6 propositions pour prendre en compte le rôle fondamental des associations dans la société
(Dossier complet à télécharger : Une véritable politique associative est nécessaire)
NB. Ces propositions ont été élaborées avant le changement de gouvernement. Elle souligne la nécessité d’une nouvelle politique associative sans tenir compte à ce stade des déclarations du Président de la République pendant sa campagne et des premières déclarations du gouvernement, qui vont dans le sens de ces propositions. Nous espérons qu’elles pourront constituer un apport substantiel à la concertation que le gouvernement prévoit d’organiser au cours des prochains mois.
La liberté d’association est inscrite dans la déclaration des Droits de l’Homme et reprise par nos principes fondamentaux reconnus par les lois de la République solennellement réaffirmés par le préambule de la Constitution. Les associations constituent l’un des piliers de notre vie démocratique, sociale et culturelle. Dans les territoires, elles sont le creuset de la démocratie et de la participation citoyenne et jouent un rôle d’alerte et d’innovation sociale indispensable.
Ce sont également des lieux où l’on « fait ensemble », où l’on peut inscrire son engagement individuel dans un cadre collectif. Les associations, petites et grandes, constituent ainsi des espaces de confiance, d’éducation citoyenne et de solidarité. Par là même, elles donnent un sens à la vie de 14 millions de bénévoles en France en offrant à ces derniers la possibilité d’agir de façon désintéressée, dans une logique de partage et de réciprocité. Le caractère solidaire de la vie associative doit donc être reconnu comme une composante essentielle du lien social, en dehors de toute logique quantifiable et purement comptable.
Les associations représentent, enfin, l’essentiel de l’économie sociale et solidaire (80% des emplois) et se distinguent des entreprises commerciales par leur non lucrativité. Elles créent en outre des richesses matérielles, mais également immatérielles, dont les outils de comptabilité publique ne rendent pas compte. De très nombreux besoins sociétaux non satisfaits par les services publics sont couverts par les activités associatives dans un but d’éducation, de lien social, de coopération, d’épanouissement des personnes, etc… Or ces activités progressivement disparaissent en tant que lieux d’expérimentation, d’engagement et d’éducation citoyenne.
La reconnaissance du fait associatif doit redevenir un élément essentiel des politiques publiques, y compris au niveau européen. Cette forme d’engagement n’est pas un reliquat du passé, mais une nécessité pour l’avenir. Le principe de libre concurrence ne saurait se suffire à lui-même et l’urgence sociale commande des changements rapides et profonds. Plus la crise s’aggrave, plus les associations citoyennes sont indispensables pour résister, inventer des solutions, et construire un monde plus juste et plus humain.
Face à un système sur le point d’imploser, les nouvelles politiques d’austérité nous sont présentées comme une nécessité mais n’affichent en réalité pas d’autres objectifs que de « rassurer les marchés ». Pour éviter l’effondrement d’un système, les États continuent de creuser les déficits publics alors même que les dettes « souveraines » sont financées par des spéculateurs privés. Les plans de rigueur se succèdent et se traduisent par toujours plus de sacrifices pour « les sans voix, les sans grades, les invisibles ». Il s’agit d’abord d’arrêter de répondre aux exigences absurdes de ces entreprises financières dominantes et de mettre fin aux politiques successives qui nous conduisent déjà à la récession et à notre perte.
Cette situation, qui porte atteinte aux politiques publiques et aux services publics, touche durement les associations. Ces dernières sont doublement concernées : d’une part, leurs adhérents ont de moins en moins les moyens de participer au financement des causes (d’intérêt général) pour lesquelles ils sont en empathie ; d’autre part, les subventions et les interventions publiques sont en pleine régression, les associations étant désormais mises en concurrence de façon quasi systématique. Cela se traduit déjà par la disparition de nombreuses entités associatives et des pertes d’emplois importantes (26 000 l’an dernier, combien cette année ?), concourant ainsi à l’aggravation de la situation économique générale de notre pays et à la paralysie de l’action politique.
Six politiques remettent en cause le sens de l’action associative
Plusieurs politiques publiques convergent pour remettre en cause le sens de l’action associative. Ces politiques menées avec constance depuis 10 ans traduisent un mépris de la vie associative en assimilant les associations à des entreprises commerciales, en les restreignant à un rôle de prestataires ou de sous-traitants, en les obligeant à se regrouper sous la contrainte, alors que la diversité associative est un trésor national
1. La politique menée par l’État (LOLF, circulaire Fillon, régression de l’action de l’État) banalise le secteur associatif, favorise son instrumentalisation et cherche à le soumettre aux strictes lois du marché concurrentiel libre et non faussé sur des procédures mercantiles.
