Le « Plan Pauvreté » de M. Macron : un pauvre plan [fin sept 2018]
[Le 24 septembre 2018
Communiqué – version PDF ICI
Un plan qui ne combat pas la pauvreté
Les associations structurent largement les actions contre la pauvreté. Si le report du plan (de 2 mois) avait déjà suscité certaines inquiétudes, les paroles présidentielles sur le « pognon de dingue » avaient mis en émoi les acteurs du secteur. Le plan présenté par le Président Macron ce 13 septembre a donc pour premier objectif de porter une parole rassurante, et les acteurs associatifs ont salué avec mesure le discours officiel. Pour ce qui est de son contenu, de nombreuses réserves ont été émises. Ce plan – dont le discours de présentation peut paraître alléchant- ne répond, ni dans sa philosophie ni dans ses mesures, à l’urgence de la situation pour lutter contre la misère.
Les effets de la « pauvreté » ne sont pas tous visibles : 8,8 millions de personnes vivent avec moins de 1.026€, soit un taux de pauvreté de 14%. 25 % des jeunes de 18 à 24 ans vivent sous le seuil de pauvreté, 19,8 % chez les moins de 18 ans, selon l’INSEE[1]. Si les femmes sont les premières victimes de la hausse de la pauvreté et de la précarité, de nombreuses catégories sociales sont durement touchées, les agriculteurs, les retraités, les personnes en situation de handicap, les travailleurs et travailleuses pauvres et/ou précaires, les chômeurs et chômeuses âgés… Les annonces ne prennent pas en compte les besoins urgents en matière de sortie de la pauvreté, notamment la revalorisation des minimas sociaux, l’accès à un logement décent pour tous, incluant une garantie sur le déploiement des APL, ou l’application de la loi portant sur le droit au logement (loi DALO) ; l’extension du RSA aux moins de 25 ans aurait pu constituer une mesure emblématique. Comment ne pas être inquiet ?
Mesure phare de ce plan, l’annonce en 2020 d’un Revenu Universel d’Activité (RUA) n’est que la fusion de prestations déjà existantes. Les principaux commentaires se focalisent sur l’espoir qu’il n’y aura pas de perdant ! Ne devrait-on pas espérer autre chose d’une telle mesure, et notamment que les personnes vivant sous ce seuil y trouvent des revenus leur permettant de sortir de la misère ? Lié à la notion d’« activité » le bâton est déjà agité pour les demandeurs d’emploi qui refuseraient 2 offres, ce qui laisse craindre de nombreuses sorties de ce dispositif avant même sa mise en place. Le RUA n’aura donc rien d’universel et on peut craindre qu’il ne soit financé par les bénéficiaires eux-mêmes sur le simple rapport gagnants/perdants. Porter les minimums sociaux au seuil de pauvreté (1.026 euros) coûterait de l’ordre de 20 milliards d’euros soit la moitié du coût du Crédit Impôt Compétitivité Emploi (CICE). Cette mesure qui permettrait de sortir de la pauvreté plusieurs millions de personnes est possible bien plus vite qu’en une génération. C’est une question de choix politique : le CICE ou l’éradication de la pauvreté.
Aux 8 milliards sur 4 ans du Plan Pauvreté s’opposent implacablement les milliards consacrés au Plan Richesse du quinquennat : 16 milliards d’euros pour la suppression de l’ISF, 9 milliards pour le prélèvement forfaitaire unique sur les revenus du capital, 38 milliards au titre du CICE et des baisses de cotisations pour la seule prochaine année… Sans oublier les 60/80 milliards d’évasion fiscale estimés par des ONG. Selon une étude de l’Observatoire Français des Conjonctures Economiques (OFCE)[2], fin 2019 les revenus des 5 % les plus riches augmenteraient de 2,2 % par rapport à 2017, contre 0,2 % pour les 5 % les plus pauvres.
