DOSSIER SPÉCIAL : « ACTIONS PORTEUSES D’ALTERNATIVES »
Pour faire face aux incertitudes et périls évoqués dans notre éditorial du Pingouin n°12, il nous a semblé utile de préparer une petite sélection subjective d’articles présentant synthétiquement le formidable travail d’associations de terrain.
Rien de tel, en effet, pour se mettre du baume au coeur, que de se plonger dans la découverte d’actions associatives qui, fort heureusement, dessinent les contours d’une société alternative à celle que l’on nous promet déjà…
Voici donc, pour vous, un florilège de projets qui redonnent espoirs pour construire demain une société solidaire, soutenable et participative :
A Marseille, Schebba continue à faire le lien entre les familles et l’école
Schebba est une association qui se mobilise depuis 30 ans autour des problèmes d’intégration sociale et d’insertion professionnelle d’un public issu des quartiers difficiles. Elle a été créée par des jeunes femmes issues de l’immigration dans les quartiers nord de Marseille. Activités de quartier, soutien scolaire, formations diverses, aide à la prise d’initiatives, liens avec les écoles à la demande des parents… L’action Parent-relais fait le lien entre les établissements scolaires (collèges) et les familles. Le but est d’aboutir à la sensibilisation et à la motivation des parents dans le suivi de la scolarité de leur enfant, de lutter contre l’absentéisme et de repérer les raisons et les signes avant-coureurs qui mènent à l’échec scolaire. Les Parents Relais, qui réalisent cette médiation, reçoivent une formation de 150 heures. Ils accompagnent les autres parents à travers des actions individuelles ou collectives (café des parents, réunion parents-professeurs, interventions à domicile, démarches par téléphone, etc.). Leur rôle d’interprète est d’une nécessité absolue pour faciliter la communication avec les familles primo arrivantes. On dénombre en moyenne 1 145 interventions par an, incluant les interventions à domicile et les démarches par téléphone. Sur la durée, on constate que par la qualité de leur écoute et leur disponibilité, les Parents Relais contribuent à lutter contre la violence scolaire, à apaiser les situations conflictuelles et permettent un réel dialogue entre la communauté éducative et les familles. Pour tout savoir de cette initiative, nous vous invitons à consulter le site de Schebba.
Le pôle d’Initiatives Locales et d’Economie Solidaire de Pont Audemer (PILES 27)
Depuis 2002, le pôle d’initiatives locales et d’économie solidaire de Pont Audemer, a pour objet de soutenir, promouvoir et développer l’économie solidaire. PILES accueille les personnes qui souhaitent passer de l’idée au projet, de l’envie à la réalisation dans le domaine de l’économie solidaire. A cet effet, l’association anime la rencontre des protagonistes dans les premières phases de réflexion, propose des outils et des personnes ressources, aide dans les démarches administratives. Elle les accompagne et les suit dans la mise en œuvre de leur projet. Il regroupe un relais local Lire et Faire Lire (des retraités racontent des histoires aux enfants pour leur donner le goût de la lecture), La Boutique Equitable (animée par des bénévoles) et un espace documentaire sur la solidarité internationale. Plusieurs services ont vu le jour à l’initiative de l’association : l’AMAP Risloise (association pour le maintien de l’agriculture paysanne), le SEL de Risle (système d’échanges local de biens et de services sans monnaie), d’autres ont été accompagnés dans leur démarche : Calonne Terre de Liens, Les Tuiles de l’espérance, Le Panier rislois …
A Alzen, l’alliance entre ariégeois d’origine et néo-ruraux génère depuis 30 ans un dynamisme hors du commun
A Alzen, petit village de l’Ariège, une alliance s’est faite il y a 30 ans entre les ariégeois d’origine et les néo ruraux, « entre ceux qui vont à la chasse, mangent du pâté de lièvre, et ceux qui ont la religion du bio ». L’idée première a été de faire trois logements sociaux dans le presbytère abandonné en accueillant des familles avec un projet. L’arrivée de nouveaux enfants a permis de rouvrir l’école du village. Une dynamique positive s’est créée, sans moyen au départ. Des services ont été mis en place en fonction des attentes des habitants, notamment celles des nouveaux arrivants qui apportent des exigences que peuvent avoir des urbains et de jeunes adultes. Ils ont aujourd’hui, outre l’école primaire, une salle polyvalente, une bibliothèque, un espace associatif, un terrain de sport et de jeux, le ramassage des encombrants. Une cantine scolaire bio fonctionne depuis 2003 à partir de circuits courts. La commune compte 17 logements sociaux dont 15 sont communaux, et poursuit sa politique d’accueil des nouvelles populations. Un écomusée a été créé en 2003 grâce à un chantier d’insertion, qui est aujourd’hui un des principaux outils d’animation de la commune et de la communauté de communes. Ces nombreux projets ont permis d’inverser la perte de population, qui est passée de 65 habitants âgés à 250 habitants beaucoup plus jeunes, de reconstruire les ruines, d’inventer une culture commune. Ce dynamisme s’est propagé ensuite à la communauté de communes de la Bastide de Sérou, et se poursuit à travers des dizaines de projets. Tout en restant maire d’Alzen, André Rouch est devenu président de la communauté de communes, à qui il a transmis son dynamisme et sa capacité à construire des projets. Vous pouvez accéder au site de l’écomuseée d’Alzen en cliquant ici.
