Assemblée Nationale : enquête sur les difficultés associatives
Commission d’enquête chargée d’étudier les difficultés du monde associatif dans la période de crise actuelle : proposition adoptée à l’Assemblée nationale en 1ère séance du 28 mai 2014.
Le Collectif se réjouit de l’adoption de cette proposition car il est urgent de prendre en compte ces difficultés pour y remédier. Nous demandons à être auditionnés pour partager nos analyses et propositions. Y sont intégrés les liens vers 4 autres notes sur des sujets plus précis : la simplification, l’impact du pacte d’austérité sur les associations et la circulaire qui doit remplacer la circulaire « Fillon » de 2010 (celui sur la décentralisation sera bientôt disponible).
Lire notre communiqué de presse du 11 juin.
- La présentation de la comission à l’Assemblée nationale en vidéo
- L’ensemble du compte rendu de la séance du vote
- La composition de la commission
L’intégralité des auditions réalisées sont retranscrites sur le site de l’Assemblée Nationale ICI et leurs captations vidéo sont en lien ci-dessous :
Les premières auditions en vidéo sur le site de l’Assemblée nationale du 3 juillet
Les auditions du 3 septembre en vidéo sur le site de l’AN
Les auditions du 4 septembre en vidéo sur le site de l’AN
Celles du 9 septembre en vidéo sur le site de l’AN
Assemblée nationale – XIVe législature – Session ordinaire de 2013-2014
Extrait du Compte rendu intégral de la Première séance du mercredi 28 mai 2014
Difficultés du monde associatif
Explications de vote et vote
Mme la présidente. L’ordre du jour appelle les explications de vote et le vote par scrutin public sur la proposition de résolution de M. Alain Bocquet et plusieurs de ses collègues tendant à la création d’une commission d’enquête chargée d’étudier les difficultés du monde associatif dans la période de crise actuelle, de proposer des réponses concrètes et d’avenir pour que les associations puissent assurer leurs missions, maintenir et développer les emplois liés à leurs activités, rayonner dans la vie locale et citoyenne et conforter le tissu social (nos 1731, 1958).
Explications de vote
Mme la présidente. Dans les explications de vote, la parole est à Mme Marie-George Buffet, pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine.
Mme Marie-George Buffet. Madame la présidente, madame la ministre des droits des femmes, de la ville, de la jeunesse et des sports, mes chers collègues, nous devons aujourd’hui nous prononcer sur la recevabilité et l’opportunité de la proposition de résolution, présentée par le groupe GDR, tendant à la création d’une commission d’enquête chargée d’évaluer difficultés du monde associatif dans la période de crise actuelle.
Nous avons décidé de faire usage du droit qui nous est reconnu par l’article 141 de notre règlement de demander l’inscription à l’ordre du jour d’une proposition de résolution. Ce droit est soumis à certaines conditions. J’estime, pour ma part, qu’elles sont bel et bien remplies.
Le règlement demande d’abord de « déterminer avec précision les faits qui donnent lieu à enquête ». Il me semble que la proposition de résolution que nous vous soumettons remplit cette condition. Son objet est déterminé : il s’agit d’étudier l’impact de la crise actuelle sur le monde associatif. J’ajoute que d’autres commissions d’enquête ont porté sur un spectre aussi large – la commission d’enquête sur la sidérurgie, par exemple.
Ensuite, une commission d’enquête ne peut porter sur des sujets traités récemment dans le cadre de structures parlementaires particulières. Là encore, la proposition de résolution est recevable. Enfin, une commission d’enquête ne doit pas empiéter sur le travail de la justice. Mme la garde des sceaux a indiqué qu’elle n’avait pas connaissance de poursuites judiciaires engagées sur des faits ayant motivé le dépôt de cette proposition de résolution.
Ainsi, la proposition de résolution que nous examinons apparaît tout à fait recevable au regard des critères fixés par notre règlement. Ce n’est donc pas sur la question de sa recevabilité qu’il faut argumenter pour la contrer. Nous sommes appelés à nous prononcer sur l’opportunité de mettre en place cette commission d’enquête. Débattons-en !
