Principales conclusions du groupe réglementation et relations avec les collectivités – réunion du 27 novembre
29 novembre 2012
L’objectif de cette réunion était de faire le point sur les questions posées dans le cadre du dialogue institutionnel avec le cabinet de la ministre chargé de la vie associative et du premier ministre. 5 questions sont à l’ordre du jour, qui concerne à la fois la réglementation et les relations associations collectivités. En effet, face à la généralisation des appels d’offres, les 2 questions sont liées.
Le dialogue s’est noué notamment avec Carole Saleres, conseiller au cabinet de Valéry Fourneyron, qui est chargé d’organiser la concertation en vue de l’élaboration d’un nouveau cadre de contractualisation entre le secteur associatif et la puissance publique.
Examen de la feuille de route ministérielle
Dans un document officiel daté du 15 novembre, celle-ci nous a fait part de la méthode de concertation et du calendrier proposé. Ce document est très important pour le collectif, car il prévoit des rencontres avec les différentes coordinations associatives (CPCA, collectif des associations citoyennes…), ce qui constitue une belle reconnaissance du travail accompli depuis 2 ans. Il est donc décidé de commencer par débattre du contenu de cette note.
Il est proposé que cette feuille de route fasse ce l’objet d’une information particulière à l’ensemble du réseau compte tenu de son importance.
Le ministère envisage d’élaborer une nouvelle réglementation et une nouvelle charte d’engagements réciproques, analogue à celle de 2001, en concertation avec les collectivités les acteurs associatifs.
Pour redéfinir les modalités de contractualisation entre la puissance publique et les associations il envisage 4 séries de mesures :
– Adoption de dispositions législatives dans le cadre du PDL ESS (avec par exemple une définition légale de la subvention)
– Création d’un contenu sécurisé d’une procédure d’appel à initiatives. visant à formaliser le cadre de cette procédure hybride entre l’appel d’offres et la subvention sur initiative associative. Les contours de cette procédure s’inspireraient de la définition donnée de l’appel à projets dans la circulaire du 18/01/2010 : « Les appels à projets permettent à une personne publique de solliciter l’initiative privée, en définissant les grandes lignes d’un objectif à atteindre mais en laissant à des partenaires privés la possibilité d’exploiter leur expertise, leurs capacités techniques et leur créativité pour déterminer comment réaliser au mieux ces objectifs ». L’appel à projets présente des objectifs à atteindre et non pas les caractéristiques d’une prestation à mettre en œuvre régie par un cahier des charges. Cette procédure pourrait apporter des éléments de réponse au besoin de sécurité juridique des collectivités publiques, tout en laissant l’initiative des projets aux acteurs et en restant dans le cadre de la subvention. Le véhicule juridique pourrait être un décret.
– Révision de la circulaire du 18/01/2010 en vue de l’adoption, le cas échéant, d’une nouvelle circulaire du Premier ministre proposant un nouveau modèle de CPO.
– Elaboration d’un guide méthodologique de procédures à destination des collectivités territoriales qui définirait l’encadrement juridique de la commande publique, de la subvention et de l’appel à projets et en préciserait les modalités de mise en œuvre.
Le débat s’engage autour de ces points :
Concernant la révision de la circulaire Fillon du 18 janvier 2010
Le groupe se félicite de l’annonce de la remise en cause de la circulaire Fillon. C’était le but initial du collectif. Il est également essentiel que le gouvernement réfléchisse près par un ensemble de textes réglementaires opposables aux tiers, et pas seulement à une circulaire qui n’a jamais rassuré les services techniques des collectivités. Cependant, la feuille de route n’évoque pas la nécessité de prendre en en compte la diversité associative.
Cependant, la nouvelle circulaire comme la loi ESS sont toujours pensées dans le cadre des SIEG et du mandatement, sans sortir de la logique européenne de concurrence. Il serait nécessaire de s’appuyer sur une définition des services d’intérêts généraux, en référence aux droits fondamentaux. Comme le montre une importante étude publiée en 2001 par Antoine Lyon Caen,[1] c’est la référence aux droits fondamentaux qui permet de justifier en droit européen la notion de service d’intérêt général. C’est ce qu’abordera également le colloque pour une nouvelle donne des services publics le 3 décembre (voir plus bas).
Définir plus précisément à quoi correspond la subvention
Certains estiment que ce décret devrait également préciser une définition de la subvention. En effet, si dans la loi ESS on prononce le mot de façon générique, en laissant un décret apporter les précisions nécessaires, le risque est grand de voir ces textes réglementaires relever ensuite de Benoît Hamon, qui assurerait de fait la tutelle des associations en se limitant à la dimension économique de leur action. La sécurisation des subventions est également un besoin essentiel pour les associations dont l’activité n’est pas économique.
