Texte d’étape du Collectif : Agir ensemble !
Texte donnant le projet du collectif, réalisé suite à la réunion plénière du 8 mars 2014 (réunissant une cinquantaine d’associations) dont il synthétise les échanges.
Paris, le 18 mars 2014
Face aux tentatives d’assimilation au marché ou à logique caritative, les associations citoyennes doivent agir ensemble
⇒Refuser la tentative d’assimilation de la vie associative au marché
Le collectif des associations citoyennes s’est fortement exprimé depuis 2013 pour dénoncer les disparitions d’emplois actuels et prévisibles, la progression des appels d’offres et la complexification des procédures. En effet, beaucoup d’associations efficaces, porteuses de pratiques sociales utiles, ont disparu ou sont en voie de disparition. Les conditions de travail se dégradent, les licenciements se multiplient. Cette remise en cause touche également les associations non employeuses, car même les petites subventions sont remises en cause au niveau de collectivités de plus en plus étranglées par la réforme fiscale et la baisse de leur dotation de fonctionnement.
La parole du collectif a eu un tel écho dans la presse et auprès des associations que les instances plus officielles de la vie associative ont été contraintes de bouger. Mais surtout, un nouveau discours se développe depuis quelques mois, sur lequel le collectif des associations citoyennes s’est penché lors de sa réunion plénière du 8 mars.
De nombreux articles de presse, en particulier dans le journal Le Monde, mais aussi des fondations, des associations nationales présentent le déclin des financements publics comme inéluctable et proposent aux associations de s’appuyer sur le mécénat d’entreprise, le mécénat de compétences, l’appel aux fonds privés sur Internet ou par voie de publicité. Mais jamais il n’est dit à combien d’associations ces solutions peuvent s’appliquer (quelques milliers pour 1 million d’associations). Ces thèses trouvent aujourd’hui un écho au sein d’un certain nombre de réseaux associatifs. Le ministère de la vie associative a mis en place un groupe de travail sur le bénévolat des personnes actives, dont l’animation a été confiée à l’association Le Rameau, dont le titre « le rayonnement des associations par le mécénat d’entreprise, pour travailler notamment sur les modèles économiques des associations, administrations et d’universités » traduit bien l’objectif.
Cette campagne constitue un accompagnement de la politique d’austérité, dont l’aggravation casse les repères sociaux et détruit notre société. L’année 2013 a vu se multiplier les ruptures de financements publics en raison de la politique d’austérité. Les autorités publiques impécunieuses, confrontées à la raréfaction de leurs ressources à partir de règles qu’elles se sont elles-mêmes fixées, abandonnent progressivement leurs missions de garantie de la cohésion sociale et de l’avenir à long terme. Elles font du domaine associatif la variable d’ajustement de leurs budgets, quitte ensuite à se plaindre du délitement de la société sur les territoires.
Elle est en cohérence avec les positions européennes, qui considèrent les associations comme des entreprises sous le seul angle de leur activité commerciale et ne veulent pas d’une société civile organisée. Elle est également en phase avec la pression terrible exercée sur la démocratie par les traités de libre-échange au niveau mondial, notamment entre l’Europe et le Canada et entre l’Europe et les Etats-Unis. Avec la mise en place de tribunaux privés pour régler les différends entre les entreprises et les collectivités publiques, les associations sont menacées non seulement par la baisse de leurs financements, mais par le risque juridique de voir leurs activités devenir hors-la-loi. Un des arguments du secteur privé est de dénoncer « la part belle faite au secteur associatif, qui est un obstacle à la liberté d’établissement ».
Comme au XIXème siècle, la sollicitude des riches prend le pas sur l’exigence d’égalité et la subvention est remplacée par la charité. À travers ces offensives, l’engagement citoyen est contesté au profit d’une idéologie qui présente le marché, tout-puissant et sans contestation, comme le seul avenir possible. Mais la philanthropie cache mal la cupidité sans limites des forces économiques et financières. L’enjeu n’est pas seulement financier, mais aussi un enjeu de société, un enjeu de domination et un enjeu anthropologique. Face à cette offensive, c’est la rupture avec ce système qui doit être posée.
⇒Agir avec tous ceux qui refusent la fatalité
Face à l’offensive néolibérale, les associations ont le devoir de réagir afin de réaffirmer leur volonté d’agir au service du bien commun. Les associations citoyennes refusent d’émarger à la mendicité. Elles ont besoin de financements publics, stables et garantis.
Elles doivent pour cela à la fois constituer un rapport de forces et rendre visible l’espoir dont elles sont porteuses.
Ces difficultés ne sont pas spécifiques aux associations. C’est l’ensemble des peuples européens qui sont frappés par l’offensive néolibérale, l’austérité et la montée de l’extrême droite. Il faut rebâtir le politique en dehors du néo-libéralisme, afin que le pouvoir soit lié aux citoyens et non à l’intérêt de l’entreprise.
