.
Par le passé, j’ai été gestionnaire d’une association qui animait un centre d’accueil de classe de découverte, et responsable d’un service « culture-Vie Associative » d’une ville de 12 000 habitants dans une Ville Nouvelle de Région Parisienne.
Je suis donc fonctionnaire territorial, au grade d’Attaché Principal, en fonction de direction des services municipaux et de conseil aux élus locaux.
Après vous avoir tenté de vous intéresser aux aspects de la circulaire qui posent questions, je partagerai avec vous quelques valeurs non financières qui fondent notre démarche désintéressée d’association citoyenne.
Connaissez-vous cette circulaire qui à l’ambition de faciliter les relations entre pouvoirs publics et les associations ? Elle met à jour la circulaire du 24 décembre 2002 relative aux subventions de l’Etat aux associations et conventions pluriannuelles d’objectifs Elle tente de clarifier et sécuriser le cadre juridique des relations financières entre les pouvoirs publics et les associations : L’annexe I propose une doctrine partagée entre l’Etat, les collectivités territoriales et les associations, au regard de la réglementation européenne, notamment la « Directive service » Les annexes II, III et IV précisent un nouveau modèle de convention, de demande de subvention et son manuel d’utilisation Enfin, l’annexe V définit des critères communs aux différents services de l’Etat dans le cadre des procédures d’agrément.
Les associations défendent avec l’Etat le principe de transparence et de bon usage des subventions, mais contestent la vision restrictive et marchande du fait associatif pour trois raisons de principe et une restriction qui, pour nous, est infondée : La circulaire affirme que «la grande majorité des activités exercées par des associations peut être considérée comme des activités économiques » et n’envisage pas les autres situations : les associations qui ne font aucune activité économique : l’arrêt SODEMARE SA de la CJCE du 17 juin 1997 précise que « la condition d’absence de but lucratif s’avère être le moyen le plus cohérent au regard de la finalité exclusivement sociale. » celles qui mènent plusieurs activités de front, sociales et économiques : la circulaire du 12/02/2009 du Ministère de l’intérieur précise que dans ce cas « Les règles de concurrence ne s’appliqueront pas à leurs activités non économiques.» Elle précise que « l’octroi de l’aide par la collectivité publique n’est acceptable que si le concours financier peut être regardé comme la compensation d’obligations de service public ». Dans ces conditions, les associations ne peuvent plus être à l’initiative du projet, et deviennent dépendantes de la définition du service donnée par la collectivité publique. Ces premiers points suffisent, pour nous, à montrer qu’un débat démocratique est nécessaire avant de décider comment distinguer les activités associatives des services marchands et des services publics. De fait, cette circulaire fait débat, tout comme l’application d’une Directive Européenne par une circulaire. Pour notre avocat, seule la loi peut incorporer la Directive Service à notre droit interne. Enfin, cette circulaire exclue les associations qui perçoivent plus de 200 000 €, sur une période de trois ans, sauf si elles mettent en œuvre une « politique publique d’intérêt général ». Or la Loi du 4 février 2009 appelée « plan de relance » reprend la décision de la Commission Européenne qui, en raison de la crise, permet d’accorder jusqu’à 500 000 € par entreprise pour 2009 et 2010. La différence est très importante et, pour nous, injustifiée. Les associations seraient contraintes aux mêmes exigences que les entreprises mais ne bénéficieraient pas des mêmes limites ! De plus, cela ne pause-t-il pas, là encore, un problème de droit ?
Le collectif souhaite une mobilisation générale du monde associatif, des élus de la République et des collectivités territoriales pour définir « quelles associations nous voulons pour demain ». Il s’agit de rien de moins que défendre la pérennité des mobilisations citoyennes désintéressées, celles qui défendent le respect des Droits de l’Homme et la liberté effective de tous, qui promeuvent des logiques de coopération et de mutualisation, considèrent l’économie comme un moyen au service de la société, conçoivent la solidarité comme une réciprocité, répondent aux besoins des hommes et des femmes et construisent avec eux les conditions de leur épanouissement.
