3×10 thèses à propos : des Gilets jaunes, des associations et du macronisme
Lundi 7 janvier 2019
Dix thèses à propos des « Gilets jaunes », dix thèses pour les associations, dix contre-thèses à propos du macronisme
Jean Claude Boual
Le 17 novembre 2018 des citoyens vêtus de « gilets jaunes » manifestaient dans toute la France pour la première fois. Pendant plusieurs semaines un fort mouvement contre la politique globale d’Emmanuel Macron secoue la France. Ce mouvement est original par ses formes, les manifestants vêtus de « gilets jaunes » bloquent les routes, des points de circulation stratégiques et refusent tout encadrement et porte-parole. Ce mouvement « horizontal» dans lequel les réseaux sociaux jouent un rôle important pour la mobilisation désoriente la classe politique, les syndicats comme les commentateurs politologues, journalistes, sociologues… Le gouvernement, tout en déclarant comprendre les « gilets jaunes », les écouter, répète aussi ne pas changer le cap des politiques contestées, donc ne rien modifier des injustices sociales, environnementales, culturelles, territoriales qu’elles induisent, renforçant le sentiment de mépris des manifestants, leur colère et leurs légitimes revendications. La légitimité gouvernementale s’en trouve fortement contestée. Mais le mouvement des « gilets jaunes » pose bien plus de questions encore pour la démocratie, la société civile, les institutions. Nous allons essayer d’en cerner quelques-unes à travers dix thèses à propos des « gilets jaunes », dix thèses pour les associations et dix contre-thèses à propos du macronisme.
I- Dix thèses à propos des « gilets jaunes »
Thèse I : Des formes d’organisations inhabituelles, une grande diversité parmi les « gilets jaunes » et dans leurs revendications. Les « gilets jaunes » se sont mobilisés en dehors de toutes les formes d’organisation constituées, partis politiques, syndicats, associations. Les « réseaux sociaux » y ont joué un rôle déterminant et forme l’ossature de leur organisation et de leur méthode de communication aussi bien entre eux que vis-à-vis des médias. Chaque lieu occupé a ses propres modes de fonctionnement. La défiance envers toutes les organisations constituées est telle qu’ils refusent toute forme d’organisation hiérarchique et toute forme de représentation. Il s’agit d’une forme d’auto-organisation permanente et mouvante qui désoriente tous les pouvoirs. La mobilisation permanente avec occupation de « ronds-points », de barrières de péage sur les autoroutes, devant de grandes surfaces ou de points de circulation stratégiques, avec des moments forts de manifestations les samedis, dure depuis plus de six semaines malgré un fléchissement durant les fêtes de fin d’année.
Chaque mouvement social a ses propres formes d’intervention et d’organisation, auto-organisation déjà pour la Révolution de février 1848, organisation libertaire pour la Commune de Paris en 1971, occupation des usines en juin 1936, barricades et occupation des usines et bureaux en 1968, manifestations monstres et blocage des transports en 1995. Chaque mouvement a son originalité et ses spécificités, les « gilets jaunes » aussi.
Le mouvement a pu se diffuser, quasi instantanément dans tout le pays, y compris les départements d’outre-mer qui sont pourtant à des milliers de km, en partie grâce aux réseaux sociaux, mais aussi parce que les chaînes de télévision en continu, ont diffusé en direct les manifestations des 17, 24 novembre, des 1er, 8, 15 et 22 décembre, ce dont n’ont pas bénéficié les manifestants et grévistes contre les ordonnances sur le code du travail, ou les cheminots luttant contre la réforme de la SNCF. Au contraire les salariés ont fait l’objet d’un dénigrement permanent de ces médias. Pour faire de l’audience, ces médias se focalisant sur les « violences » plutôt que sur les revendications ont aussi (contre leur gré souvent) participé à faire connaître la mobilisation. Mais ceci n’explique pas le soutien massif de la population au mouvement (80% après le 17 novembre, encore 72% après le 24 malgré les violences montrées en boucle par ces chaînes). Il fallait que la situation sociale, que les citoyens français aient assimilé toute l’hypocrisie du gouvernement, du président de la République et de sa majorité godillot à l’Assemblée nationale, que leur situation se soit considérablement dégradée et qu’ils en aient compris les causes et les responsables, bref que « la situation sociale soit mure ».