L’action du collectif des associations citoyennes va dans ce sens, mais il existe d’autres lieux, d’autres instances qui poursuivent le même but. Afin de changer de logique et de créer un rapport de forces, le collectif doit tisser des liens et travailler avec d’autres acteurs : ceux de l’économie solidaire, les syndicats, les représentants des métiers et des services publics, des élus, des chercheurs, d’autres réseaux associatifs, en s’appuyant sur les réseaux existants aux différents niveaux (national, local, européen).
Ces enjeux donnent une responsabilité au collectif. La dynamique qui s’est instaurée depuis quelques mois conduit à envisager une nouvelle étape. Au regard d’une situation qui évolue rapidement, le collectif a à construire ses propositions et ses fondamentaux par rapport aux territoires, aux pratiques sociales, à l’économie, à la transition écologique. Ce travail de construction doit se faire de manière positive en étant «pour » et non pas « contre ».
La mise en réseau a déjà montré à des milliers d’associations qu’elles ne sont pas isolées. Ensemble, elles peuvent s’entraider en mutualisant leurs moyens, leurs réflexions et leurs capacités d’agir. Le rôle du collectif est également de questionner les pratiques et de proposer des méthodes de gestion participatives en cohérence avec les projets, sans se soumettre à des méthodes managériales nocives et inadaptées. Enfin, il doit travailler sur des cas concrets pour faire connaître les actions pertinentes qui constituent des réponses à la crise globale et sur les difficultés, pour les analyser et faire des propositions.
⇒Réaffirmer les responsabilités essentielles des associations citoyennes
Du fait des valeurs de solidarité et de participation qu’elles développent, les associations citoyennes constituent l’un des derniers rempartsau délitement des liens humains qui conduit à la montée de l’extrême droite et des communautarismes, des théories racistes, xénophobes et d’exclusion.
Une grande partie de ces échanges non marchands passe par les associations dont l’objectif central n’estnila cupidité, ni le profit, ni l’accroissement de parts de marché. C’est pour cela qu’aucune société ne peut exister sans être nourrie par un tissu civil vivant dont les associations constituent l’essentiel.
Car celles-ci produisent d’abord du développement humain, de la démocratie locale, de la participation, du lien social et de l’épanouissement des personnes. La création de richesses économiques est un sous-produit qui ne saurait être considéré comme la finalité principale de leur activité. Les associations produisent de la croissance, de la richesse, mais au sens de la richesse humaine, du développement humain et du bien commun.
Face aux conséquences sociales, écologiques, démocratiques, culturelles des politiques mises en œuvre, les associations réalisent des actions porteuses d’alternatives. L’action associative constitue l’une des bases principales qui permet de reconstruire une société à finalité humaine. Un des objectifs du collectif est de mieux connaître, analyser et relier ces expériences qui jettent les prémices d’une société nouvelle. Ces expériences ne sont pas isolées. Toutes ensemble elles tracent les contours d’une alternative globale.
Enfin, la multiplicité et la diversité des associations traduisent la liberté de s’associer, qui constituent le fondement de la loi de 1901. La possibilité effective de s’engager dans un projet de transformation sociale est une liberté fondamentale, constitutionnelle. Elle doit être réaffirmée pour redonner un souffle au pouvoir du peuple, âprement remis en cause par les forces économiques dominantes.
⇒Ebaucher six pistes de réflexion et d’action
– élargir la réflexion commune à une vision globale de l’Europe et du monde en organisant des rencontres thématiques ouvertes, afin de décrypter les politiques mises en œuvre et montrer en quoi les choix politiques impliquent l’avenir des associations. Continuer à mobiliser la parole du collectif sur des valeurs partagées.
– Mettre à disposition des associations des méthodes de gestion participative cohérentes avec les projets porteurs d’autonomie et de transformation sociale, en se démarquant de certaines méthodes proposées par des cabinets d’audit ou importées par des cadres d’entreprise. Cela implique une réflexion critique sur les méthodes juridiques et comptables des associations et parfois leur faiblesse en la matière.
– Constituer un observatoire des associations citoyennes, afin d’analyser de façon systématique les exemples positifs d’actions innovantes et porteuses d’alternatives et les exemples de difficultés associatives, de déterminer ainsi des références à partir d’analyses comparatives et de développer une mutualisation entre associations. Cette fonction inclut un travail de connaissance réciproque, de propositions et de communication, afin de rendre chacun conscient de la portée des actions qu’il mène[1].
– Poursuivre le travail de communication vis-à-vis des médias et d’explication pédagogique sur le terrain et en interne vis-à-vis de l’ensemble des membres et sympathisants du collectif. Un immense travail d’information reste à faire pour expliquer plus clairement encore les analyses et les propositions du collectif, en partant des réalités vécues.