Mes chers collègues, la présidente de la Conférence permanente des coordinations associatives, la CPCA, lançait l’an passé une alerte à propos de la crise des financements et du bénévolat, qui est due à des mutations profondes et – ajoutait-elle – irréversibles. On peut discuter ce verdict, mais ce qui est sûr, c’est que de nombreux indicateurs virent au rouge : non seulement on crée de moins en moins d’associations, mais 15 % des responsables associatifs se disent en détresse face à l’impossibilité d’élargir le noyau dur du bénévolat. Onze mille emplois ont été perdus en 2011, et on annonce une nouvelle hémorragie de 9 500 emplois en 2013. Le recul de 17 % des subventions et surtout la hausse des procédures de marchés publics – qui concernent plus de 73 % des appels à projet – transforment le mouvement associatif en exécutant. La commande publique finira-t-elle par tuer la démarche et les objectifs des associations ? La menace est là, l’enjeu est de taille !
Chacun, ici, mesure ce qui est en cause. La France compte plus d’un million d’associations et douze millions de bénévoles : c’est un engagement citoyen sans équivalent, un remarquable espace d’éducation populaire, et souvent un premier apprentissage de la démocratie. Les associations sont également un vecteur économique, elles représentent près de deux millions d’emplois et 2 % à 3 % du PIB. Par la diversité de leurs objectifs et de leurs champs d’action, comme par leurs implantations territoriales, elles jouent un rôle majeur dans le lien social comme dans la réponse aux besoins essentiels de nos compatriotes. Chacun pourrait en donner des exemples : des vacances des enfants aux organisations de jeunesse, des clubs sportifs à l’action caritative, de l’alphabétisation à l’association féministe…
Imaginons, un instant, que les bénévoles se retirent : la France serait bien mal en point ! Aucune puissance, publique ou privée, ne serait capable de les remplacer. Ce n’est pas seulement une question de moyens, mais aussi de démarche. Il est donc urgent de mener un travail parlementaire permettant, à partir d’un diagnostic sérieux, de dégager des options pour l’avenir du monde associatif.
Le champ est vaste, et le débat en commission a témoigné de la multitude des questions à aborder. Si elle est mise en place, la commission d’enquête devra donc définir des priorités, tout en tenant compte de la diversité du monde associatif. Elle devra répondre, à mon avis, à des questions concrètes comme les conditions du financement public, le statut des bénévoles, la place et le statut des salariés, leur formations et leurs carrières, la simplification administrative et, le cas échéant, l’évolution de la loi de 1901. Elle devra également se projeter dans le temps pour anticiper les conséquences de la réforme des collectivités territoriales sur les associations.
Je vous invite donc, chers collègues, à adopter cette proposition de résolution du groupe GDR. (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Barbara Pompili, pour le groupe écologiste.
Mme Barbara Pompili. Madame la présidente, madame la ministre, madame la rapporteure, chers collègues, le travail de terrain effectué par les associations mérite d’être salué par la représentation nationale. Nous devrions en effet rendre hommage à l’engagement des milliers de bénévoles et de salariés qui interviennent, jour après jour, dans nos territoires, dans nos territoires, dans nos quartiers, et bâtissent la cohésion sociale. Sans eux, qui organiserait les matchs de foot de nos enfants et des plus grands ? Comment pourrions-nous apprendre à peindre, à faire du théâtre, à danser ou à nager ? Sans eux, arriverait-on à maintenir la fameuse vie de quartier qui nous est si chère ? Qui viendrait en aide aux enfants des rues ou aux femmes victimes de violence ?
Car c’est bien de cela qu’il est question : sans les associations, qui prendrait en charge la solidarité qui fait tant défaut à notre société ? Soyons clairs, au lieu du « mieux-vivre ensemble » pour lequel nous nous battons, c’est le « non-vivre ensemble » et le repli sur soi qui gagneraient encore. Cette société-là, nous n’en voulons pas.
L’utilité publique du tissu associatif est un fait. Il relève donc de la responsabilité des pouvoirs publics de soutenir et d’accompagner le monde associatif. C’est d’autant plus vrai en cette période de crise où les besoins ne cessent d’augmenter, car les associations se déploient notamment là où l’État fait défaut ; et dans le contexte de crise économique, sociale et environnementale que nous traversons, les associations sont encore plus sollicitées qu’à l’ordinaire.
