Ne soyons pas aveugles !
Article envoyé le 22 janvier 2015 – paru dans JurisAssociation n°513 du 15 février
Ne soyons pas aveugles !
Dans une tribune du 15 décembre parue dans Juris Associations, Viviane Tchernonog conseille au Collectif des Associations Citoyennes de faire attention aux conclusions hâtives (LIRE ICI). Visiblement elle n’a pas lu les analyses que nous lui avions transmises[1]. Nous aurions préféré une attitude plus scientifique. Essayons donc de rouvrir le débat autour de quatre questions :
– le plan de rigueur existe-t-il ?
Notre interlocutrice semble en douter. Nous avions parlé de 50 milliards de baisses en niveau, et de 100 milliards de pertes au total sur trois ans. Nous étions en dessous de la réalité : les pertes totales sont de 107 Mds€[2].Il y a aujourd’hui un consensus sur l’importance du choc budgétaire à venir.
– est-il possible d’estimer les effets des restrictions budgétaires ?
Seule l’Association des Maires de France a publié des estimations à trois ans. Tous les autres regardent le passé. Le maintien de l’emploi en 2014 s’explique par la multiplication des CDD, et notamment la création de plus de 40 000 emplois d’avenir pour des jeunes peu qualifiés, et par la perte d’environ 25 000 emplois qualifiés, porteurs de l’expérience associative.
– va-t-on vers une rupture ou la prolongation du passé ?
Mais ceci n’est rien par rapport à 2015 est encore plus 2016 et 2017. L’effet de rupture se situe moins dans le montant en valeur absolue que dans le phénomène sans précédent d’une baisse programmée sur plusieurs années de la totalité des budgets publics. Nous sommes d’accord avec Viviane Tchernonog quand elle dit que les difficultés des associations vont s’accroître dans les années à venir. Il faut maintenant aller plus loin. Comment peut-on prétendre qu’on ne peut rien prévoir quand on sait que les associations perdront de l’ordre de 30 % de leurs financements publics d’ici 2017 ?
– quels scénarios ?
Trois hypothèses peuvent être envisagées :
– si rien n’est fait pour compenser, beaucoup d’emplois sont menacés d’ici 2017. Nous en avons estimé le nombre à 200 000 et nous maintenons ce chiffre.
– certains pensent substituer aux financements publics des mécanismes proches des partenariats public-privé[3], qui transformeraient les associations en sous traitants, au détriment de leur raison d’être. Notre hypothèse est que cela n’évitera pas le massacre des associations moyennes (centres sociaux, régies de quartier, MJC, etc.), alors que celles-ci constituent l’un des derniers remparts contre la violence et la désespérance civique.
– la mise en place de financements publics stables et garantis, le gouvernement prenant conscience de l’erreur grave que constituerait la destruction massive du tissu associatif.
Les deux premiers scénarios sont inacceptables. Nous ne les tenons pas pour acquis. Après les mobilisations du 11 janvier, nous espérons que les décideurs prendront conscience du rôle indispensable des associations pour répondre aux enjeux du pays et des territoires et mettront en place une nouvelle politique associative favorisant des actions citoyennes dans toute leur diversité.
LIRE ICI le PDF de l’article paru
[1] Voir ICI le détail des analyses actuelles
[2] Le budget 2015 entérine une diminution de 21 mds d’euros en volume des crédits publics. L’agenda des réformes du gouvernement prévoit de nouvelles diminutions de 15 mds en 2016 et de 14 mds en 2017. Soit une diminution totale de 21 x 3 + 15 x 2 + 14 = 107 mds d’euros.
[3] Comme le propose Hugues Sibille, qui le mentionne dans un article cosigné avec Viviane Tchernonog (numéro spécial du Monde de déc 2013 ICI)