Thèse II : Cependant si les « réseaux sociaux » favorisent des mobilisations rapidement, permettent une visibilité immédiate, parfois massive, ils ne permettent pas de créer de l’analyse et des réponses politiques aux questions que pose la mobilisation. La logistique de mobilisation immédiate s’en trouve énormément favorisée, mais la pensée reste dispersée, sans rassemblement possible. Les mouvements « des indignés », de « nuits debout », de « Occupy » ont largement été médiatisés, parfois dans le monde entier, mais n’ont pas débouché jusqu’à présent sur des réponses politiques à la hauteur de l’énergie et de l’inventivité déployées. En minimisant les réunions physiques, ils ne permettent pas de forger une pensée commune, innovante, pour surmonter les obstacles et gérer les différences ou divergences d’opinion.
Thèse III : Cette diversité est une chance et une épreuve. Une chance parce que c’est le peuple qui est dans les « ronds-points » et une épreuve pour les organisations classiques, partis politiques, syndicats et associations.
Ce sont bien les couches populaires, le monde du travail dans sa diversité, salariés les plus mal payés, ouvriers, employés, auto-entrepreneurs, retraités, artisans, commerçants, chefs d’entreprises (PME) qui manifestent : « La révolte des revenus modestes » comme le titre le Monde du mercredi 12 décembre en présentant une enquête sociologique des « gilets jaunes », la France qui ne peut pas terminer « les fins de mois ». Cette diversité se retrouve forcément au niveau idéologique et politique, surtout dans une société qui est travaillée depuis des décennies par une extrême droite raciste, xénophobe et démagogique. Certaines attitudes ou positions sont inadmissibles et doivent être combattues, comme la remise de réfugiés à la police ou les thèses complotistes à propos de l’accord de Marrakech sur l’immigration. Mais les débats sur les « ronds-points », les difficultés des fins de mois, le constat que depuis 18 mois c’est la même politique d’austérité aggravée qui est cause de ces difficultés, que l’on n’est pas seul dans cette situation et surtout que ce n’est pas parce qu’on l’a mérité, que l’on n’a pas fait ce qu’il fallait pour être riche, que l’on est dans la dèche, ont permis une prise de conscience qui s’est élargie au fur et à mesure de la mobilisation . C’est cette prise de conscience qui a fait surgir avec force les revendications sur le pouvoir d’achat, l’indexation des retraites, l’augmentation du SMIC donc des salaires, le rétablissement de l’ISF, que les riches payent leurs impôts. Une étude de décryptage par le site Web Arrêt sur images des posts et commentaires des « gilets jaunes » montre « une très faible occurrence du vocabulaire raciste » et « une quasi absence de terminologie d’extrême droite ».
Dans beaucoup de cas les « gilets jaunes » s’en sont pris à des symboles du capitalisme prédateur et exploiteur, banques, péages des autoroutes, magasins Vuitton ou LVMH, etc. Les revendications sociales ont pris le pas sur les revendications identitaires qui trop souvent et trop longtemps, y compris à gauche et dans « la gauche radicale » avaient estompé l’exploitation, la critique sociale et l’émancipation. En cela le rappel est plutôt rude, salutaire et une épreuve pour toutes les formes d’organisations.
Cependant, il convient de nuancer, l’émergence du RIC : le « référendum d’initiative populaire comme la revendication mère », « qui permettra de gagner toutes les autres », revendication traditionnelle de l’extrême droite et outil historique de la prise de pouvoir de type autoritaire (Bonaparte en 1804, son neveu Napoléon III en 1852, ou De Gaule en 1962 pour l’élection du président de la République au suffrage universel) n’apporte pas automatiquement la démocratie. Le référendum d’initiative populaire peut aussi bien aboutir à la non-privatisation de l’eau comme en Italie qu’à l’interdiction des minarets comme en Suisse. Le fait que sous la pression de blogueurs d’extrême droite, d’une presse fainéante et d’un gouvernement prêt à se raccrocher à la première branche pour sortir de la crise qu’il a largement provoquée, le RIC apparaît comme la revendication unifiante des « gilets jaunes », au point de faire oublier les autres dans les médias dominants, démontre la profondeur de la crise de représentation et les possibilités de manipulation dans nos sociétés. Le thème « la démocratie et la citoyenneté » du Grand débat national lancé par E. Macron pour sortir de la crise apportera-t-il des clarifications ? Ce n’est pas sûr.