– Multiplier les rencontres et les actions communes avec les réseaux associatifs partenaires, notamment ceux qui ont signé l’appel « non à la disparition des associations », et avec tous ceux qui s’opposent à la logique néolibérale. Afin de faire connaissance, de s’écouter et de faire converger les modes d’action, il serait également souhaitable d’organiser au cours de cette année des rencontres avec certains syndicats
Par rapport aux coordinations associatives, a été confirmée la position adoptée jusqu’ici de préserver l’indépendance du collectif et une parole libre, tout en travaillant ensemble et en recherchant les convergences chaque fois que cela est possible. Cette attitude sera poursuivie.
⇒Poursuivre la mobilisation dans les prochains mois.
Depuis janvier, 22 manifestations, soirées débats, interpellations des élus ont eu lieu dans différents départements ou territoires. Le premier besoin des associations est de se rassembler pour échanger, réfléchir ensemble à leur situation locale, aux enjeux et à l’avenir des associations. Dans de très nombreux cas, des candidats aux élections municipales ont participé à ces débats. Plusieurs de ces réunions ont posé le principe d’une action dans la durée, mais progressivement le collectif prend conscience du temps nécessaire pour constituer de tels groupes et des difficultés de la mobilisation locale.
La mobilisation pour les prochains mois peut prendre plusieurs formes :
→Intervenir pour les élections européennes.
Il est nécessaire d’être présent dans la campagne des européennes, car nombre de décisions sont prises aujourd’hui à Bruxelles. Les interventions sont plus aisées à mener que pour celles des élections locales car les associations ouront la possibilité d’interpeller les candidats d’un teritoire éléctoral plus vaste et faire des communiqués. Cependant, pour dépasser les réponses passe-partout, il paraît nécessaire d’interpeller les représentants des partis, sur 2 ou 3 questions très précises relatives à la réglementation européenne. Un fascicule sera produit dans les prochaines semaines pour présenter sous forme d’une série de fiches de quinze à vingt lignes les réponses aux questions principales, En s’inspirant du document produit pour les élections municipales, « Pourquoi les associations citoyennes se mobilisent », un fascicule sera réalisé dans les prochaines semaines.
→Poser des questions précises aux nouveaux élus
Il est également important d’interpeller les nouvelles équipes issues des élections municipales. Là aussi, il faut demander des engagements précis. Les questions peuvent porter par exemple sur :
– la mise en place de chartes locales d’engagements réciproques, à partir de la charte nationale, en discutant à la fois avec les nouveaux élus et les techniciens
– la constitution d’un conseil local de la vie associative pour ensuite définir une politique associative
– la proposition d’un forum des associations locales,
→Agir en solidarité avec des associations en difficulté.
Alors que les cas d’associations en difficulté se multiplient, le collectif ne peut pas rester inactif. Les participants sont d’accord pour suggérer que des interventions communes soient organisées localement pour soutenir des associations en galère, avec parfois une intervention du CAC national. Il appartient aux associations locales de prendre la décision d’agir ou non en fonction de la connaissance de la situation. De telles actions peuvent constituer des points d’entrée pour la constitution de réseaux.
→Provoquer des délibérations au sein des associations elles-mêmes
Plusieurs exemples montrent l’intérêt de provoquer des délibérations dans les associations elles-mêmes. Il faut pour cela que les initiateurs du débat disposent d’outils de communication en termes simples. Le fascicule « pourquoi les associations citoyennes se mobilisent » peut constituer un point d’appui. De plus, ces délibérations pourront être amplifiées par des conférences de presse ou une information plus large.
→Participer à des mobilisations organisées par d’autres, notamment à la marche contre l’austérité
Le collectif participe déjà à des mobilisations organisées par d’autres, sous diverses formes. Par exemple il co-organise avec l’appel des appels une journée de réflexion le 22 mars ; il a signé la charte « construire ensemble la politique de l’enfance », l’Appel contre le grand marché transatlantique (dit : « Stop TAFTA »)
Le collectif est également sollicité pour participer le 12 avril à une marche contre l’austérité, beaucoup plus large, avec un ensemble d’associations, de syndicats et de partis. Le CAC a exprimé à l’unanimité son accord pour participer à cette marche, et incite ses membres dans les régions à faire le déplacement.
Pour conclure
Dans une période où les inégalités, les précarités et la misère s’accroissent dans notre pays, où le repli sur soi est présenté par l’idéologie dominante comme la panacée, les associations citoyennes ont conscience de représenter l’un des derniers remparts face à l’éclatement des solidarités, à la montée de l’extrême droite et l’exacerbation des communautarismes. Cela leur donne une responsabilité. Ces associations produisent d’abord du développement humain, de la démocratie locale, de la participation, du lien social et de l’épanouissement des personnes. Face aux conséquences dramatiques des politiques mises en œuvre, l’action associative constitue l’une des bases principales pour reconstruire une société humaine, responsable et solidaire. Le collectif entend situer son action dans cette perspective et s’organiser pour cela sur une base autonome et participative.
[1] Il a été proposé d’établir une « carte d’identité » de chaque organisation signataires de l’appel. Cela est difficile à généraliser contenu du nombre de signataires (plus de 8000) mais indique un cap.