Propositions du CAC pour une ambition nouvelle au service de la vie associative – suite concertation
Propositions du Collectif des associations citoyennes pour une ambition nouvelle au service de la vie associative :
Face à l’indignation suscitée par la suppression brutale des emplois aidés, le Premier Ministre a annoncé une concertation avec le secteur associatif afin de fonder « une politique ambitieuse de la vie associative ». Le CAC était invité pour la première fois depuis plusieurs années à faire part de ses analyses et de ses propositions. Voici les propositions phares qu’a défendues le CAC lors de cette concertation.
10 avril 2018 > mis à jour mai 2018
Un contexte de profonde remise en cause de l’action associative
Ces propositions se situent dans un ton contexte qui n’est pas neutre. Depuis plusieurs années, les associations citoyennes alertent les gouvernements successifs sur les conséquences de la diminution structurelle des subventions publiques, leur instrumentalisation à travers les appels d’offres, la précarisation de l’emploi associatif. Les subventions publiques aux associations ont diminué de 16 milliards d’euros depuis 2005. Les appels d’offres qui les ont remplacés ne représentent en regard que 10 milliards d’euros, et seules les structures les plus importantes y ont accès. Les pouvoirs publics « se déchargent progressivement sur les associations d’un nombre toujours plus important de missions d’utilité sociale, sans que les financements soient proportionnels aux transferts de charges », comme le souligne un récent rapport d’information du Sénat[1]. Le même rapport souligne les « conséquences désastreuses » de la suppression des emplois aidés, décidée brutalement et sans concertation à l’été 2017 (voir fiche N°3).
À travers de telles mesures, le gouvernement montre chaque jour sa méconnaissance de réalité sociale et sa volonté de ne conserver de l’action associative que les segments les plus rentables, pour les confier à des entreprises privées ou à des associations banalisées. Il rêve de start-up et de « French impact », en dehors de toute réalité.
Dans la concertation engagée depuis novembre 2017 par le gouvernement, ces questions ont été posées, et bien d’autres. Seront-elles entendues ? À ce stade, rien ne le prouve. Le gouvernement a reconnu qu’il existe un malaise, mais prétend apporter des solutions à travers un supplément de crédits de 25 M€, ce qui est bien évidemment sans commune mesure avec l’ampleur de la question, et par des exonérations sociales et fiscales qui n’intéressent que les 10 000 plus grosses associations[2]. Il s’apprête à choisir parmi les dizaines de propositions des associations celles sur lesquelles il pourra communiquer à peu de frais.
Une réflexion d’ensemble sur le rôle et le devenir des associations est indispensable, afin de déterminer les conditions de leur financement public stable et dans la durée. Cette discussion, ne peut pas faire l’économie d’une évaluation et d’un bilan des politiques menées depuis 15 ans. On s’apercevra que celles-ci constituent un recul phénoménal en termes de lien social, de démocratie d’éducation citoyenne et de coopération, et coûtent beaucoup plus cher à la collectivité que des actions associatives désintéressées, alors que les associations citoyennes, par leur maillage de terrain, remplissent des fonctions indispensables.
Cinq propositions principales
Proposition N° 1 : 1 milliard de subventions pour les associations
Les subventions publiques ont diminué de 16,5 milliards depuis 2005, alors que les pouvoirs publics n’ont cessé de déléguer aux associations de nouvelles missions d’intérêt général. Les appels d’offres qui les ont remplacés ne représentent en regard que 10 milliards d’euros, et seules les structures les plus importantes y ont accès. La suppression des contrats aidés remet en cause des associations extrêmement fragilisées, comme le montre les nombreuses disparitions d’associations et l’arrêt de certaines activités. Or les collectivités, notamment les communes, n’ont pas les moyens cette fois-ci de prendre le relais. L’État doit s’impliquer pour éviter le naufrage de pans entiers du tissu associatif. D’où la nécessité d’un fort accroissement des subventions publiques à hauteur de 1 milliard d’euros, sous des formes à définir (accroissement du FDVA, fonds déconcentré création d’un fonds pour l’emploi associatif, comme le préconise la Mission flash de l’Assemblée nationale). Une partie devrait être réservée aux petites associations.
Proposition N° 2 : suppression des atteintes aux libertés associatives
Face aux puissances financières, les associations ont un rôle d’alerte et de contre-pouvoir essentiel pour la démocratie. Plutôt que reconnaître ce rôle, l’État semble vouloir l’étouffer à travers une pénalisation croissante de l’engagement citoyen. Les forces économiques multiplient les procédures en usant de leur puissance financière. Le Collectif des associations citoyennes demande la réalisation d’un inventaire des atteintes aux droits dans les différents domaines et le vote des dispositions législatives nécessaires pour garantir une protection efficace aux associations citoyennes contre les poursuites, permettre la représentation de la société civile dans les procédures contradictoires y compris au niveau local, considérer comme un délit les abus de force économique (procès baillons), abolir la loi en cours d’adoption sur le secret des affaires.
Proposition N° 3 : Modifier en profondeur les Contrats Emploi Compétences, stopper le vaste plan social
Les Contrats Emploi Compétences amplifient les effets désastreux de la remise en cause des contrats aidés, comme l’a analysé le Sénat dans un récent rapport. Les sénateurs préconisent le rétablissement provisoire de contrats aidés supplémentaires en 2018 afin d’éviter l’écroulement du tissu associatif. Le CAC appuie cette proposition, en l’élargissant aux personnes non éligibles aux PEC (travailleurs handicapés, jeunes, etc.). Concernant les Contrats Emploi Compétences, il demande le réexamen de la durée hebdomadaire, de la durée totale et des conditions d’obtention afin de que ces contrats soient attractifs par rapport au niveau du RSA, ce qui implique une durée hebdomadaire d’au moins 26 heures, en cohérence avec un objectif de formation, ce qui demande une durée de 2 ans minimum, accessibles aux petites et moyennes associations, ce qui suppose la possibilité pour des bénévoles d’expériences d’assurer un tutorat, la simplification des mesures administratives.