Thèse IV : Le tout numérique, l’intelligence artificielle, les réseaux sociaux et la contestation sociale et politique. Une autre question se pose. Combien de temps encore les algorithmes permettront-ils ces mobilisations, ou plus exactement Google, Facebook, Twitter, YouTube qui, sous prétexte d’exclure les « fausses nouvelles », les propos racistes ou pernicieux, contrôlent et filtrent de plus en plus le contenu diffusé, permettront-ils demain la contestation sociale ou politique ? Facebook reconnaît supprimer deux millions par jour de publications considérées comme trompeuses, violentes ou contenant de la nudité. C’est lui qui détermine les critères de cette censure qui se fait de plus en plus automatiquement par des algorithmes préprogrammés apprenants. Il suffit de programmer un algorithme pour que la censure soit politique, détecte toute « déviance » politique et tout appel à mobilisation, tout mot d’ordre contestataire pour que la mobilisation soit étouffée dans l’œuf. Cela peut se faire à la demande d’un gouvernement (cf La Chine ou la Turquie), ou du diffuseur lui-même.
La tentation du contrôle social total est forte, y compris dans notre pays « démocratique ». Des villes, comme Nice, Marseille, Valenciennes, Nîmes, La Défense (quartier des affaires à Paris) mettent en place un système de vidéosurveillance total, avec recueil de données (bic data, intelligence artificielle) sur leur territoire sous prétexte de sécurité ou de gestion de la ville. Chaque habitant est espionné en permanence dans tout l’espace public. Nice c’est 2 200 caméras, Marseille 1 200 et bientôt 1 500, dans Le Gard la préfecture a déployé 600 caméras dans 15 communes de l’agglomération de Nîmes. Ces caméras sont souvent à reconnaissance faciale, couplées avec les données des services de la Mairie, les informations fournies par les hôpitaux, les services des jardins et voirie, des opérateurs téléphoniques, des réseaux sociaux, analysées avec les « techniques de l’intelligence artificielle » (les algorithmes). Il sera possible dans la rue ou les transports publics (tram ou bus) de repérer tout individu au comportement suspect, de prévoir les embouteillages, les rassemblements, etc., sans se soucier des libertés ou de la vie privée de chacun. Christian Estrosi, maire de Nice résume bien la philosophie de ces « big-brothers » : « Je dispose du logiciel qui permettrait dès demain d’appliquer la reconnaissance faciale et d’identifier des individus fichés où ils se trouvent dans la ville. Pourquoi se l’interdire ? Veut-on prendre le risque de voir des gens mourir au nom des libertés individuelles, alors qu’on dispose des technologies qui permettraient de l’éviter ?» et de se plaindre que la loi le lui interdit aujourd’hui. Municipalités et opérateurs privés (Engie Inéo, Thales ou Oracle notamment) jurent qu’ils ne font rien d’illégal « l’objectif n’est pas de mettre un œil derrière chaque individu, on veut simplement prendre le pouls de notre ville pour avoir plus d’agilité »[1]. Jusqu’où les gouvernements (locaux ou nationaux), sont-ils prêt à aller dans la restriction des droits fondamentaux des personnes et des droits collectifs pour contrôler la société sous prétexte de sécurité ? Jusqu’où les grandes entreprises, les forces du capitalisme, sont-elles prêtent à contrôler la société dans toutes ses dimensions pour conserver leur position dominante, faire toujours plus de profits, tout marchandiser ?