Comment agir concrètement pour faire des profits non financiers ? En incitant les élus locaux à ne pas appliquer la circulaire : ils n’y sont aucunement obligés, depuis les lois de décentralisation, même si le Gouvernement incite les collectivités territoriales à le faire, et l’imposera pour les financements de l’Etat. En incitant les associations à valoriser les énergies et moyens non-financiers qu’elles mobilisent. Il suffit d’intégrer dans sa comptabilité : le temps consacré à l’activité de l’association par chaque bénévole, sur la base du smic. les moyens personnels mobilisés bénévolement : transports, communication, bureautique… Cela permet aux bénévoles d’en déduire une partie de ses impôts. Si ces activités devaient être organisée un jour sans le recours aux bénévoles, qui payerai ces factures ? Nombre d’élus locaux ont d’abord vécu l’expérience de l’intérêt commun associatif avant de défendre l’intérêt général tout aussi bénévolement. Ils savent que pour « faire société », il faut amener chaque « administré » à devenir « citoyen actif », dans un contexte d’abstention et de difficultés à renouveler l’engagement associatif. En proposant de retenir l’absence de but lucratif comme un critère de soutien aux associations, ainsi que l’incitation à la participation, à l’engagement bénévole, à répondre aux besoins sociaux, à l’ouverture à tous sans distinction, à la solidarité avec le territoire. Les rituels « forums des associations » tendent à créer un « marché du loisir de l’année scolaire ». N’est-ce pas l’occasion d’y inciter au débat sur la participation des adhérents, le renouvellement des dirigeants, la place des jeunes… ? Les associations tendent à considérer les collectivités comme des guichets de banque. Instituer une relation de partenariat est possible, mais demande un temps de connaissance mutuelle. Mettre à disposition des locaux, des formations ou des moyens administratifs peut amener les associations à sortir d’une relation financière et les mobiliser lors de manifestations municipales ou organisée par d’autres associations ( co-productions) Cette réflexion va se poursuivre au cours des prochains mois, et nous souhaitons vivement pouvoir l’approfondir avec les collectivités qui le souhaitent, afin de définir des relations association collectivités permettant de travailler ensemble dans le sens des principes d’action que j’ai évoqués.
- non lucrativité. L’association n’a pas pour objectif la réalisation d’un profit, la rémunération d’un capital ou l’accumulation de réserves excessives, ni la croissance indéfinie du chiffre d’affaires au détriment de ses concurrents.
- participation. L’association se constitue autour d’un projet associatif qui concrétise son objet social. La démocratie participative au sein de l’association, la participation de tous, les comptes rendus d’activité permettent de mieux garantir une transparence dans les services qu’elle propose et dans la façon de les gérer.
- priorité à l’engagement bénévole. La place du bénévolat est centrale dans la loi de 1901 et dans l’histoire du mouvement associatif. Quand chacun participe à la réalisation du projet, l’engagement des bénévoles est essentiel dans la définition et la conduite des actions, mais aussi comme outil d’éducation et d’émancipation à tous les âges de la vie.
- réponses aux besoins sociaux. Dans de nombreux domaines, les associations peuvent apporter une possibilité d’être acteur, une relation humaine, un travail dans la durée, une souplesse d’actions irremplaçables. Les associations répondent à des besoins que ni les entreprises, soumises à un impératif de profit, ni les collectivités publiques ne sont à même de satisfaire.
- ouverture à tous. L’ouverture à tous, et notamment à ceux dont la capacité contributive est inférieure au coût réel des activités, est une des caractéristiques essentielles des associations citoyennes. Il conditionne l’universalité du service à ses membres et la capacité de chacun à co-construire le projet associatif.
- solidarité avec le territoire. La vie associative est une des composantes essentielles de développement des territoires. La solidarité avec le territoire une des responsabilités essentielles des associations, comme d’ailleurs des entreprises solidaires, pour participer à l’aménagement du territoire.
Les principes communs aux associations citoyennes
Tous les participants au collectif des associations citoyennes qui interviennent dans des domaines très divers. Ils constatent que malgré cette diversité, les projets associatifs se fondent sur un petit nombre de principes d’action communs, que partagent également les collectivités citoyennes :
- Respecter les droits de l’homme et la dignité humaine, lutter contre toutes les discriminations, en dépassant l’égalité formelle pour aller vers une égalité effective dans l’accès à l’éducation, aux services, à la santé, à la culture.
- Assurer à tous une liberté effective dans leur vie personnelle et collective, par une émancipation vis-à vis des conditionnements imposés par la société, notamment par les médias dominants et la publicité, à travers une démarche de laïcité synonyme d’ouverture à la diversité des pensées et des raisons d’agir.
- Promouvoir des logiques de coopération et de mutualisation, et non de compétition et de concurrence, l’égalité et la liberté ne trouvant leur sens que dans un contexte de fraternité.
- Considérer l’économie comme un moyen au service de la société et non comme une fin en soi, ce qui signifie que les activités marchandes ne sauraient être le seul horizon bornant toute entreprise humaine.
- Concevoir la solidarité non comme une assistance, mais comme une réciprocité et une coresponsabilité de chacun envers tous, (des relations interpersonnelles à une solidarité mondiale).
- Préserver la poursuite de l’aventure humaine, l’avenir de la planète et les biens communs de l’humanité nécessaires aux générations actuelles et futures, ce qui implique d’autres modes de vie et d’échanges.
- Répondre aux besoins des hommes et des femmes d’aujourd’hui en matière de sécurité, de revenus, de services, d’habitat, d’éducation, d’expression culturelle.
- Permettre à chacun de développer et d’épanouir ses potentialités, en particulier ses capacités de don, de partage, de non violence et de créativité et ce dès l’école, dans une optique de développement personnel et de promotion collective, et non de compétition de tous contre tous.
- Maintenir et améliorer partout dans le monde la démocratie et l’état de droit tout en favorisant une citoyenneté active et responsable.
- Chercher une cohérence entre la parole, l’action et le sens donné par chacun à son existence, dans la diversité des options et des histoires personnelles, avec un équilibre entre identité et ouverture, entre culture propre et métissage.