Proposition N° 4 : des emplois associatifs stables, respectant le code du travail
La suppression des emplois aidés ne fait que renforcer une dégradation très importante de l’emploi associatif au cours des dernières années. Le CAC demande une évaluation concertée de la situation quantitative et qualitative de l’emploi associatif, en associant les organisations syndicales des salariés, et la mise en place d’une politique globale de l’emploi associatif afin de permettre aux salariés de sortir de la précarité et aux associations d’assurer des emplois pérennes et non dérogatoires au Code du travail.
Proposition N° 5 : Un plan d’urgence pour l’appui aux associations en difficulté
Dans un contexte de précarisation accrue des associations, la suppression brutale de 100 000 emplois-aidés associatifs a eu en 2017 un effet dévastateur, s’ajoutant à la fragilisation de nombreuses associations. C’est pourquoi le CAC demande la mise en place d’un dispositif d’appui aux associations en difficulté et d’un fonds d’urgence, notamment pour les petites et moyennes associations, afin de leur assurer l’accès aux différents droits, d’apporter un appui pour la négociation des dettes et des relais de trésorerie, les accompagner devant les tribunaux pour et leur apporter des aides en trésorerie et en haut de bilan.
Autres propositions essentielles
Propositions N° 6 : Simplifier les démarches administratives et sécuriser les financements pour les petites associations
La complexification des procédures et les incertitudes financières sont une des principales causes des difficultés des associations aujourd’hui. Le CAC propose une série de simplifications et d’améliorations, notamment : financer les projets sur la base d’un montant déterminé et non d’un pourcentage des dépenses, aller vers des avances automatiques, assouplir la règle de l’antériorité, proportionner les contrôles et la comptabilité à la réalité de l’action associative, dématérialiser les dossiers avec précaution, créer des lieux de dialogue permanents pour traiter la résurgence des complexités administratives. En outre, le CAC propose que la reconnaissance du rôle des associations s’accompagne de la multiplication des conventions pluriannuelles d’objectifs portant sur le projet associatif.
Proposition N° 7 : Développer un dispositif de connaissance de la vie associative
La dernière étude statistique concernant les associations date de 2011, et présente de sérieuses contradictions avec l’étude plus récentes de l’INSEE datant de 2014. Le CAC demande, avec le rapport sénatorial, la mise en place d’enquêtes semestrielles de l’INSEE. Celles-ci devront rendre compte de la diversité des associations en termes de logiques de fonctionnement, de secteurs d’activité, de tailles, etc. Un dispositif permanent d’observation de la diversité associative est proposé sous forme d’une observation participative et partagée, qui articule l’existant, renforce sa pertinence et en facilite l’accès à ses utilisateurs, avec le concours de l’INSEE, en lien avec l’INJEP.
Proposition N° 8 : Promouvoir les droits des habitants par la création d’un Fonds pour une démocratie d’initiative citoyenne
Lorsque les citoyens s’organisent pour proposer des initiatives citoyennes contribuant au débat public sur des enjeux d’intérêt commun, ils se retrouvent souvent confrontés à un manque de moyens (financiers, humains, matériels, techniques…). Il est proposé de créer un fonds pour une démocratie d’initiative citoyenne, consacré au fonctionnement de la démocratie de proximité, dans les quartiers et dans les territoires ruraux, géré par une instance indépendante et pluraliste, doté annuellement de 5 % du montant total de l’argent public consacré au fonctionnement de la démocratie représentative.
Proposition N° 9 : Sensibiliser l’administration à la réalité du droit de l’UE et améliorer la transposition des directives
Lors de la transposition de la Directive Services, le gouvernement français a surinterprété la directive européenne en accentuant la mise en concurrence. Les services juridiques des collectivités privilégient les appels d’offres au nom d’une prétendue « sécurité juridique ». Il est proposé de sensibiliser les agents des collectivités publiques à la réalité de la règlementation européenne et à la jurisprudence de la Cour de Justice de l’UE et de revenir sur la transposition de la Directive Services par la France.
Proposition N° 10 : Réintroduire de l’intelligence collective dans l’évaluation
Pour les associations citoyennes, l’évaluation qualitative est essentielle, avec un questionnement sur la cohérence entre leurs valeurs, leurs méthodes et leurs actions, car des objectifs de nature sociale, éducative, politique, culturelle, ne se laissent pas réduire à des chiffres, même si ceux-ci sont nécessaires. Or nous sommes face à une dérive qui, sous l’influence de l’UE et du mangérialisme, réduit l’évaluation à un enregistrement automatique de données, dans une logique de contrôle et de méfiance. Il est proposé de faire de l’évaluation un outil de démocratie participative et de gestion partagée en liasse et de mettre en place des démarches concertées d’évaluation des politiques publiques, comme le préconise la circulaire Valls.
[1] Alain Dufaut et Jacques-Bernard Magnier Mars 2018. Réduction des contrats aidés, offrir une alternative crédible au secteur associatif. Rapport d’informationN°321 Commission de la culture et de l’éducation et de la communication du Sénat. Mars 2018.
[2] Prolongation du CITS (crédit d’impôts sur la taxe sur les salaires), qui concerne les associations dont la masse salariale> 330 000 €, et exonérations de charges sociales qui s’appliquent à toutes les entreprises mais reste anecdotique pour les petites et moyennes associations tout en démantelant encore plus la sécurité sociale.
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