Véritables laboratoires d’idées, les associations proposent bien souvent des solutions innovantes qui font leurs preuves et sont, par la suite, source d’inspiration pour les pouvoirs publics. C’est pourquoi il est capital de garantir le dynamisme de notre tissu associatif, notamment dans le contexte actuel de morosité dont nous peinons à sortir. C’est aussi pourquoi les difficultés financières des associations nous inquiètent. Il aurait d’ailleurs été intéressant que la commission des affaires culturelles et de l’éducation de notre assemblée se saisisse de cet enjeu. Je souscris donc pleinement à la démarche de mes collègues du groupe GDR, qui permettra à la représentation nationale d’étudier avec précision les difficultés du monde associatif et de proposer des réponses concrètes et d’avenir.
Sur la question du financement, le projet de loi sur l’économie sociale et solidaire – que nous avons adopté en première lecture la semaine dernière – est un bon début puisqu’il consolide son régime juridique des subventions.
Les appels à initiatives constituent une autre avancée : ils favorisent la co-élaboration de projets en phase avec les besoins locaux. Pour vraiment répondre aux besoins des populations, il n’est plus possible de tordre les projets pour qu’ils rentrent dans des cases déconnectées des réalités ! C’est là un des problèmes majeurs des appels à projets classiques, qui passent sous silence les besoins structurels de fonctionnement, conduisent à écarter les petites structures, favorisent le « moins disant » à la place du « mieux disant » et réduisent les associations à de simples prestataires de services en étouffant toute capacité d’innovation !
Il convient aussi de s’intéresser aux nouvelles sources de financement qui se développent, comme le crowdfunding. Le financement participatif est intéressant, mais il ne doit pas se développer au détriment des subventions et de la responsabilité de la puissance publique. Celle-ci devra, elle aussi, être interrogée au cours des travaux de cette commission d’enquête. Aux baisses dramatiques de crédits sous la droite, a en effet succédé un simple maintien des lignes budgétaires, alors que les besoins explosent et que nous devrions au contraire augmenter notre soutien !
Pour affronter la crise actuelle que traversent les associations, la question financière est cruciale, mais d’autres le sont tout autant. Espérons que cette commission d’enquête sera suffisamment ambitieuse pour s’intéresser aux autres défis à relever. Pour redynamiser l’engagement citoyen, par exemple, osons poser la question du bénévolat, de sa crise et de ses nouvelles formes. Osons faire le bilan des emplois d’avenir et du service civique. Osons parler de l’emploi en milieu associatif. Quelles réponses apporter au besoin en emplois qualifiés, ou au problème que posent les emplois précaires et le turn-over ? Comment accompagner les salariés et les bénévoles ? Comment les former ?
Ces questions ne sont pas marginales. Rien qu’en Picardie, sur 30 000 associations actives – qui représentent pas moins de 250 000 bénévoles –, 4 130 sont des structures employeuses. Cela représente 42 000 salariés, soit 10 % de l’emploi privé de la région !
« Inventer pour préparer l’avenir » : tel était le titre du cahier du journal Le Monde daté du 3 décembre dernier. Oui, le tissu associatif devra être inventif pour continuer à proposer des solutions innovantes face à des besoins croissants, dans un contexte financier difficile. Oui, la puissance publique – qui s’appuie sans relâche sur le tissu associatif – doit elle aussi prendre ses responsabilités afin de parvenir à bâtir dans la durée une relation pérenne de co-construction des politiques.
Les écologistes voteront donc, bien entendu, pour la création de cette commission d’enquête.
Mme la présidente. La parole est à M. Yannick Favennec, pour le groupe de l’Union des démocrates et indépendants.
M. Yannick Favennec. Madame la présidente, madame la ministre, madame la rapporteure, mes chers collègues, l’Assemblée nationale est aujourd’hui appelée à se prononcer sur la proposition de résolution tendant à la création d’une commission d’enquête chargée d’étudier les difficultés du monde associatif dans la période de crise actuelle.
L’engagement du monde associatif est au cœur de l’exigence de cohésion sociale à laquelle le groupe de l’Union des démocrates et indépendants porte une attention toute particulière depuis le début de la législature. Le monde associatif est un monde fait de générosité, un monde d’hommes et de femmes qui se sont engagés, riches de leurs parcours, forts de leurs convictions, et portés par leurs idéaux. Ils représentent une richesse et des ressources humaines extraordinaires, qui contribuent notamment à l’attractivité de nos territoires.
