Voici son discours, aussi visible sur le site du ministère ICI
Madame la Présidente du Mouvement associatif, chère Nadia Bellaoui, Mesdames et messieurs les présidents d’associations, Mesdames et messieurs les directeurs, Mesdames, Messieurs,
Notre pays traverse une crise qui attente à ses valeurs profondes. Avec vous, aujourd’hui, je veux faire mienne la phrase de Roland Barthes, qui écrivait « Du milieu de la tempête qui me déracine, me dépossède de mon identité, je veux parfois revenir à l’origine » en pensant à notre République.
La loi du 1er juillet 1901 fait partie des piliers fondateurs de notre République. Liberté fondamentale, l’engagement associatif a accompagné l’émancipation des individus depuis plus d’un siècle, transformant la société au même titre que les combats politiques et syndicaux. Combien d’avancées démocratiques, sociales, éducatives sont nées de cette forme moderne de réalisation de soi dans l’action collective désintéressée ? La liste serait trop longue, mais qu’il me soit permis de citer devant vous l’éducation populaire, l’accès au sport, à la culture, à la santé, le combat pour les droits des femmes, la cause environnementale, la liberté d’expression, la solidarité de proximité et internationale…
Les associations ont changé notre monde, davantage que des acteurs de la société elles sont un ferment essentiel de sa transformation, portées par les valeurs de progrès et d’égalité qui sont au coeur du pacte républicain.
En décidant de faire de l’engagement associatif la grande cause nationale de l’année 2014, c’est la reconnaissance de cette réalité que le Premier Ministre a voulu porter, en même temps qu’un message de mobilisation à l’adresse du pays entier.
Vous avez évoqué, Madame la Présidente, les réalités souvent difficiles et les attentes du mouvement associatif.
A juste titre, car le dynamisme jamais démenti du mouvement associatif ne peut masquer les difficultés que rencontrent nombre d’associations depuis plusieurs années – j’allais dire décennies –, alors même que l’engagement associatif de nos concitoyens ne faiblit pas. La France compte en effet 16 millions de bénévoles engagés dans plus d’un million d’associations. C’est une chance et une richesse pour notre pays, un atout formidable qui nous est envié hors de nos frontières, un motif d’espoir face aux progrès des inégalités et à la désespérance démocratique.
Ministre des Droits des femmes, de la Ville, de la Jeunesse et des Sports, j’ai aujourd’hui la responsabilité de politiques publiques qui portent une cohérence claire sur une priorité, l’égalité : entre les hommes et les femmes, entre les générations, entre les territoires. Tous les champs d’action de mon ministère reposent sur un dénominateur commun : l’engagement des associations.
En charge de la vie associative je veux être la ministre qui porte vos réalités dans les choix gouvernementaux, mais aussi dans les relations avec les collectivités territoriales, avec la volonté déterminée de faciliter votre fonction d’innovation sociale mais aussi l’exigence de modernisation, d’exemplarité et de renouvellement pour donner davantage de responsabilités aux jeunes.
Le fait associatif a connu des évolutions importantes ces dernières années, qui l’ont souvent fragilisé. J’en suis pleinement consciente. Fragilisées, les associations le sont dans la relation aux pouvoirs publics, marquée par le développement de la logique de prestation, parfois de mise en concurrence, et les contraintes financières, notamment celles liées à la tarification dans le secteur social. Déstabilisées, les associations le sont aussi dans les formes d’engagement qui évoluent avec l’apparition de figures nouvelles : qu’il s’agisse de la reprise en gestion directe d’activités associatives par les collectivités, d’entreprises qui investissent le champ de l’économie sociale et solidaire ou d’engagement ponctuel de nos concitoyens au sein de collectifs souvent informels, force est de reconnaître que le modèle classique associatif doit évoluer en portant haut la plus value associative : le bénévolat, l’engagement, le dépassement de la relation aidant / aidé ou animateur/usager, l’implication des usagers dans la conduite de projet, refusant les logiques de guichet.
La Grande cause nationale est le déclic pour engager cette évolution par la mobilisation du plus grand nombre.
C’est le sens du programme élaboré par le mouvement associatif, dont je vous remercie, et qui sera présenté de manière complète dans quelques instants. Je ne vais rien en dire, car cela vous revient, mais je souscris pleinement à son message et à ses objectifs, et salue son ambition. J’apporterai tout mon soutien aux temps forts que vous allez bientôt décrire.
