La loi ESS : les entreprises sociales ont leur loi … pas les associations citoyennes !
Le 31 juillet 2014 a été adoptée la loi relative à l’Économie Sociale et Solidaire (ESS). Suite à la parution d’un guide pratique édité par le ministère de la vie associative, vous êtes nombreux à nous solliciter pour connaître le positionnement du CAC concernant les avancées législatives qui concernent les associations. Aussi nous avons pris le temps d’analyser cette loi article par article, notamment pour étudier les dispositions qui concernent les associations citoyennes.
1°) ESS et Associations Citoyennes : deux réalités distinctes !
La loi consacre le caractère marchand des organisations de l’Économie Sociale et Solidaire qui s’y réfèrent et ce, dès l’exposé des motifs : « Le projet de loi s’inscrit dans le cadre de l’initiative de la Commission européenne pour promouvoir ce secteur comme un acteur à part entière d’une économie sociale de marché hautement compétitive ». Cela ne peut pas concerner l’ensemble des associations. Cette loi, dans son esprit, officialise la distinction entre associations citoyennes et entreprises de l’ESS.
Le CAC se félicite que l’appartenance d’une structure associative à l’ESS se fasse désormais sur la base d’une adhésion volontaire (art. 1-III) à un mode de production (art. 1-II) consacré par l’agrément « entreprise solidaire d’utilité sociale » (art. 11). La liste des entreprises de l’ESS établie par les CRESS (art. 6) comprendra désormais uniquement les associations qui ont obtenu l’agrément « entreprise solidaire». Cela permet de clarifier un vide juridique et d’éviter différentes interprétations selon les régions.
La loi apporte par ailleurs une définition légale de la notion d’utilité sociale selon l’objet de l’activité mais celle-ci est uniquement centrée sur les pauvres et les personnes en situation d’exclusion. Ainsi, répondent à la notion d’utilité sociale les organisations :
1°) apportant un soutien à des personnes en situation de fragilité par un l’accompagnement social ou médico-social ;
2°) œuvrant à la lutte contre les exclusions et les inégalités sanitaires, sociales, économiques et culturelles ; à l’éducation à la citoyenneté, notamment par l’éducation populaire ; à la préservation et au développement du lien social ; au maintien ou au renforcement de la cohésion territoriale ;
3°) contribuant au développement durable dans ses dimensions économiques, sociales, environnementales et participatives, à la transition énergétique ou à la solidarité internationale … sous réserve que leur activité soit liée à l’un des objectifs mentionnés aux 1° et 2°.
Au final, il nous apparaît que deux types d’entités poursuivent de tels objectifs d’utilité sociale :
– les entreprises d’économie sociale et solidaire qui développent de manière importante des activités commerciales et qui font appel à du travail salarié pour la production, la distribution, l’échange et la consommation de biens ou de services.
– des associations dont la finalité est de contribuer de manière autonome et non lucrative au bien commun par leur utilité sociale et avec un mode de gouvernance démocratique et participatif, en faisant appel principalement à l’engagement bénévole. Ces associations sont celles que nous appelons associations citoyennes.
De ce fait, il est désormais nécessaire de définir les spécificités et les critères de reconnaissance des associations citoyennes autonomes afin de que celles-ci disposent de la sécurité juridique et financière nécessaire pour remplir pleinement leur rôle au service de la société.
2°) Dispositions concernant les associations citoyennes
Alors que le chapitre 1er définit le champ de la loi comme celui « des activités relatives à la production, la transformation, la distribution, l’échange de la consommation de biens et de services », le titre VI s’adresse à toutes les associations. On peut comprendre que pour des raisons d’opportunité, certaines dispositions aient été adoptées dans le cadre d’une loi sur l’économie sociale et solidaire. Mais cette inclusion risque d’être source de confusion.
Deux avancées majeures sont réalisées dans la loi:
– L’article 59 définit légalement la subvention, en intégrant cette définition dans la loi 2000-321 du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations.
– L’article 62 ouvre la possibilité de le recourir a des ordonnance pour simplifier les démarches administratives des associations. Rappelons que le CAC a formulé avant l’été « 7 propositions pour que le choc de simplification d’applique aux associations »).
D’autres mesures sont également adoptées qui pour certaines posent question. :
– quelles seront les dotations financières affectées aux dispositifs de reconnaissance de l’engagement bénévole inscrits dans la loi (art. 65 et 67) ?
– La reconnaissance du Haut Conseil à la Vie Associative (art. 63) et des Dispositifs Locaux d’Accompagnement (art.61) sera-t-elle une fois encore exclusivement centrée sur une approche économique et marchande de l’action associative ?
– La pérennisation d’un fonds d’appui aux expérimentations en faveur des jeunes est excellente dans son principe mais la définition de son rôle et de son financement sera-t-elle déléguée entièrement à des organisations privées telles que la Fondation Total ?
– La création de fonds territoriaux de développement associatif (art. 68) sera-t-elle abondée financièrement par l’Etat pour en permettre une réelle utilité ?
– Les dispositions facilitant la fusion d’associations (art. 71 et 72) et le recours aux titres associatifs (art. 70) ne concernent que les grosses entreprises associatives. Ces dispositions permettront-elles vraiment d’éviter « l’effet de cannibalisme » à l’œuvre depuis plusieurs années et la bipolarisation du tissu associatif que nous dénonçons ?
En conclusion, le CAC, se félicite qu’une loi reconnaisse le rôle de l’ESS dans la société et contribue à rendre le fonctionnement des entreprises plus démocratique. Il souhaite que des avancées similaires soient faites en direction des associations citoyennes, afin de consacrer leur rôle déterminant dans tous les domaines de l’utilité sociale précisés par la loi, et pouvoir leur apporter la sécurité nécessaire pour que celles-ci contribuent à la mise en œuvre du bien commun et de la démocratie locale.