Certains sont animés par la volonté de changer la société, d’autres par l’ambition de promouvoir une cause, d’autres encore par le plaisir d’échanger, de partager des idées ou de participer à des activités culturelles ou sportives. Ces hommes et ces femmes ont en commun de donner leur temps et leur énergie sans compter, qu’ils soient responsables associatifs ou seulement bénévoles. Je le mesure chaque jour dans mon département, la Mayenne. Alors que la puissance publique recule face à la crise, les associations, elles, sont placées en première ligne face aux problèmes de l’insertion des jeunes, de la prise en charge de nos aînés, de la lutte contre la précarité, de la défense de nos valeurs démocratiques et républicaines, ou encore de l’animation de nos villes et de nos villages.
Aussi, l’impact de la crise sur leur capacité à continuer de produire du lien social constitue une question particulièrement pertinente. Nous saluons par conséquent l’initiative des députés du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.
Il est vrai que le choix d’une commission d’enquête plutôt que d’une mission d’information peut surprendre – le président de la commission des affaires culturelles, Patrick Bloche, l’a d’ailleurs lui-même souligné. Nous n’en sommes pas moins convaincus que les auteurs de cette proposition de résolution sont animés d’un esprit sérieux et constructif, qui fera de cette initiative une initiative utile.
Je souhaite néanmoins, au nom du groupe UDI, souligner que nos réflexions ne doivent pas se limiter à constater les difficultés rencontrées par les associations. En effet, la crise sans précédent qui met à l’épreuve notre cohésion sociale nous donne l’opportunité d’imaginer et de construire une France plus juste, plus apaisée, plus solidaire, dont le monde associatif sera porteur.
La question du financement des associations est évidemment majeure. Il est essentiel que les subventions versées aux associations soient systématiquement incluses dans des conventions pluriannuelles, afin de permettre aux responsables associatifs d’engager et de mener à bien des projets dont la réalisation doit se poursuivre sur plusieurs exercices. Ils auront ainsi la certitude de bénéficier d’un financement sur la totalité de la durée de ces projets. Parallèlement, la diversification des ressources financières doit être encouragée et facilitée, notamment en simplifiant l’accès du monde associatif aux fonds européens, en favorisant le développement d’une épargne dédiée au financement de projets associatifs et solidaires, et en soutenant le crowdfunding.
Je veux également insister sur quatre points qu’il me paraît essentiel d’aborder dans le cadre de cette commission d’enquête. D’abord, la crise de responsabilité qui frappe les associations : si l’engagement bénévole ne faiblit pas, force est de constater que les candidats aux responsabilités sont de plus en plus rares. Il faut par conséquent trouver des solutions pour mieux protéger les responsables associatifs devant la justice, pour valoriser davantage les responsabilités associatives et pour pérenniser les emplois qualifiés.
Il est également indispensable de poursuivre la lutte contre la complexité administrative pour que la gestion quotidienne d’une association cesse de relever du parcours du combattant. Cela passe notamment par des demandes d’agréments simplifiées mais aussi par davantage de stabilité et de clarté au niveau des soutiens financiers qui peuvent être apportés aux associations.
Il faudra également poser les bases d’une nouvelle relation entre les associations et la société des auteurs, compositeurs et éditeurs de musique – la fameuse SACEM. Le montant de la redevance, trop élevé, pénalise durement certaines associations, en particulier dans nos petits villages ruraux.
Enfin, il conviendra de renforcer encore la formation des bénévoles et de valoriser leur engagement et leurs compétences, par la création d’un véritable statut du bénévole.
Nous ne nous contenterons donc pas de dresser l’inventaire des difficultés rencontrées par le monde associatif. Nous voulons profiter de cette commission d’enquête pour proposer des réponses d’avenir afin de faire du monde associatif le moteur du changement dont notre pays et nos territoires ont besoin.
En conséquence, le groupe de l’Union des Démocrates et Indépendants ne s’opposera pas à la création de cette commission d’enquête.
M. Roger-Gérard Schwartzenberg et M. Gérard Charasse. Très bien !
Mme la présidente. La parole est à Mme Sophie Dion, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.