La réglementation communautaire n’interdit pas la subvention. Il est nécessaire de préciser ce qu’est une subvention, car ce n’est pas nécessairement clair pour des entreprises qui veulent intervenir sur le même créneau que des associations. Il faut en particulier préciser en quoi la nature de l’action n’est pas la même dès lors que l’association apporte un service d’intérêt général avec des caractéristiques différentes. Pour reprendre le langage de la Commission, on n’est pas le même marché.
Débat sur la mise en avant d’appels à initiatives
La feuille de route propose de mettre en avant les appels à initiatives comme susceptible de répondre aux besoins de sécurité juridique des collectivités tout en laissant l’initiative des projets aux acteurs et en restant dans le cadre de la subvention.
Une partie des participants estime qu’il est dangereux de s’engager dans cette démarche qui renforce la concurrence entre associations. L’exemple des pôles d’excellence rurale est à cet égard significative. En effet, ce dispositif a organisé la mise en concurrence dans le cadre d’une enveloppe prédéterminée. Une commission d’experts a jugé la qualité des projets. Les territoires qui ont été choisis étaient en général ceux « qui parlaient le langage de Paris », ou qui disposaient de relations leur ouvrant les portes.
Pour d’autres, si on défend la diversité associative, il faut accepter la diversité des outils financiers, avec une part de financement du projet associatif et une part de financement d’actions spécifiques. Par exemple, dans le domaine de la recherche un laboratoire dispose de « crédits récurrents », représentant 10 à 15 % du total, avec lequel il fait ce qu’il veut. Au-delà il répond à des appels à projets.
Il y a appels à projets et appels à projets. Certains se rapprochent des appels d’offres et sont inacceptables. Mais une logique différente peut être développée par la collectivité. Elle peut co construire l’appel à projets, l’évaluation peut-être concertée, les critères peuvent être largement tournés vers l’autonomie associative.
Sur tous ces points, il est proposé d’écrire très rapidement au ministre, avant le démarrage des réunions interministérielles, pour insister sur la diversité associative et la place que doivent avoir dans ce texte les petites associations, et de prendre rapidement rendez-vous avec la DJEPVA.
Projet de Loi ESS
Une première trame de projet de loi a commencé à circuler au sein du Conseil supérieur de l’économie sociale et solidaire. Il s’agit d’un document de travail, qui évolue sans cesse mais qui donne une idée. Le collectif n’est pas directement associé à ces travaux, mais peut faire valoir son point de vue par différents canaux, dès lors que celui-ci sera clarifié. Le ministère chargé de la vie associative s’est prononcé pour un mandatement collectif dans le cadre de cette loi ESS. L’UFISC propose de travailler ensemble au sein de ce groupe plutôt que de monter un groupe spécifique CAC. L’ouverture de ce chantier suscite un débat.
Certains estiment qu’il est préférable de ne pas s’occuper de cette loi, qu’il n’est pas nécessaire pour les associations, car c’est très dangereux de mettre les associations sous la domination de l’ESS.
Cependant, même si le CAC ne s’occupe pas de la loi, la loi risque de s’occuper des associations en les considérant comme des sujets et en le réduisant leur dimension économique. Il faut donc regarder de près. Par ailleurs, dans la mesure où le réseau revendique la diversité, il doit constater qu’il existe en son sein des associations concernées par l’ESS, même si ce n’est pas le cas de toutes les associations.
Dans le champ culturel il y a des activités économiques au sens de la production, de la diffusion, et ces activités se réclament de l’économie solidaire. L’Ufisc s’intéresse de ce fait au champ de l’ESS depuis plusieurs années et à l’évolution du projet de loi. Ce qui est intéressant dans les principes énoncés, c’est la reconnaissance d’actions spécifiques sur la base de critères, en posant des principes différents de manière positive. La question posée est de savoir comment l’économie est au service du projet et comment se ré emparer du sens positif que peut avoir l’économie. Le 1er projet de loi qui a circulé, issu des services, a essuyé beaucoup de critiques car trop économiciste, et une nouvelle version est en cours d’élaboration pour replacer l’humain au coeur du projet.
Un groupe travaille depuis déjà plusieurs mois sur les principes fondamentaux qu’on envie de porter dans cette loi. Il a fait un comparatif avec la situation d’autres pays européens (Belgique, Espagne) et souhaite élargir la réflexion, notamment avec le collectif et avec le MES.
Il est convenu d’envoyer le projet de loi à tous les membres du groupe et de solliciter les volontaires pour participer à ce groupe.
Limitation des appels d’offres
Faute de temps, le groupe « marchés publics » qui avait travaillé et élaboré un rapport n’a pas eu le temps de l’exposer, mais plusieurs points du débat ont rejoint ses propres réflexions.
Quand on est passé en commande publique on ne peut plus revenir à la subvention. Tous les systèmes juridiques mis en place auparavant disparaissent et l’action devient de nature commerciale.