Qu’il me soit permis de dire qu’avec les services du ministère, nous serons à vos côtés pour faire vivre la charte d’engagements réciproques, signée le 14 février dernier entre l’Etat, les associations et les collectivités locales, et gagner l’adhésion du maximum de collectivités.
La réforme territoriale engagée par le Président de la République sera aussi l’occasion de clarifier les relations parfois complexes entre les associations et le millefeuille territorial, dans le sens d’une simplification et d’une meilleure efficacité collective. Au-delà, je suis convaincue que nous avons besoin d’une ambition plus large, partant d’une vision politique claire et partagée. Je vous propose de la construire ensemble à partir des priorités que vous avez exprimées et que je veux porter comme ministre en charge de la vie associative.
La première priorité, c’est de sécuriser les financements, de clarifier le rôle de chacun, de porter le choc de simplification voulu par le Président de la République dans la réalité associative. Les associations rendent aujourd’hui un service considérable, remplissent souvent une mission de service public et sont pourtant confrontées dans tous les secteurs – social, éducation populaire, clubs sportifs – à des verrous, des tracasseries, des obstacles, des contraintes administratives qui sont la contradiction même de l’énergie qu’elles apportent à la société. Nous devons changer les administrations dans leur rapport avec les personnes qui s’engagent. Nous devons passer d’une culture de la défiance à une culture du oui à l’égard des acteurs qui changent la société.
Le choc de simplification pour les associations en sera une étape essentielle. Le projet de loi sur l’économie sociale et solidaire nous permet de prendre par ordonnance des mesures en la matière qui permettront une plus grande sécurisation juridique et financière des associations, ainsi qu’une meilleure reconnaissance de l’engagement bénévole. J’ai demandé au député Yves Blein de me rendre ses propositions d’ici à la fin du mois de juillet prochain sur ce sujet.
Je suis particulièrement attachée à ce que vous participiez à ce choc de simplification par vos remontées du terrain et par vos propositions. Il faut que nous arrivions à co-construire les meilleures solutions pour vous.
J’ai déjà en tête deux pistes concrètes, sur lesquelles j’ai demandé qu’un travail s’engage dès à présent.
La première est de permettre aux associations de ne déposer qu’une seule fois sous forme dématérialisée les pièces nécessaires à une demande de subvention. Je sais que la recherche de financements est consommatrice de temps et d’énergie. Plus une association a de financeurs plus elle a de risques d’être déstabilisée par les évolutions des ces financements et les services de l’Etat ne se coordonnent pas sur ces évolutions. Ce qui peut paraître une forme de B-A-BA ne se fait pas aujourd’hui. Nous allons donc créer un « webservice » spécifiquement dédié aux demandes de subvention des associations.
Avec deux objectifs. Premièrement, permettre aux associations de ne donner qu’une seule fois, sous forme dématérialisée, les renseignements et les pièces justificatives nécessaires : aux administrations de puiser ensuite dans cette base de données. Deuxièmement, faciliter l’instruction partagée des demandes par l’ensemble des collectivités publiques concernées.
Ce serait vraiment un grand progrès, j’en suis convaincue.
La deuxième évolution qui me paraît nécessaire est celle d’un numéro unique tout au long de la vie de l’association. Aujourd’hui, lorsque vous créez une association, l’administration vous attribue un numéro « RNA » (Registre national des associations). Mais si vous demandez une subvention, il vous faut encore un autre numéro : le numéro « SIRET ». Il y a bien sûr des raisons techniques à cela mais les raisons internes à l’administration ne doivent pas peser excessivement sur les usagers. Je veux donc que nous vous facilitions les choses en attribuant à chaque association un seul et même numéro, qui permette d’effectuer l’ensemble des démarches administratives, sans exception. C’est un objectif qui me paraît tout à fait réaliste.
Il s’agit d’exemples parmi de nombreux autres de ce que nous pouvons faire. Nous ouvrons la boîte de la simplification. Et si c’est une boîte de Pandore c’est tant mieux car ce travail doit être fait et nous n’avons pas peur du travail.
Ma seconde priorité pour cette année de l’engagement est la modernisation de la vie associative.
Notre démocratie a besoin de corps intermédiaires respectés et écoutés, ils sont le ferment de la participation de tous à ses évolutions. Loin de les dénigrer dans une illusion de démocratie directe qui renforce les populismes, le gouvernement entend renforcer leur rôle pour moderniser la vie démocratique. C’est le cas des partenaires sociaux, avec les grandes conférences sociales et l’attachement réaffirmé à la contractualisation dans le cadre de la démocratie sociale.
