Lettre du CAC au 1er ministre : où en sommes nous de la « politique de la vie associative » ?
Paris, le 4 juin 2018Monsieur Édouard Philippe
Premier Ministre
57 rue de Varenne
75007 Paris
Objet : Lettre ouverte sur l’avenir des associations et la Loi de Finance 2019
Monsieur le Premier ministre,
Le Président de la République a déclaré le 22 mai « qu’il faut en finir avec un système où les structures associatives sont obligées de mendier pour les appels à projets ». En effet, l’instrumentalisation des associations par des appels à projets et des appels d’offres ainsi que leur étranglement par des politiques de restrictions budgétaires se traduisent par la destruction progressive du tissu associatif sur les territoires, avec de graves conséquences. Cette réalité concerne l’ensemble des associations.
Vous avez, le 9 novembre dernier, engagé une concertation afin de préciser une ambition nouvelle au service de la vie associative, pour une société de l’engagement. Vous avez déclaré à cette occasion que les associations « apportent une contribution majeure à la construction d’une société inclusive et solidaire, et sont au cœur d’une société de la confiance, de l’engagement et de l’entraide, et constituent des écoles de démocratie et de citoyenneté ».
Sur cette base vous avez engagé les réseaux d’associations à faire très rapidement des propositions afin d’infléchir la préparation du budget de l’État pour 2019. L’ensemble des associations, avec en particulier Le Mouvement Associatif et le Réseau National des Maisons des Associations, a fait avec les services de l’État un très important travail d’élaboration de propositions, auquel notre Collectif a pris une part active, pour l’échéance que vous aviez fixée à la fin du mois de février. Celui-ci s’est traduit par un rapport qui regroupe une soixantaine de propositions.
Jusqu’à présent, pour la préparation de la Loi de Finances Initiale 2019, les seules mesures financières que vous avez annoncées pour les associations sont la prolongation du crédit d’impôt sur la taxe sur les salaires et l’application aux associations de la baisse des cotisations patronales. Mais comme vous le savez, ces mesures n’intéressent que 10 000 associations, alors qu’il existe 170 000 associations employeuses et 1 300 000 associations au total, qui se voient chaque jour amputées d’une partie de leurs moyens. De très nombreuses associations sont aujourd’hui dans une situation de détresse, comme l’ont souligné récemment deux rapports parlementaires du Sénat et de l’Assemblée Nationale et plus récemment, pour les quartiers, le rapport de M. Jean-Louis Borloo.
Les subventions publiques aux associations ont diminué de 16 milliards d’euros depuis 2005, alors que les appels d’offres, qui les ont en partie remplacées, ne sont accessibles qu’aux structures les plus importantes. Les décisions prises depuis un an ont aggravé cette situation, puisque la suppression des emplois aidés a représenté une diminution de subventions équivalentes de 900 millions d’euros supplémentaires. On constate, de ce fait un important recul des activités porteuses d’intérêt général et d’utilité sociale, la multiplication des disparitions d’associations et de nombreux licenciements.
Les collectivités ne peuvent pas, à elles seules, assurer le financement de la vie associative. L’État doit s’impliquer budgétairement, tant au niveau des territoires urbains que périurbains ou ruraux, dans les différents domaines de l’action associative : solidarité, action sociale, sport, action culturelle, crèches parentales, éducation à l’environnement, éducation populaire, défense des droits…
Il nous paraît nécessaire que le projet de loi de finances pour 2019 prévoie dans ce sens un fort accroissement des subventions publiques de l’État, à hauteur de 1 milliard d’euros supplémentaires, afin d’apporter aux associations porteuses d’utilité sociale un appui au fonctionnement, à travers des conventions pluriannuelles d’objectifs, sous des formes à définir (fort accroissement du FDVA, du FONJEP, du FONPEPS et du FNDS, création d’un fonds pour l’emploi associatif, comme le préconise la Mission flash de l’Assemblée nationale, ou autres formules). Une partie de ces crédits devrait être réservée à des petites associations de moins de 5 salariés.
Cette mesure constitue un véritable investissement. En effet, les dépenses budgétaires apparentes sont largement compensées, contrairement à certaines affirmations, par les économies liées au maintien de l’activité associative (en matière d’allocations-chômage, de cotisations sociales, de dépenses de sécurité, d’éducation, de santé publique, de formation professionnelle, de services privés, etc.). On constate par exemple que les montants du RSA et des pertes de cotisations sociales sont très nettement supérieurs à l’économie budgétaire apparente résultant de la suppression d’un contrat aidé.
Pour construire une politique ambitieuse de la vie associative, une évaluation est nécessaire afin de sortir de visions caricaturales et s’appuyer sur une constatation objective des bénéfices qu’apportent les 1 300 000 associations à notre pays en matière de lien social, d’initiatives citoyennes, de vitalité des territoires.
Nous souhaiterions vivement une rencontre pour vous exposer plus en détail nos propositions.
Nous vous prions de croire, Monsieur le Premier ministre, à l’assurance de notre haute considération.
Pour le conseil d’administration,
Jean-Claude Boual
Président du Collectif des Associations Citoyennes
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