Début de réponse ? Mark Zuckerberg, fondateur de Facebook, a annoncé avoir mis en place une équipe de 30 000 modérateurs pour écarter du « réseau social » les contenus les plus polémiques, avec une « cour d’appel » devant laquelle les utilisateurs censurés pourront exercer un recours. Mais c’est également lui qui forme cette « cour d’appel », juridiction privée à sa discrétion, dans l’opacité. Toutefois Mark Zuckerberg affirme que ce « tribunal arbitral » privé sera « un organe indépendant dont les décisions seront à la fois transparentes et contraignantes », sans préciser cependant ses liens avec Facebook ou les annonceurs, son mode de financement, ni fournir l’algorithme qui fera le tri.
Il est donc aléatoire et dangereux pour les mouvements sociaux, les organisations syndicales ou associatives, la société civile, de mettre tous ses œufs dans le panier des « réseaux sociaux » et du « tout numérique ».
Thèse V : Des revendications multiples et parfois contradictoires, la remise en cause globale des politiques ultralibérales. Les principales revendications (doléances), celles que l’on retrouve pratiquement partout et qui sont massivement approuvées par la population, portent sur les conditions de vie (pouvoir d’achat, services publics, démocratie, dignité), rien d’étonnant face à une politique de classe d’un rare cynisme. Selon une enquête d’opinion réalisée par Harris Interactive au lendemain des manifestations du 1er décembre, 72% des français soutiennent le mouvement des « Gilets jaunes » ; les revendications les plus populaires sont : la réindexation des retraites à 93%, la hausse du SMIC à 87%, la réintroduction de l’impôt sur la fortune (l’ISF) à 86%, la hausse des minima sociaux à 70%. De très classiques revendications des classes populaires en somme.
Il reste que si certaines revendications font un large consensus, l’ensemble demeure très hétéroclite.
Voici une liste des demandes (Source: France Info) :
- Zéro SDF : URGENT.
- Davantage de progressivité dans l’impôt sur le revenu, c’est-à-dire davantage de tranches.
- Smic à 1 300 euros net.
- Favoriser les petits commerces des villages et centres villes. Cesser la construction des grosses zones commerciales autour des grandes villes qui tuent le petit commerce et davantage de parkings gratuits dans les centres villes.
- Grand plan d’isolation des logements pour faire de l’écologie en faisant faire des économies aux ménages.
- Impôts : que les GROS (MacDo, Google, Amazon, Carrefour…) payent GROS et que les petits (artisans, TPE, PME) payent petit.
- Même système de Sécurité sociale pour tous (y compris artisans et auto-entrepreneurs). Fin du RSI.
- Le système de retraite doit demeurer solidaire et donc socialisé. Pas de retraite à points.
- Fin de la hausse des taxes sur le carburant.
- Pas de retraite en dessous de 1 200 euros.
- Tout représentant élu aura le droit au salaire médian. Ses frais de transports seront surveillés et remboursés s’ils sont justifiés. Droit aux tickets-restaurant et aux chèques-vacances.
- Les salaires de tous les Français ainsi que les retraites et les allocations doivent être indexés à l’inflation.
- Protéger l’industrie française : interdire les délocalisations. Protéger notre industrie, c’est protéger notre savoir-faire et nos emplois.
- Fin du travail détaché. Il est anormal qu’une personne qui travaille sur le territoire français ne bénéficie pas du même salaire et des mêmes droits. Toute personne étant autorisée à travailler sur le territoire français doit être à égalité avec un citoyen français et son employeur doit cotiser à la même hauteur qu’un employeur français.
- Pour la sécurité de l’emploi : limiter davantage le nombre de CDD pour les grosses entreprises. Nous voulons plus de CDI.
- Fin du CICE. Utilisation de cet argent pour le lancement d’une industrie française de la voiture à hydrogène (qui est véritablement écologique, contrairement à la voiture électrique.)
- Fin de la politique d’austérité. On cesse de rembourser les intérêts de la dette qui sont déclarés illégitimes et on commence à rembourser la dette sans prendre l’argent des pauvres et des moins pauvres, mais en allant chercher les 80 milliards de fraude fiscale.
- Que les causes des migrations forcées soient traitées.