Stop Précarité, un réseau de soutien aux luttes et de formation pour les précaires
Le réseau Stop Précarité né en 2001, s’est donné pour objectif de dénoncer la précarité de l’emploi qui commençait alors à se développer et n’a cessé depuis de progresser. C’est un réseau d’information, de lutte et de soutien aux luttes, ouvert à tous, sans appartenance politique ou syndicale privilégiée. Il collabore sans exclusivité avec les syndicats en lutte pour préserver et améliorer le droit du travail, les conditions de travail et les salaires, avec les associations qui défendent le droit à un emploi et un revenu décent. Des cours mensuels – gratuits et ouverts à tous – de droit du travail sont donnés par le réseau depuis 2004 à Paris et depuis 2014 à Bordeaux par des syndicalistes et juristes bénévoles, sur un programme thématique de deux ans. Le réseau contribue à faire connaître les résultats de travaux de recherche sur l’Etat et les transformations du marché du travail, des conditions de travail, sur les formes toujours accrues de précarisation de la main d’oeuvre – CDD de plus en plus courts, pseudo contrats aidés ou civiques, auto-entreprenariat imposé, ubérisation… Depuis la rentrée 2014, un bulletin « Actualités des luttes des précaires » recense les atteintes à nos droits, les luttes, grèves, manifestations en Ile de France. Pour en savoir plus, rendez-vous sur le site de Stop Précarité.
Bron : 10 médiateurs de la Régie de quartier pour permettre aux chômeurs d’utiliser les « machines qui parlent »
La Régie de quartier Réussir l’insertion à Bron (69) « a pour vocation d’écouter pour agir, réagir toujours plus justement ». Elle a une activité d’accompagnement, de formation, de conseil, et de réponse aux besoins du territoire. Pour cela, elle crée et développe des emplois pour les habitants en difficulté, à travers un travail d’écoute. En particulier, elle a mis en place depuis 2003, un réseau de 10 médiateurs afin de tisser du lien social au cœur des quartiers, encourager les dynamiques collectives et citoyennes et assurer un relais entre les administrations, les institutions et les habitants, faisant le constat que plus les personnes sont en difficultées, plus les méandres administratifs sont importants, notamment pour les chômeurs qui ne peuvent plus s’inscrire depuis que Pôle emploi a obligé à utiliser Internet. Une médiatrice de la Régie traduit le langage administratif à ceux qui ne savent pas écrire ou écrivent dans d’autres langues. Si elle n’a pas la capacité à débloquer les droits, comme pourrait le faire une assistante sociale, elle lit et rédige les courriers, téléphone ou prend des rendez-vous avec les différents services. Elle oriente, conseille, accompagne, sans se substituer aux agents administratifs. Les répondeurs, les « machines qui parlent », sont des freins à la compréhension et des machines à exclure, car les services vocaux ne peuvent pas s’adapter au niveau de connaissances de la personne qui appelle. N’hésitez pas à vous rendre sur le site de la Régie en cliquant ici.
