Accueil Goutte d’Or à Paris (XVIII)
A l’origine, l’AGO est une initiative des habitants du quartier.
En 1979 quelques habitants font appel au secours catholique et une antenne, Accueil Goutte d’Or est créée dans le quartier.
En 1996 les habitants créent une association autonome. Ils sont rapidement approchés par la municipalité ; ils deviennent Centre social.
Le fondement du projet
Le projet social de l’association se fonde sur les principes de l’Education Populaire et se réfère aux valeurs définies dans la charte fédérale des Centres sociaux et socioculturels : reconnaître la dignité de toute personne humaine, oeuvrer pour faciliter le « vivre ensemble », faire vivre la démocratie au plan local.
Le contexte local
AGO (Accueil Goutte d’or) est un Centre Social situé en plein quartier « Goutte d’Or » dans le 18ème à Paris.
Le quartier est caractérisé par :
– Une forte proportion d’émigrés et de jeunes ;
– Un faible niveau de formation générale et professionnelle ;
– Un niveau de précarité élevé (28% en dessous du seuil de pauvreté) ; un taux de chômage de 17% ;
– Des conditions d’habitation encore souvent précaires, malgré un travail pour résoudre l’insalubrité. 15% de logements sociaux.
C’est un quartier qui cumule depuis plusieurs années toutes les appellations des politiques successives de la ville : ZUS (zone urbaine sensible), CUCS (Contrat urbain de cohésion sociale), REP (Réseau d’éducation prioritaire), RAR (Réseau ambition réussite)…
…mais un quartier auquel ses habitants sont très attachés et qui a une vie associative active (une trentaine d’associations qui vivent en partenariat plus ou moins intense).
AGO est très implanté dans le quartier. (Il touche plus de 2000 habitants sur les 22 000 habitants).
Il est présent sur le quartier depuis 1979 avec une équipe très stable et a acquis de ce fait une bonne compréhension des problématiques des habitants. Un climat de confiance s’est établi entre l’équipe et les usagers. Cette confiance est né du partage du vécu.
Les actions menées
Les actions « socles » sont :
– la permanence sociale : Par un travail d’écoute, il s’agit de permettre à des personnes d’origine étrangère, souvent analphabètes, issues de culture orale et rurale, de connaître et d’accéder à leurs droits, et de pouvoir s’orienter dans les diverses démarches administratives nécessaires. (2 salariés et 3 bénévoles se consacrent à cette activité = 1ETP)
– des actions de formation et de socialisation dirigées essentiellement vers des femmes non scolarisées : ateliers de français ( dont la préparation au DILF, diplôme français langue étrangère ), initiation à l’informatique, ateliers d’expression orale, théâtrale ou atelier d’écriture. Ces ateliers ont pour but de permettre aux femmes de mieux maîtriser la langue et les écrits du quotidien pour mieux se débrouiller dans leur vie quotidienne. L’action s’est ouverte à des groupes mixtes, hommes et femmes déjà scolarisés.
– le secteur Enfance /Jeunesse qui comprend une action individuelle d’accompagnement à la scolarité (un jeune/un bénévole), des activités d’expression, des sorties culturelles et de loisirs pendant les vacances.
– la Halte garderie.
– des activités collectives et conviviales à destination des familles : organisation de temps festifs; projection de films pour un public familial; le « café des parents », des vacances familiales.
– le suivi socioprofessionnel d’allocataires du RSA.
A cela s’ajoutent suivant les années des activités au fur et à mesure de la demande des habitants ou des besoins repérés.
Toutes ces activités forment un tout qui permet au Centre d’être
– un repère et une ressource pour les familles du quartier,
– un lieu où se côtoient des générations et des situations de vie différentes
– un lieu qui facilite le lien avec les services administratifs auxquels ont affaire les habitants du quartier.
La mise en pratique de la démocratie au sein de l’association.
L’association fonctionne avec 14 salariés et 80 bénévoles.