- Que les demandeurs d’asile soient bien traités. Nous leur devons le logement, la sécurité, l’alimentation ainsi que l’éducation pour les mineurs. Travaillez avec l’ONU pour que des camps d’accueil soient ouverts dans de nombreux pays du monde, dans l’attente du résultat de la demande d’asile.
- Que les déboutés du droit d’asile soient reconduits dans leur pays d’origine.
- Qu’une réelle politique d’intégration soit mise en œuvre. Vivre en France implique de devenir français (cours de langue française, cours d’histoire de France et cours d’éducation civique avec une certification à la fin du parcours).
- Salaire maximum fixé à 15 000 euros.
- Que des emplois soient créés pour les chômeurs.
- Augmentation des allocations aux adultes handicapés.
- Limitation des loyers. Davantage de logements à loyers modérés (notamment pour les étudiants et les travailleurs précaires).
- Interdiction de vendre les biens appartenant à la France (barrage, aéroport…)
- Moyens conséquents accordés à la justice, à la police, à la gendarmerie et à l’armée. Que les heures supplémentaires des forces de l’ordre soient payées ou récupérées.
- L’intégralité de l’argent gagné par les péages des autoroutes devra servir à l’entretien des autoroutes et routes de France ainsi qu’à la sécurité routière.
- Le prix du gaz et de l’électricité ayant augmenté depuis qu’il y a eu privatisation, nous voulons qu’ils redeviennent publics et que les prix baissent de manière conséquente.
- Fin immédiate de la fermeture des petites lignes, des bureaux de poste, des écoles et des maternités.
- Apportons du bien-être à nos personnes âgées. Interdiction de faire de l’argent sur les personnes âgées. L’or gris, c’est fini. L’ère du bien-être gris commence.
- Maximum 25 élèves par classe de la maternelle à la terminale.
- Des moyens conséquents apportés à la psychiatrie.
- Le référendum populaire doit entrer dans la Constitution. Création d’un site lisible et efficace, encadré par un organisme indépendant de contrôle où les gens pourront faire une proposition de loi. Si cette proposition de loi obtient 700 000 signatures alors cette proposition de loi devra être discutée, complétée, amendée par l’Assemblée nationale qui aura l’obligation, (un an jour pour jour après l’obtention des 700 000 signatures) de la soumettre au vote de l’intégralité des Français.
- Retour à un mandat de 7 ans pour le président de la République. L’élection des députés deux ans après l’élection du président de la République permettait d’envoyer un signal positif ou négatif au président de la République concernant sa politique. Cela participerait donc à faire entendre la voix du peuple.
- Retraite à 60 ans et, pour toutes les personnes ayant travaillé dans un métier usant le corps (maçon ou désosseur par exemple), droit à la retraite à 55 ans.
- Un enfant de 6 ans ne se gardant pas seul, continuation du système des aides Pajemploi jusqu’à ce que l’enfant ait 10 ans.
- Favoriser le transport de marchandises par la voie ferrée.
- Pas de prélèvement à la source.
- Fin des indemnités présidentielles à vie.
- Interdiction de faire payer aux commerçants une taxe lorsque leurs clients utilisent la carte bleue. Taxe sur le fuel maritime et le kérosène. »
Il suffit de lire les pancartes et les tracts pour être informé des revendications. Il est aussi significatif que des revendications « qualitatives » sur l’augmentation des taxes sur l’essence, très rapidement le champ revendicatif ait été élargi aux conditions de vie en général (services publics, fiscalité plus juste…) et à des revendications sur les institutions et la démocratie.