Certains estiment nécessaire de travailler sur le contenu des appels d’offres, les clauses qu’il serait nécessaire d’y introduire. Pour d’autres, il ne faut pas s’engager dans cette voie, mais d’abord réaffirmer la nécessité de la subvention et de relations contractuelles et partenariales.
Relations entre associations et collectivités
Repérage d’exemples de situations partenariales
Quand nous avons rencontré le cabinet, il nous a été demandé si nous le pouvons de faire remonter un certain nombre d’exemples de situations partenariales entre associations et collectivités. Un petit groupe s’est constitué pour faire un premier repérage, qui à ce stade est une ébauche très imparfaite, réalisée en quelques jours. Cependant, d’ores et déjà, ce travail montre que loin d’être marginales les relations partenariales entre associations et collectivités constituent la base des relations dans de nombreux secteurs (développement local, culture, développement durable, sports, etc…) Il y a extension des appels mais pas généralisation à ce stade. Cela veut dire que la réglementation doit se préoccuper des relations partenariales tout autant que des prestations.
Ce premier travail va être rapidement complété en veillant à couvrir les principaux champs et les principaux types de territoires, en particulier avec des exemples culturels, des exemples du champ social et des exemples de démocratie participative.
Le texte est envoyé à tous les participants, en leur demandant s’ils peuvent dans les prochains jours nous renvoyer des compléments afin que nous puissions pour la semaine prochaine disposer d’un document plus complet, encore provisoire, pouvant être transmis au cabinet de Mme Fourneyron.
Analyse des différents types de subventions des collectivités
Par ailleurs, il serait nécessaire d’y voir plus clair sur l’importance relative des différents champs de financement. Aujourd’hui l’État n’a plus les moyens d’assurer comme par le passé des subventions de fonctionnement pour le projet associatif. Ce sont les collectivités qui assurent l’essentiel. Mais l’attitude des collectivités en matière de subventions est très variable. D’où un débat sur le sens du terme subventions :
– pour certains élus, elle reste parfois le fait du prince, sans aucun justificatif
– certaines associations bien en place, qui ne renouvellent pas leurs actions ni leur projet associatif, peuvent bénéficier de subventions répétitives du fait de leur influence, alors que de nouvelles actions se développent sur le territoire qu’elle aurait besoin de financement. Les collectivités ont parfois du mal à renouveler l’action associative.
– En revanche, des conventions, souvent pluriannuelles, peuvent reposer sur un dialogue fécond entre l’association et les services de la collectivité et permettre à l’association de réaliser dans la durée un projet de long terme. À condition toutefois que les services disposent encore de la capacité de dialogue (compétence et disponibilité) malgré la RGPP.
– Certaines collectivités ont établi au sein d’une commission mixte une clé de répartition de certaines de subventions, avec des critères automatiques ou avec un droit de tirage utilisable au vu d’un projet.
– Certaines confient à un organisme la totalité de la subvention à charge pour celui-ci de la répartir. Par exemple la ville de Rennes a suscité la création de l’Office social et culturel, auquel adhèrent les associations. La ville lui verse une subvention globale, où sont représentées les associations qui se répartissent l’enveloppe.
– Certaines collectivités préfèrent glisser vers l’appel à projets, qui peut se rapprocher soit d’une subvention au projet associatif, soit d’un appel d’offres.
– Une autre solution a été pratiquée par les CAF avec les centres sociaux : une prestation d’animation sociale globale, (15 % du budget d’un centre social), est versée au centre social pour animer le quartier. Ces prestations sont pluriannuelles. Une récente circulaire vient de compléter ce dispositif en l’actualisant.
La nouvelle étape de la décentralisation : danger pour la liberté associative
Lors de sa déclaration aux états généraux de la démocratie territoriale, François Hollande a repris le rêve des blocs de compétences, avec un discours PGA à péjoratif par rapport aux financements croisés. Il est très dangereux de voir les associations réduites à un seul financeur publics. C’est un danger majeur pour la liberté associative. On avait auparavant des conventions de délégation de service public. Il faut peut-être y revenir.
Lors d’un récent colloque de la CPCA crotale à Rennes, Marie-Lise Lebranchu a dit que les différentes lois seront des lois cadres, laissant le maximum de liberté aux collectivités locales, y compris avec un pouvoir de réglementation locale. Mais que feront les collectivités dans ce contexte ?
La question sera posée à la plate-forme « décentralisons autrement » le 5 décembre.
Une nouvelle réunion du groupe réglementation aura lieu au cours du premier trimestre 2013 pour faire le point sur ces différents dossiers lorsque ceux-ci auront suffisamment avancé. Le choix de la date fera l’objet d’un doodle.
Si d’ici là des questions urgentes surviennent, mais feront l’objet d’une consultation à distance.
[1] Services publics et droits fondamentaux dans la construction européenne Antoine Lyon-Caen et Véronique Champeil-Desplats 600p, 52,25 € Dalloz 2001