C’est évidemment le cas des associations, avec la Charte des engagements réciproques et trois initiatives que vous propose de porter ensemble.
La première initiative sera de conforter l’indépendance associative, de respecter son rôle d’interpellation mais aussi son expertise. Je demanderai au Haut Conseil à la Vie Associative des propositions en ce sens et je veillerai à une meilleure relation avec le travail des administrations centrales concernées.
Je souhaite m’engager à une stabilité dans la durée des financements des associations. Je sais que c’est particulièrement essentiel pour les associations qui travaillent dans les quartiers prioritaires, mais c’est vrai aussi pour les autres associations. Chaque fois qu’une action est pluriannuelle elle doit pouvoir prétendre à une convention pluriannuelle, dont le contenu ne doit être révisé qu’en cas d’altération des conditions de la convention. Cette règle, qui est si peu respectée, sera rappelée à tous les services de l’Etat. Je m’engage à la respecter pour toutes les actions qui sont dans le champ de mon ministère.
Une deuxième initiative doit porter sur la transparence de l’Etat, notamment sur les critères des subventions et leurs montants. Je vous le dis, en sachant que cela suscitera des commentaires, l’Etat ne peut plus faire du bricolage dans son coin lorsqu’il attribue des subventions. Les citoyens comme les acteurs qui s’engagent ont un droit légitime à la transparence. C’est pourquoi nous mettrons en ligne sur le site data.gouv.fr l’ensemble des conventions pluriannuelles que nous signerons avec des associations. Et nous remettrons chaque année au parlement un rapport sur l’évolution des financements aux associations.
La troisième initiative de modernisation est une action déterminée pour le développement de l’éducation populaire. Je ne me résigne pas à l’atonie démocratique des jeunes, ni à voir leur expression politique dériver vers l’extrême droite. L’éducation populaire, parce qu’elle porte un projet social d’émancipation et d’éducation pour tous par le sport, la culture, les sciences et la citoyenneté, est une réponse essentielle. C’est pourquoi je mobiliserai les moyens du programme d’investissement d’avenir, dans le cadre d’un appel à projets national pour la modernisation de l’Education populaire que je lancerai à la rentrée.
Ma troisième priorité pour la grande cause sera de faciliter l’engagement de nos concitoyens, notamment les plus jeunes. Si le bénévolat ne cesse de progresser dans notre pays – plus 12 % entre 2010 et 2013 –, les alertes se multiplient sur la complexité croissante de l’engagement bénévole. Nombreux sont les bénévoles qui hésitent à prendre des responsabilités au sein des associations par crainte d’une charge de travail trop lourde. C’est un des enjeux du choc de simplification.
C’est aussi un thème important de la stratégie de modernisation que vous propose, pour que les bénévoles puissent voir leur place pleinement reconnue, y compris dans les fonctionnements associatifs. Je souhaite que nous travaillions aussi sur la question de la formation des bénévoles, particulièrement cruciale dans le secteur social et médicosocial avec des responsabilités accrues et des situations humaines particulièrement lourdes à affronter.
Nous devons aussi faciliter l’engagement des salariés, qui répond à une aspiration croissante de nos concitoyens, mais aussi à un besoin des associations pour renforcer et diversifier leurs compétences. De nombreuses entreprises se sont engagées dans cette voie, mais il nous faut aller plus loin, y compris en mobilisant davantage la fonction publique dans cette voie. C’est pourquoi je proposerai d’inscrire à l’ordre du jour de la prochaine grande conférence sociale le sujet du congé pour engagement.
Nous travaillons par ailleurs avec le mouvement sportif pour faire de la France la nation la plus sportive d’Europe : cette ambition suppose un engagement renforcé des bénévoles auquel nous travaillons avec le mouvement sportif, pour mieux accompagner la pratique loisir, développer les pratiques périscolaires, mieux accompagner les responsables associatifs, notamment dans leur fonction d’employeur, et les bénévoles. Nous lancerons dans quelques heures l’opération Sentez vous sport ici même avec le président du comité national olympique.
Faciliter l’engagement associatif, c’est aussi lui donner pleinement sa place et le soutenir résolument là où il est souvent le plus fragile, c’est-à-dire dans les territoires eux-mêmes fragilisés. Ministre de la ville, je connais le rôle irremplaçable des associations de quartiers, dans lesquelles de nombreuses femmes sont impliquées, qui proposent des lieux et des services qui maintiennent le lien social, organisent la solidarité intergénérationnelle, favorisent l’accès aux droits, préservent la dignité de chacun, bref, portent une innovation sociale du quotidien qui fait reculer l’indifférence et la désespérance.
