Conclusions « Grand débat » : Beaucoup de paroles pour ne rien changer !
Voici la réaction de Jean-Claude BOUAL, Président du CAC, en réponse aux annonces de M. Macron faites hier, jeudi 25 avril 2019 :
Conclusions « Grand débat » E. Macron : Beaucoup de paroles pour ne rien changer aux politiques régressives !
En annonçant, un « grand débat national », E. Macron poursuivait plusieurs objectifs : gagner du temps pour éteindre la contestation des « gilets jaunes » par épuisement et déclin du soutien populaire ; dégager quelques dispositions « spectaculaires » pour répondre aux revendications des « gilets jaunes » sans lâcher sur l’essentiel ; conforter sa politique de classe au service de l’oligarchie financière et trouver un second souffle pour sa propagande.
Les principales mesures annoncées ce jeudi 25 avril, lors de sa conférence de presse de « conclusion du Grand débat national » illustrent parfaitement cette stratégie, qui accentue les divisions, va augmenter les inégalités et segmenter encore plus la société sans répondre aux demandes des mouvements sociaux.
Pour beaucoup, E. Macron renvoie à des décisions du gouvernement, à des commissions, à la Cour des comptes pour des propositions ou à des dates ultérieures pour l’entrée en vigueur de certaines annonces. Mais chacun sait aujourd’hui « que les promesses n’engagent que ceux qui y croient ».
Quelques exemples de cette longue conférence de presse pour illustrer :
- La ré-indexation des « petites retraites », jusqu’à 2000 euros mensuels, sur l’inflation, va encore diviser les retraités, et n’arrêtera pas la diminution de leur pouvoir d’achat car l’inflation officielle est minimisée par rapport à l’augmentation réelle du coût de la vie compte tenu de son mode de calcul. Elle ne change rien à la situation actuelle des retraités puisque l’indexation de seulement 0,3% était prévue pour deux ans (2019 et 2020). De plus peut-on considérer que les retraités avec une pension de 2010 euros sont des riches alors qu’ils ont subi une ponction de leur revenu de 1,7% avec la hausse de la CSG, perdent encore autour de 1,5% de leur pouvoir d’achat avec la désindexation des pensions et payent toujours la taxe d’habitation ? Cette mesure tend à ancrer dans les esprits qu’au-delà de 2000 euros de revenu par mois, on est riche, ce qui permet d’évacuer le débat sur les vrais riches ou ultra-riches.
- La baisse des impôts sur le revenu est aussi une mesure pleine d’incertitudes et de tromperies possibles. Elle n’intéresse que 43,6% des ménages qui les paient. Mais surtout ce n’est pas ce que demandent les français et les « gilets jaunes », ils demandent que les riches paient en fonction de leurs revenus, et que les entreprises (GAFAM, banques, multinationales…) paient aussi leurs impôts et ne soient plus subventionnées par les impôts des citoyens (M. Darmanin, ministre des Comptes publics, lui-même a reconnu récemment que les entreprises recevaient de l’État 140 milliards d’aides diverses, record européen absolu), que l’évasion fiscale soit sanctionnée, et que les lois permettant l’optimisation fiscale soient abrogées.
- La suppression de l’ENA est à la fois une manœuvre démagogique de diversion et parfaitement conforme avec le projet de loi sur la fonction publique et les objectifs du CAP 2022 (Comité Action Publique 2022), de privatisation de la norme, et de faire en sorte que ce soit directement les multinationales, l’industrie financière qui administrent le pays. Dans ces conditions, la nomination de contractuels venant du privé pour les emplois de directions dans la fonction publique, comme le prévoit le projet de loi est cohérent avec la suppression des écoles de formation des fonctionnaires devenues inutiles. La suppression des grand corps de l’État relève de la même politique, même si leurs privilèges et le principe même de « haute fonction publique » sont aujourd’hui indéfendables.
- L’engagement de ne plus fermer d’écoles et d’hôpitaux, sans l’accord des maires (ce qui laisse entendre qu’avec l’accord des maires il y aura des fermetures de services publics) d’ici la fin du quinquennat, ne peut pas être pris au sérieux si l’objectif de supprimer 120 000 fonctionnaires dans le même temps est maintenu, si le projet de loi de réforme de la fonction publique est voté, et si les objectifs de CAP 2022 subsistent. Par ailleurs ce sont tous les services publics qui disparaissent peu à peu sur l’ensemble du territoire : bureaux de poste, perceptions, gares, guichets et boutiques SNCF et fermetures de lignes de chemin de fer, boutiques EDF, maternités et services d’urgence, commissariats, services de l’État. Peut-on croire sérieusement qu’une maison « France services » par canton va remplacer tous ces services ?
- Les mesures dites institutionnelles sont du même tonneau, la diminution du nombre de parlementaires, ou la dose de proportionnelle dans le parlement, déjà prévues dans le projet de réforme constitutionnelle proposé par E. Macron, non seulement n’apportent rien de nouveau suite au « grand débat » mais relèvent aussi de mesures dérisoires et démagogiques, au regard de la crise démocratique que traverse notre pays. De même la simplification du référendum d’initiative populaire (RIP), consistant à diminuer à 1 million de signatures des citoyens son déclenchement (ce qui demande une révision de la Constitution qui n’est pas acquise, tout comme pour le RIC local), tout en maintenant le passage par l’Assemblée nationale avant un éventuel référendum ne répond pas à l’exigence de démocratie.
- Encore mieux, dans le mépris jupitérien des couches salariées. Alors que les français travaillent plus longtemps que la plupart des européens et sont plus productifs (pour ceux qui ont un emploi), E. Macron veut encore augmenter le temps de travail, sans contrepartie : « travailler plus pour gagner moins » ; mais il est vrai que pour le Président de la République, « le problème du pouvoir d’achat n’est pas un problème de salaire », ce qui dédouane le patronat de toute responsabilité dans la crise sociale et évacue la question de la création de la richesse et de sa répartition. Bien entendu, aucun « gilet jaune », aucun cahier de doléance, aucun débat sauf ceux avec le MEDEF, n’ont demandé de travailler plus et de ne pas être payé plus, mais le Président, sous prétexte de financer la dépendance et la baisse des impôts, et de favoriser la compétitivité de « nos entreprises », la propose comme réponse à la crise sociale.
Emmanuel Macron, dans son propos préliminaire, a fait une brève allusion à « l’engagement » et au « tissu associatif qui joue un rôle formidable » dans la société, et a souligné l’importance du bénévolat, sans plus de précision. Rien donc de concret pour le 1,3 million d’associations, les 23 millions de bénévoles et 2 millions de salariés, alors que la crise du monde associatif provoquée par la suppression des emplois aidés et la diminution constante des subventions perdure. Le CAC réaffirme son exigence de création d’un fonds associatif doté d’un milliard d’euros, géré avec les associations, pour compenser ces pertes de financement. La poursuite de la politique de marchandisation du monde associatif (contrats à impact social, « French impact »…) va donc continuer. Les associations subissent dans leurs activités les conséquences de la politique régressive du gouvernement. Dans tous leurs secteurs d’activité, elles auront de plus en plus de difficultés pour répondre aux besoins toujours en augmentation de la population, car elles sont le dernier rempart à l’éclatement de notre société.
Jean Claude Boual,
Président du Collectif des Associations Citoyennes.
Articles de presse et communiqués pour compléter :
- Les désarrois de l’élève Macron – Politis le 24/04/2019
Les élites face aux « gilets jaunes », Une philosophie du mépris – Le Monde diplomatique de mars 2019