2. La Révision Générale des Politiques Publiques (RGPP) constitue un démantèlement organisé de l’Etat et des services publics qui remet en cause la notion même d’intérêt général et d’action publique. L’action publique se concentre sur les plus grosses structures associatives, obligeant les petites à se regrouper.
3. Les charges nouvelles imposées aux collectivités et la suppression de leur autonomie fiscale les conduisent à la diminution de nombreuses aides aux associations.
4. La réglementation européenne privilégie le droit de la concurrence et refuse, sauf exception, la contribution des associations au bien commun. Elle créée pour les collectivités une insécurité juridique qui les amène à privilégier les appels d’offres, faisant basculer l’action associative dans le champ concurrentiel.
5. La réforme des collectivités territoriales renforcera l’impossibilité de cofinancements et l’instrumentalisation des associations dès lors que celles-ci n’auront plus qu’un seul financeur. Elle remet en cause les différentes formes de concertation entre associations et collectivités.
6. Les plans de rigueur successifs conduisent à de nouvelles ruptures de financement de la part de l’État et des collectivités locales en faisant reposer la totalité de l’effort de solidarité sur les salariés et les structures porteuses d’intérêt général, sans faire participer à un niveau identique les détenteurs du capital et les grandes entreprises transfrontalières du CAC 40.
Cela signifie que la vie associative est en train de connaître le sort qu’ont connu les services publics au cours des dernières années : une remise en cause pure et simple au profit de logiques marchandes !
Face à cela, plusieurs centaines d’associations se sont regroupées au sein d’un collectif des associations citoyennes pour dénoncer cette situation et en montrer les dangers. Mais leur démarche se veut également constructive et vise à élaborer des propositions alternatives, à inter agir en collaboration avec les collectivités territoriales, les syndicats et l’ensemble des forces vives des territoires.
Pour une nouvelle politique associative
Nous attendons d’un nouveau gouvernement un discours fondateur reconnaissant l’importance des actions associatives au service de l’intérêt général et du bien commun, de la démocratie et du vivre ensemble. Il s’agit de préparer la vie associative et l’engagement des citoyens dans la vie publique dont notre société a besoin au XXIe siècle.
Il faut pour cela mettre en place une véritable politique du développement associatif qui reconnaisse par une série d’actes concrets et symboliques, l’importance des actions menées par ce secteur au service de l’intérêt général et du bien commun. Nous pouvons la résumer par 6 axes de propositions :
1. Renforcer le rôle des associations en matière de démocratie participative, de participation citoyenne et d’éducation à la citoyenneté en redonnant toute sa place à l’engagement bénévole, en favorisant l’accès des citoyens au débat public et leur participation à la décision publique.
2. Construire de nouvelles relations entre associations et collectivités, confrontées aux mêmes enjeux de survie des territoires, en développant des actions partenariales pérennes dans un esprit de complémentarité et de reconnaissance réciproque du rôle de chacun.
3. Créer de nouvelles modalités de financement pour les actions porteuses d’intérêt général ou d’utilité sociale, afin de les sécuriser dans la durée, en distinguant clairement les activités lucratives des activités économiques d’utilité sociale, en préservant du marché certains secteurs d’activités correspondant à des besoins de société auxquels ne peuvent répondre des entreprises privées. Sécuriser par la loi les actions menées au service de l’intérêt général et respectant certains critères élaborés en concertation avec l’ensemble des parties prenantes au projet (Etat, collectivités territoriales, associations, partenaires sociaux, mécènes…).
4. Abroger certaines dispositions de la réforme des collectivités territoriales en restaurant la compétence générale des départements et des régions et les différentes formes de concertation nécessaires à la mobilisation de tous les acteurs des territoires.
5. Mettre en oeuvre une autre RGPP (révision générale des politiques publiques), fondée de manière équilibrée sur des critères tout à la fois quantitatifs et qualitatifs.
6. Peser sur l’élaboration de la réglementation européenne, afin d’exclure du champ de la concurrence les actions porteuses d’intérêt général, économiques ou non. Au-delà, il serait nécessaire de développer un droit européen de l’intérêt général appuyé sur la charte des droits fondamentaux des peuples, au sein desquels serait reconnu de façon positive le droit d’association.