Thèse VI : Refus de toute délégation de représentation. Les « gilets jaunes » dans leur très grande majorité fonctionnent « en assemblées populaires quotidiennes où chaque personne participe à égalité » et refuse que des porte-parole s’auto-désignent pour aller « négocier » avec les autorités, le gouvernement. L’« Appel des gilets jaunes de COMMERCY à des assemblées populaires partout » du 4 décembre exprime bien cette exigence et la conscience que s’ils rentrent dans la délégation et la désignation de représentants, c’est la fin de leur mouvement. En voici un extrait significatif : « Ce n’est pas pour mieux comprendre notre colère et nos revendications que le gouvernement veut des « représentants » : c’est pour nous encadrer et nous enterrer ! Comme avec les directions syndicales, il cherche des intermédiaires, des gens avec qui négocier. Sur qui il pourra mettre la pression pour apaiser l’éruption. Des gens qu’il pourra ensuite récupérer et pousser à diviser le mouvement pour l’enterrer. »
Ce refus, dans la mesure où la mobilisation se poursuit, est une force pour le mouvement, car il ne donne pas prise aux manipulations classiques de division pour affaiblir un mouvement, ou empêcher son développement afin de le phagocyter.
La lettre des « gilets jaunes responsables », dont certains sont des militants politiques de droite, publiée par le Journal du Dimanche le 2 décembre, le lendemain de la manifestation du 1er, leur donne entièrement raison. Dans cette lettre intitulée « Nous voulons être les porte-parole d’une colère constructive », ces « gilets jaunes responsables » affirment :« Nous demandons l’ouverture d’états généraux de la fiscalité ; d’une conférence sociale nationale ; d’assises « territoires et mobilité » qui prendront la forme de débats régionaux ; l’organisation de référendum réguliers sur les grandes orientations sociales et sociétales du pays ; l’adoption du scrutin proportionnel pour les élections législatives, afin que la population soit mieux représentée au Parlement.
En outre, et de manière immédiate et sans condition, nous demandons le gel des hausses des taxes sur les carburants et l’annulation de l’alourdissement du contrôle technique automobile ». Demandes satisfaites le lendemain par le 1er ministre, comme si ces « gilets jaunes libres » avaient eu vent des décisions en cours ; le calme en somme contre des « commissions à la Clémenceau »[2] dont E. Macron est un grand admirateur, et l’abandon d’un contrôle technique trop rude pour les automobiles !
Le « Grand débat » annoncé et organisé par E. Macron, après les manifestations du 8 décembre, avec quatre sujets : 1) la transition écologique ; 2) la fiscalité ; 3) la démocratie et la citoyenneté ; 4) l’organisation de l’État et des services publics, risque fort d’avoir l’effet anesthésiant recherché. La « revendication » soit disant unificatrice du « RIC » (référendum d’initiative citoyenne), mise en avant avec tant d’insistance par la presse et présentée comme pouvant être discutée par le gouvernement, risque de servir aussi de dérivatif (voir la thèse III ci-dessus)
Thèse VII : Le retour de la question sociale. Depuis des années, des politistes et politologues, des sociologues, des journalistes, mais aussi des politiciens du centre ou de droite, nous expliquent doctement que les classes sociales ont disparu, que le clivage gauche/droite n’existe plus. E. Macron pour l’élection présidentielle a même inventé un nouveau concept : « et de droite et de gauche », c’est-à-dire « et de droite et de droite » comme l’expérience nous le démontre, avec le « président des riches ».
La révolte des « gilets jaunes » apportent un démenti sans réplique à cette idéologie. Les classes sociales sont bien toujours là, avec des intérêts divergents, des modes de vie radicalement différents, des aspirations différentes voire contradictoires. Ce sont les couches populaires qui sont sur les ronds-points, pas les cadres et les couches bourgeoises et encore moins les 1% constitués par les plus riches. C’est bien la répartition des richesses créées par leur travail que mettent en cause les gilets jaunes. C’est bien de la répartition de la plus-value accaparée par le capital dont il est question.
La question sociale resurgit avec force. Elle n’avait jamais disparu, sinon le patronat n’aurait pas demandé avec autant de force la diminution des « charges sociales » c’est-à-dire du salaire des travailleurs et E.Macron n’aurait pas fait la réforme du code du travail avec ses ordonnances. Mais la propagande avait réussi à l’occulter, à convaincre que la lutte de classe était dépassée, ringarde, relevait « du vieux monde ». Les vielles idées présentées sous forme soit-disant moderne, avec un vocabulaire dévoyé, sous couvert de progrès et de technologies nouvelles, ne font pas un « nouveau monde ».