Mme Sophie Dion. Madame la présidente, madame la ministre, madame la rapporteure, mes chers collègues, les associations jouent un rôle central dans notre économie et notre société. Elles œuvrent dans des domaines extrêmement variés tels que l’économie sociale et solidaire, l’exclusion, la culture, la santé, l’humanitaire, le tourisme, le sport, la défense des consommateurs, de l’environnement, du patrimoine, de la culture. Les associations, aujourd’hui plus que jamais, sont au cœur du mieux vivre ensemble.
Elles sont au cœur de la cohésion sociale, essentielles à l’animation et à la vie de nos territoires. Les chiffres sont éloquents. Vous les avez rappelés, madame la rapporteure : 1,3 million d’associations en France, 23 millions d’adhérents, 16 millions de bénévoles, près de 2 millions de salariés soit 6% des salariés du privé, un budget cumulé de plus de 60 milliards d’euros, qui représente 3,5% de notre PIB.
Mais le monde associatif n’est pas épargné par la crise. Il doit aujourd’hui faire face à la diminution des subventions publiques, à l’instauration de nouveaux modes de financement fondés sur la commande publique et l’appel à projets, à la crise du bénévolat, à la complexité et à la lourdeur de l’administration, à la multiplication de toutes ces contraintes, à la fiscalité et aux procédures judiciaires qui freinent la dynamique associative.
Les subventions publiques, qui représentent aujourd’hui 50 % du financement total du secteur associatif, accusent une baisse très importante.
Le Gouvernement déclare l’engagement associatif, grande cause nationale pour l’année 2014.
M. Pascal Deguilhem. Et c’est très bien !
Mme Sophie Dion. Il entend créer un guichet unique pour les demandes de subventions et affirme que le financement pluriannuel sera désormais la norme mais, dans le même temps, il réduit drastiquement les finances des collectivités territoriales, augmente leurs charges et créé des politiques qu’il leur demande de financer. Quel paradoxe ! Où est la logique ? La réforme des rythmes scolaires en est un parfait exemple. Dans ces conditions, comment voulez-vous inverser la tendance ? Voilà la réalité. Les faits sont têtus.
Les travaux de cette commission d’enquête seront, à ce titre, particulièrement intéressants. Ils nous permettront de mettre en lumière l’incohérence de la politique menée par le Gouvernement, ses effets directs sur le financement des associations et la viabilité de nombre d’entre elles.
Les députés du groupe UMP souhaitent également que le bénévolat soit reconnu à sa juste valeur car, sans les bénévoles, nos associations ne pourraient pas fonctionner.
Au-delà de l’avantage fiscal lié au don, nous pourrions travailler sur un certain nombre de mesures incitatives comme le bénéfice de trimestres de retraite supplémentaires ou la validation de leur expérience bénévole dans leur parcours professionnel. Ces mesures répondraient aux difficultés que rencontrent les actifs pour s’engager davantage, pour donner de leur temps, dans l’action bénévole. Ce sont des pistes de réflexion et j’espère que nous pourrons un jour les travailler ensemble.
Enfin sur la forme, nous considérons qu’une mission d’information aurait certainement été plus appropriée au sujet. Nous l’avons dit en commission. Vous avez fait le choix de déposer une proposition de résolution tendant à la création d’une commission d’enquête, comme le règlement de l’Assemblée nationale vous y autorise. Vous nous en avez expliqué les raisons. Le groupe GDR exerce là son droit de tirage. Dont acte. Vous l’avez compris, le groupe UMP participera aux travaux de cette commission d’enquête mais, pour l’heure, il ne prendra pas part au vote.
Mme la présidente. La parole est à M. Pascal Deguilhem, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.
M. Pascal Deguilhem. Madame la présidente, madame la ministre, chère Marie-George Buffet, chers collègues, je me contenterai de vous présenter les arguments que les députés du groupe SRC ont développé en commission des affaires culturelles et de l’éducation, à la fois pour soutenir, sur le fond, votre démarche qui vise à interpeller le monde associatif – quoi de plus naturel ? –, à comprendre les difficultés auxquelles il fait face, ses interrogations sur sa place dans la société, son engagement, l’action des bénévoles mais aussi nous interroger sur les solutions à mettre en œuvre pour leur permettre d’être le plus efficaces possible dans le contexte économique difficile que nous connaissons.
