Charte de la laïcité pour les assos : nouvelle limite aux libertés associatives
Le 4 mars 2020
COMMUNIQUE
Charte de la laïcité pour les associations : une nouvelle limite aux libertés associatives
M. Macron a reçu « plusieurs » associations d’éducation populaire pour leur rappeler leurs devoirs en matière de laïcité. Le CNAJEP qui représente pourtant les Fédérations de ce secteur et le Collectif des Associations Citoyennes n’y étaient pas invités. Il a annoncé à cette occasion la prochaine rédaction d’une charte pour le respect des principes républicains, et principalement la laïcité. Un des objectifs affiché est un plus grand « contrôle » des associations. Les subventions accordées seraient soumises à la signature de cette charte.
Le Collectif des Associations Citoyennes met en garde. Par nature, les associations sont libres et indépendantes. Elles définissent leurs actions dans un « projet associatif » et sont régies par des « statuts », documents remis aux autorités lors de toute demande de subvention. Ces documents sont légaux, et sont de la responsabilité des associations. La signature d’une charte, comme condition des relations entre Etat, collectivités et associations relève d’un autre principe. Sous prétexte de « valeurs » c’est insidieusement une restriction des libertés associatives qui s’opère, au détriment de la promotion de leurs engagements. On peut douter de l’utilité de cette charte pour lutter contre le communautarisme dont le financement relève essentiellement d’autres sources. Les préfectures, comme les collectivités, disposent de tout un ensemble de dispositifs pouvant s’appliquer au secteur associatif : la charte de principe « laïcité et collectivités locales » ; la charte de la laïcité dans les services publiques ; les guides laïcité à l’école ou dans le sport… Imposer une charte au secteur associatif, c’est d’abord un acte de défiance à l’encontre de l’ensemble des associations, notamment celles d’Éducation Populaire, qui mènent sans relâche un travail éducatif en milieu urbain comme en secteur rural.
Les exemples récents de Chartes locales de la Laïcité, comme celle d’Île-de-France, en montrent les limites. D’une part, elles dénotent d’un changement profond dans les relations entre la Collectivité et les associations, assujettissant celles-ci à un contrôle « à priori ». D’autre part, le pas est étroit entre le devoir de respect d’une charte, et l’obligation de la faire respecter à ses adhérents et utilisateurs. Les associations ne disposent pas de « pouvoir de police ». Leur travail éducatif est parfois complexe, et le risque de se trouver en difficulté face à une collectivité à qui une charte donnerait tout pouvoir est grand. Chaque action éducative pourra être retenue à postériori contre les associations. Ce sera notamment le cas pour celles agissant dans les quartiers populaires, clairement visées par le gouvernement. Cela les place dans une situation intenable alors que, par leurs pratiques, elles transmettent une éthique et des valeurs qui fondent leur action éducative.
Enfin, les interprétations se feront toujours au détriment du secteur associatif. La loi n’interdit pas l’expression de croyances religieuses, les élus eux-mêmes disposent de cette liberté, pouvant faire état de leurs convictions sans qu’un principe de laïcité ou de neutralité ne puisse leur être imposé. La seule limite reconnue, celle du trouble à l’ordre public, s’applique aux associations et permet aux collectivités d’intervenir.
L’idée même de contraindre les associations à la signature d’une charte pose problème. Les associations ne sont pas des corps intermédiaires ayant pour objet de relayer les politiques d’État ou les politiques locales. Elles disposent de leur liberté de projet et d’action. Conditionner toute subvention à la signature d’une charte spécifique est une entrave au principe de liberté associative.
La « charte d’engagements réciproques », qui engage l’ensemble des signataires (Etat, Collectivités et Associations), reste l’espace reconnu pour toute discussion. En dehors de ce cadre qui peut prévoir les modalités et les recours à toute procédure abusive, et garantir l’indépendance associative, tout est à craindre.
Le secteur associatif, les associations citoyennes, ne confondent pas communication et action éducative. Quotidiennement elles agissent pour retisser les liens brisés par les politiques actuelles, éducatives, sociales, culturelles. Ce n’est pas d’une charte contraignante dont elles ont besoin, c’est de moyens financiers et humains : la garantie de subventions pérennes dans leur modèle économique, le recours à des aides à l’emploi, et un climat de confiance.
Gilles Rouby
Président du Collectif des Associations Citoyennes