Belfort : Une pièce de théâtre, montée avec les habitants, rend hommage aux immigrés qui ont construit le quartier
La Régie de quartier des Glacis à Belfort (90) a monté en février 2014 une pièce de théâtre « Saynètes migratoires » avec les habitants du quartier. Composée d’une dizaine de pièces courtes, elle a été présentée au public sous une forme déambulatoire, au cœur de l’exposition « L’histoire de l’immigration en France ». Les textes proposés par les acteurs ou écrits par Denis Rudler portaient sur la vie des travailleurs migrants, le déracinement ou le racisme. La création était portée par le Théâtre du Royaume d’Evette de Belfort. La pièce rendait hommage à tous ces immigrés qui ont construit le quartier et changer le regard des autres habitants de la ville. Les comédiens étaient des salariés de la régie, des habitants du quartier, des professionnels intervenant sur le quartier. Après la représentation un échange a lieu avec le public. Les spectateurs d’origine immigrée étaient très souvent émus, en larmes, car cela les renvoyait à l’histoire et aux non-dits de leurs parents et de leurs grands-parents. Un minibus avait été affrété pour faire venir les « chibanis » (les anciens en arabe) vivant dans un foyer Adoma assez éloigné. Ils ont raconté comment ils montaient des sacs de ciment 9h30 par jour du lundi au samedi, mais aussi le couvre-feu pendant la guerre d’Algérie. L’exposition a été une véritable opportunité pour faire un travail de mémoire et de lien social pour tous ces « oubliés de l’histoire »
Arbres et paysages d’Autan promeut le rôle de l’arbre dans la restauration du paysage
Arbres et Paysages d’Autan, fondée en 1995, a pour objet de promouvoir le rôle de l’arbre dans la sauvegarde et la restauration du paysage pour le mieux vivre de tous. Elle défend toutes les formes de préservation de l’environnement : priorité aux arbres de pays, lutte contre l’érosion des talus, taille propre des haies, éducation dans les écoles sur le rôle de l’arbre, réalisation de parcelles agroforestières, conseils de plantation aux particuliers et aux communes pour des paysages de demain, sorties nature, formations, conférences, panneaux, livrets. L’association organise des journées de formation, participe au développement de l’agroforesterie, organise des sorties autour des arbres remarquables. Elle produit de nombreux outils, notamment un coffret Pays’Arbre, comportant 45 fiches individuelles sur les arbres, un livret technique sur la plantation, un guide pratique et un glossaire. L’équipe permanente est composée de cinq salariés, qui ont tous une solide formation scientifique, qui font le lien entre une véritable vision du paysage et des apprentissages pratiques s’adressant à tout public.
L’Université populaire de Parents de Pau d’Ousse
L’Université populaire de Parents Pau d’Ousse est née au coeur du quartier populaire Ousse des Bois, au Nord-Est de Pau. En 2011, un groupe de parents s’est mobilisé pour créer une UPP, soutenu par le Centre social du Hameau et une association de prévention spécialisée. Le rythme des rencontres est rapidement passé d’une fois à deux fois par mois avec, depuis deux ans, un rythme d’une réunion par semaine, voire deux dans les moments forts d’activités. A partir des questions de parents (difficulté de distinguer besoins et désirs des enfants, rôle du père et de la mère, relations avec les enfants entre échanges et interrogations, rôle de l’école,…), le groupe fait une série d’entretiens approfondis avec d’autres parents, puis une analyse transversale des réponses. Les résultats ont été discutés dans des tables rondes associant des professionnels de l’éducation, des soirées débats d’échanges, etc. Il en ressort que l’éducation renvoie principalement, pour les parents, à la transmission des valeurs et l’apprentissage de l’autonomie de l’enfant. L’école est un lieu d’instruction, d’apprentissage et de socialisation, mais n’est pas perçue comme un lieu d’épanouissement. Ce sont d’autres structures qui constituent des espaces de découverte, d’ouverture au monde, de plaisir et d’épanouissement. Les membres du groupe ont été invités à de nombreuses reprises à faire part de leur expérience dans des colloques, des soirées, dans des cursus universitaires, des rencontres avec les élus. L’université populaire s’est traduite, pour les membres du groupe, par une prise de confiance en soi, le sentiment d’être dans une action de recherche valorisante et a contribué à un changement des représentations.