Sur la forme, nous l’avons dit en commission, la commission d’enquête, qui fait davantage référence à un dysfonctionnement, n’est sans doute pas le véhicule le plus adapté pour conduire cette réflexion. C’est ce qui motivera en tout cas l’abstention de notre groupe – mais j’ai cru comprendre que seuls les votes « contre » pouvaient ne pas valider la proposition de résolution. Je ne m’attarderai pas sur cette question, largement évoquée en commission, pour revenir aux objectifs visés par cette proposition de résolution.
Il s’agit en premier lieu d’évaluer le poids de l’atonie de la croissance, du chômage de masse, de l’explosion de la précarité, de la fragilisation des services publics sur notre secteur associatif. Oui, le monde associatif, dans sa grande diversité, et bien que particulièrement dynamique, soulignons-le, subit des évolutions profondes, pour des raisons politiques, économiques, juridiques, qui freinent son développement. A ce titre, nous partageons le constat établi par les auteurs de cette proposition de résolution.
Oui, le monde associatif, avec ses millions de bénévoles engagés dans plus d’un million d’associations, est une chance, une richesse pour notre pays. Oui, le monde associatif, avec plus de 1,7 million de salariés, est un acteur essentiel et indispensable dans le domaine social mais aussi éducatif, sportif, culturel et bien d’autres.
C’est l’ensemble du tissu associatif qui contribue à la cohésion sociale, à la vie citoyenne, à la vitalité économique de notre pays, tout en répondant aux besoins, au moins en partie, de la population.
Au regard de ces considérations, nous comprenons bien la demande d’examiner ces difficultés auxquelles doit faire face le monde associatif dans sa diversité et pour l’ensemble des secteurs d’activité. Cela d’ailleurs ne simplifiera pas les travaux de la commission d’enquête, mais j’ai cru comprendre que Mme Buffet avait pris en compte cette question d’ordre méthodologique, ce qui m’a rassuré.
Parmi les nombreuses autres questions se posent avec une acuité particulière celles du financement et de l’emploi associatif.
Dressons le constat des actions passées, notamment au cours de ces deux dernières années. Depuis 2012, le Gouvernement s’est engagé dans une logique interministérielle sur la question des financements, de l’emploi, des partenariats. Oui, la baisse des financements publics, depuis une décennie, affecte beaucoup les associations. La requalification de subventions en marchés publics ou en délégations de service public, ou le choix de la commande publique pour sécuriser les financements publics ont eu tendance à dégrader la place des associations, à les reléguer au rang de prestataires alors qu’elles aspirent naturellement à être des partenaires à part entière.
Il est important que les associations conservent leur rôle d’agent de cohésion et de mixité sociales. Il faut leur redonner confiance et lisibilité dans leur action.
S’il reste, nous en sommes conscients, beaucoup à faire, plusieurs actions ont été engagées. Sur les moyens, et malgré les contraintes économiques, les crédits du ministère dédiés à la vie associative ont été préservés en 2013. La formation des bénévoles et le développement de l’emploi associatif ont été largement soutenus. On ne peut pas passer sous silence les 15 000 emplois d’avenir créés, tout récemment au sein des associations pour la jeunesse ou dans le secteur du sport.
Une nouvelle charte d’engagements réciproques a été signée entre l’État, le mouvement associatif et les collectivités territoriales pour refonder un partenariat équilibré.
La mise en application, dès cette année, d’une mesure d’allégement des charges salariales en faveur des associations employeurs représente également un effort important, largement salué par le monde associatif.
Se pose enfin la question des contraintes qui pèsent sur nos associations, en particulier dans leurs relations avec l’administration, comme vous l’avez tous dit. Nous savons combien elles sont source de démotivation, combien elles peuvent détourner les responsables associatifs du cœur de leur mission.
Hier, en réponse à une question d’actualité, madame la ministre, vous avez apporté avec détermination et conviction des réponses précises visant à faciliter le fonctionnent quotidien des associations. Nous partageons sur tous les bancs, je le sais, ce même objectif, sur lequel nous sommes d’ailleurs attendus.
Au-delà de leur abstention, les députés SRC seront présents pour contribuer, comme nous le souhaitons, à l’écriture de nouvelles perspectives pour le monde associatif. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste et RRDP.)