Les salariés encadrent chacun une équipe de bénévoles sur chaque champ d’activités. Si les salariés sont les pivots des activités, ce sont la plupart du temps les bénévoles qui les mettent en oeuvre.
Un Conseil d’administration est composé majoritairement d’habitants du quartier.
L’adhésion est volontaire et non liée obligatoirement aux activités pratiquées.
Pour favoriser les relations entre les salariés et les administrateurs bénévoles, des réunions entre l’équipe de salariés et les membres du CA sont organisées deux fois l’an pour se connaître, se former mutuellement sur les aspects techniques et plus politiques des actions menées et s’efforcer de co construire ensemble le projet du Centre.
L’association rencontre comme beaucoup, la difficulté de recruter des bénévoles et de les garder un certain temps. Elle s’attache à la formation des personnes et développent les temps d’échanges sur les problèmes rencontrés.
Les relations avec les autres associations du quartier, les partenaires, les pouvoirs publics.
L’association travaille en partenariat avec les associations du quartier et participe activement à plusieurs regroupements (Coordination inter associative Goutte d’Or, Fédération des Centres sociaux, « Association en danger »…) .
Elle a la confiance des pouvoirs publics (municipalité, DASES, CAF…).
Les nouvelles directives et ses conséquences pour le Centre et les habitants
En 1996, l’association observe que beaucoup d’allocataires du RMI ne sont pas suivis dans leur parcours d’insertion. Elle dépose un projet accompagné d’une demande de subvention, pour palier à ce manque. L’action est mise en place. Le Centre suit une centaine d’allocataires.
Cette activité est assurée par 2 salariés.
En 2011, Le financement de cette activité par la DASES est de 130 000 € (105 000€ pour l’action elle-même et 25 000€ pour le fonctionnement).
En 2006, l’association a dû se plier à la procédure d’appel d’offre de marché pour cette activité. La DASES qui est le commanditaire, segmente le public concerné en différentes catégories qui donnent lieu à des « lots » différents à choisir ; les SDF, les plus de 50ans, les parents seuls…Pendant quelques années, l’association réussit à obtenir le marché.
En 2012, elle n’est pas retenue parmi toutes les associations mises en concurrence (11 associations ont été retenues. elle est arrivée 12ème !).
Les critères retenus ne sont pas adaptés au travail d’une association comme Accueil Goutte d’Or. Par exemple; l’efficacité vient de sa proximité du quartier et de la connaissance proche de ses habitants. Or une des règles que l’association ignorait était d’attribuer un plus grand nombre de points aux projets qui couvraient un plus grand territoire.
Les conséquences de cette perte pour l’association et les personnes concernées par l’action :
– Une centaine de personnes ont été réorientées par la commission d’appel d’offres. Mais le service polyvalent du secteur a mis du temps à venir chercher les dossiers qui lui étaient attribués ; pendant ce temps, des personnes attendent que la DASES veuille bien reprendre le suivi…
– Le Centre perd un public qui avait sa confiance et qui apportait une diversité (l’allocation RSA concerne toutes les classes socioprofessionnelles; il y a des Bac+5, des artistes…) et permettait de brasser des univers culturels différents.
– Depuis 15 ans, le Centre a accumulé un savoir-faire qui va se perdre.
– Les 2 salariés qui étaient sur cette tâche ont dû être licenciés.
– C’est une perte pour le budget de l’association.
Les interlocuteurs habituels de l’association se montrent désolés de ce résultat, réaffirmant leur confiance dans le travail de l’association…Aveuglement ou bien impuissance face à des décisions sur lesquelles ils ne peuvent rien ?…
Nous observons par cet exemple, comment la procédure d’appel d’offre peut de manière sournoise transformer l’esprit d’une action et ôter à une association la maîtrise de son projet et balloter une population fragile au gré de convenances administratives peu soucieuses du cheminement des personnes.