La nouvelle politique de la ville engagée par ce gouvernement, avec les contrats de ville nouvelle génération et le principe de co-construction avec les habitants et les associations, permettra de renforcer le droit commun en direction de ces associations et de concentrer les moyens là où ils sont les plus nécessaires.
Enfin, vous comprendrez que mon dernier mot soit consacré à l’engagement des jeunes.
Parce qu’il est directement lié au combat pour l’emploi des jeunes et à l’urgence démocratique actuelle, il constitue la priorité d’action numéro un de mon ministère. En termes d’emploi, nous avons connu des avancées importantes ces derniers mois : le taux de chômage des jeunes a reculé de deux points sur les deux dernières années, et, dans le secteur du sport et de l’animation, nous avons déjà dépassé l’objectif des 15 000 emplois d’avenir que nous nous étions fixés pour la fin 2014.
Le service civique est un formidable succès : avec 35 000 jeunes volontaires en 2014, nous ne pouvons à ce jour répondre à la demande de tous les jeunes, qui voient dans cet engagement un moyen de s’ouvrir aux autres, de préparer un projet de vie ou de conquérir une utilité sociale et une estime d’eux-mêmes essentielles à leur insertion sociale et professionnelle. Conformément à l’engagement du Président de la République, nous travaillons à réaliser l’objectif de 100 000 jeunes en service civique à l’horizon 2017, en lien avec l’agence du service civique et François Chérèque à qui j’ai confié une mission de propositions sur cet enjeu. Le service civique est exemplaire à mes yeux sur la capacité à construire main dans la main une politique publique entre l’Etat et le mouvement associatif, et c’est dans ce sens que je souhaite accompagner son développement.
Mesdames, Messieurs, la grande cause nationale consacrée à l’engagement associatif est un enjeu qui concerne toute la société. Ministre en charge de la vie associative, je souhaite que notre mobilisation collective fasse émerger un rapport nouveau, plus simple, plus confiant entre tous les acteurs concernés : citoyens, associations, collectivité et Etat. Une part importante de l’identité de notre société et de notre République se joue là, dans notre capacité à faire de l’engagement associatif un moteur de progrès pour la société et d’émancipation pour les individus, notamment les jeunes. La société française est riche d’idées et de projets, qui sont la matière première du lien social. Que la puissance publique s’y implique est chose courante, à travers notamment les différentes formes de soutien qu’elle accorde au monde associatif. Qu’elle s’y associe, en mobilisant ses propres instruments, en complément des objectifs que la société se donne à elle-même, est encore rare. Qu’elle s’y engage est inédit. Permettez-moi de vous dire que si la grande cause nationale est celle de l’engagement cela doit s’appliquer à l’Etat également.
Je souhaite personnellement que lorsque la société s’engage, l’Etat s’engage aussi.
Notre devoir n’est pas seulement de pousser des politiques. C’est aussi de mettre en lumière des personnalités, dont les réalisations remarquables incarnent la force réformatrice de notre société. Promouvoir l’engagement est un objectif en soi pour un gouvernement. C’est une démarche essentielle pour créer des vocations, reconnaître la puissance de l’engagement et le démultiplier. J’ai la conviction que les pouvoirs publics ont des marges de progrès considérables en la matière. Ils n’ont pas suffisamment structuré cette mission de reconnaissance de l’engagement, qui relève pourtant pleinement de leur responsabilité. J’ai la conviction que nous devons réformer l’Etat non seulement pour l’alléger du poids des pesanteurs administratives, mais aussi pour le mettre en situation de faire fructifier l’engagement. C’est le défi de la construction de ce que je serais tentée d’appeler, une « société de la reconnaissance ».
Permettez-moi pour conclure de vous remercier de votre mobilisation et de votre engagement quotidien dans cette période difficile pour notre pays, avec ces mots de Martin Gray à l’esprit : « Ce que l’on donne à un enfant, il le rend un jour. Et ce qu’on lui refuse, il le refuse. Et le mal qu’on lui fait, il peut le faire. Mais si l’on gonfle ses jeunes voiles au souffle de la force, du courage et de la droiture, alors il vogue et sait affronter la tempête. »