Les associations citoyennes, actrices de la solidarité, grandes oubliées du Plan
La Pauvreté dans ce pays recouvre une dimension beaucoup plus large. A la baisse des prestations en taux réel, à la généralisation de la précarité comme mode d’accès à l’emploi, à la précarité alimentaire et aux difficultés de logement, à l’incapacité de se soigner, s’ajoute l’isolement qui détruit les êtres dans leur humanité et leur dignité. En dehors des grands réseaux, des milliers d’associations agissent quotidiennement auprès des personnes les plus fragiles. Elles participent à la création du lien social, s’engagent dans les territoires et favorisent l’accès à la culture et aux loisirs.
Comment ne pas mettre en rapport ce Plan avec toutes les mesures prises par ce gouvernement au détriment des associations ? La systématisation des procédures d’appels à projet (AAP) se substitue au droit à subvention : -15 milliards de subvention en 10 ans pour +10 milliards de commande publique. La récente suppression de la réserve parlementaire prive les associations (notamment les plus petites) des 60 millions d’euros qui abondaient la vie associative dans chaque territoire (la création d’un fonds dans le cadre du FDVA de 25 millions d’euros sur AAP ne compense pas cette perte). A la baisse structurelle des subventions s’ajoute maintenant la suppression des emplois aidés. De 450.000 en 2016, il n’en restera que 100.000 cette année, sous la forme d’un Parcours Emploi Compétence dont la mise en place relève davantage d’un Parcours du Combattant, à tel point que les services de l’État peinent à le mettre en place. Ce sont ainsi 350.000 personnes qui avaient accès à l’emploi, qui reprenaient pied dans la société, accompagnées notamment par le secteur associatif, agissant au plus près des personnes, qui se retrouvent exclues et rejetées dans la pauvreté. Double peine pour des milliers d’associations qui ont perdu une capacité à agir localement notamment auprès des personnes les plus en difficulté.
Le compte n’y est pas. Aux 8 milliards sur 4 ans d’euros du Plan Pauvreté, il conviendrait d’ajouter un relèvement immédiat des minimas sociaux, l’extension du RSA aux plus jeunes, des garanties sur le versement des APL …
Et pour l’ensemble du secteur associatif, une vraie reconnaissance de son utilité sociale par la création d’un Plan pérenne de 1 Milliard d’euros[3] nécessaire pour maintenir le soutien de l’État et construire avec les associations une véritable politique d’accompagnement des personnes les plus en difficulté.
Toute la philosophie du Président Macron est bien présente dans ce plan. Plus de 4 Milliards porteront sur la prime d’activité, et ceux et celles qui en sont exclus ne doivent rien attendre de ce gouvernement. C’est la destruction du système social français qui est à l’œuvre, un système organisé autour de droits universels, protecteurs pour les plus démunis et basés sur la justice sociale et l’équité. C’est la réforme annoncée de la sécurité sociale, demain celle des retraites ou de l’assurance-chômage… confiée au secteur privé ou par la création d’agences comme on y assiste dans le mouvement sportif… Tout cela est inscrit dans le rapport CAP2022 portant sur la réforme de l’État.
Le CAC rappelle que « l’exercice de la solidarité repose sur un vaste ensemble d’acteurs et non quelques-uns et que les petites et moyennes associations, indispensables à la Solidarité de proximité, ont vu fondre récemment les moyens dont elles disposent pour leur action ».
Les associations citoyennes doivent prendre la pleine mesure de ce changement de société qui nous engage vers un modèle toujours plus inégalitaire et dans lequel le Président Macron et son gouvernement nous plongent.
A propos du Collectif des Associations Citoyennes
Le CAC est né en 2010 et se donne 3 principaux objectifs :
- Lutter contre la marchandisation et la financiarisation de l’action associative.
- Permettre aux associations de participer pleinement à l’action publique.
- Défendre le rôle essentiel et la participation des associations à la construction d’une société solidaire, durable et participative.
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[1] www.insee.fr/fr/statistiques/3610277
[2] www.liberation.fr/france/2018/01/15/ofce-avec-macron-le-jackpot-pour-les-plus-riches_1622679
[3]Lettre ouverte sur l’avenir des associations – http://archive.associations-citoyennes.net/?p=12472