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Noël Carpentier, pour le groupe radical, républicain, démocrate et progressiste.
M. Jean-Noël Carpentier. Madame la présidente, madame la ministre, madame la rapporteure, chers collègues, je le dis d’emblée : le groupe RRDP partage les objectifs de votre proposition de résolution et votera pour.
Nous pourrions certes débattre de la question de savoir s’il est préférable d’instituer une commission d’enquête ou une mission d’information mais vous avez, madame la rapporteure, clairement expliqué les raisons de votre choix.
Elles sont, si j’ai bien compris vos propos, guidées par une démarche pragmatique d’inscription dans le calendrier parlementaire qui, il faut bien le dire, n’est pas toujours simple à organiser.
Et puis, c’est vrai, il y a urgence à répondre rapidement aux difficultés et aux interrogations du monde associatif. Bien évidemment, cette commission d’enquête ne doit pas être un lieu où l’on fait de la politique politicienne, comme malheureusement le propose l’oratrice du groupe UMP.
Mme Sophie Dion. Vous n’avez rien compris !
M. Jean-Noël Carpentier. Je le dis à l’opposition : il serait regrettable de chercher à détourner cette commission pour en faire un tribunal politicien contre la majorité ou le Gouvernement. Le monde associatif, ses salariés et ses bénévoles, attendent bien autre chose que ces joutes stériles.
L’interrogation de la commission d’enquête est bien plus large et il ne s’agit pas de se pencher uniquement sur ces dernières années mais d’examiner, à partir de 2008, toute la période de crise que nous traversons et qui est source de difficultés dans toutes les strates de notre société, y compris dans la vie associative.
Notre majorité de ce point de vue, depuis deux ans, n’est pas restée l’arme aux pieds. Elle a fait des efforts, peut-être modestes, mais elle en a fait, contrairement à la droite. Elle a notamment déclaré l’engagement associatif « grande cause nationale 2014 », elle a fait voter une loi sur l’économie sociale et solidaire, elle a soutenu l’emploi associatif en créant plusieurs milliers d’emplois d’avenir.
On le sait bien ici. La vie associative est indispensable à notre République. Elle contribue au maintien du lien social dont notre société a tant besoin en cette période troublée.
La disparition d’une vie associative riche serait grave aussi du point de vue de l’emploi, comme l’a souligné Mme la rapporteure. Et l’on imagine mal l’État, les collectivités locales ou les entreprises privées reprendre les 2 millions de personnes qui travaillent dans les associations.
Nous devons observer la vie associative et trouver des solutions aux problèmes qu’elle rencontre, à l’heure où la crise réduit les moyens de l’État qui du coup, c’est vrai, baisse à son tour les dotations accordées aux collectivités territoriales. Cela, on le sait, affecte les budgets des associations et les met parfois en péril.
Au-delà de cet aspect strictement budgétaire, nous devons aussi nous interroger sur les besoins des associations et sur ce qu’elles représentent en termes de solidarité. À ce titre, la commission d’enquête permettra d’ouvrir de beaux débats dans chacune de nos circonscriptions.
Telles sont, mesdames et messieurs, les raisons pour lesquelles le groupe RRDP soutient la création de la commission d’enquête sur l’impact de la crise dans la vie associative. (Applaudissements sur les bancs des groupes RRDP et GDR.)
Vote sur la demande de création de la commission d’enquête
Mme la présidente. Aux termes de l’article 141, alinéa 3, du règlement, la demande de création d’une commission d’enquête est rejetée si la majorité des trois cinquièmes de l’Assemblée nationale s’y oppose, soit 344 voix.
Seuls les députés défavorables à la création de la commission d’enquête participent au scrutin.
Je soumets à l’Assemblée la demande de création de la commission d’enquête.
Qui est contre ?…
(La majorité requise pour le rejet n’est pas atteinte.)
Mme la présidente. En conséquence, la demande de création d’une commission d’enquête est adoptée. (Applaudissements sur les bancs des groupes RRDP et écologiste, et sur certains bancs du groupe SRC.)
Composition de la commission arrêtée à la réunion constitutive du 24 juin 2014
30 MEMBRES |
PRÉSIDENT |
VICE-PRÉSIDENTS |
SECRÉTAIRES |
RAPPORTEUR |
MEMBRES |