Thèse VIII : « Fin du monde et fin de mois », social et écologie, c’est la même chose. C’est ce que dit le mouvement social depuis le début quand il ne conteste pas la nécessité de la transition énergétique et écologique. C’est aussi ce qu’a exprimé la marche pour le climat le samedi 8 décembre. C’est aussi ce que soutient le CAC depuis le début de ses travaux sur la transition.
Les « gilets jaunes » veulent un effort équitable avec une fiscalité équilibrée (cf. ci-dessus : Impôts : que les GROS (MacDo, Google, Amazon, Carrefour…) payent GROS et que les petits (artisans, TPE, PME) payent petit.) et toutes les revendications portant sur les salaires, les pensions et le pouvoir d’achat. Toute mesure dite écologique doit aussi répondre dans le même mouvement à la question sociale. La mesure doit intégrer les deux dimensions car elles sont complètement interdépendantes. Toute mesure qui ne répond pas à cette interdépendance est donc au mieux une faute politique, sinon un délit vis-à-vis de la société. De ce point de vue avoir camouflé le paiement de la diminution de l’impôt sur la fortune derrière des taxes présentées comme écologiques est une faute morale et une forfaiture pour la transition. C’est ce que n’admet plus « le peuple » et plus concrètement les « gilets jaunes » dans leur grande majorité. C’est ce qui explique aussi la hargne dans les revendications et les actions, et la haine que provoquent le président de la République et sa majorité.
La tentative de certains « commentateurs » d’opposer la pétition « L’affaire du siècle » pour attaquer l’État pour qu’ « il respecte ses engagements climatiques » qui a recueilli deux millions de signatures en quinze jours, aux revendications des « gilets jaunes » relève aussi de cette idéologie de séparer le social de l’écologie et d’opposer les couches sociales entre elles. C’est aussi une tentative de contre feu à la contestation des politiques économiques et sociales ultralibérales et austéritaires.
Thèse IX : La violence. La question de la violence est essentielle dans le débat, ne serait-ce que parce que le gouvernement dans toute sa communication et les médias à chaque interview somment de « condamner la violence (sous-entendu des gilets jaunes uniquement) ». Nous savons tous que la violence et la casse de vitrines de magasins, de matériel urbain, ou d’agression des personnes, dessert a priori la cause que défendent les manifestants. C’est bien sur la condamnation de cette violence que compte le gouvernement pour faire basculer l’opinion publique et pour discréditer le mouvement. Mais cette approche est trop unilatérale, trop sommaire, trop policière pour être totalement acceptable. La violence sociale existe bien, comme le souligne Bourdieu. Qu’est-ce qui est le plus violent, être jeté au chômage et ne plus pouvoir se nourrir et nourrir sa famille, ou déchirer la chemise d’un DRH dans une échauffourée ? Si déchirer la chemise est condamnable et toujours condamné, pourquoi la violence du licenciement injustifié ne l’est jamais ? Quand des personnes qui souffrent quotidiennement de la misère, subissent régulièrement humiliation et mépris, ne sont pas entendues, se voient refuser toutes leurs aspirations, sont « poussées à bout » par un refus hautain de les écouter et de les aider, quand elles ne peuvent accéder aux fruits de leur travail, il n’est pas surprenant qu’elles aient recours à la violence, surtout si on leur fait comprendre que c’est la seule façon qu’elles ont pour se faire entendre. De plus les violences policières, quasiment toujours couvertes par la hiérarchie et impunies, sont hélas bien une réalité.
Ces questions sont trop sérieuses pour les laisser à la propagande d’un ministre de l’Intérieur, à des syndicats (de droite) de policiers ou à des médias sous influence. (Voir la contre-thèse n° IV – la violence institutionnelle).
Thèse X : Les « gilets jaunes », l’intérêt général. Certes les « gilets jaunes » ne représentent pas toute la population française. Bien entendu, c’est d’abord en liaison avec leur situation concrète qu’ils agissent. Au point de départ de l’occupation des « ronds-points », il y a bien l’augmentation des taxes sur les carburants, mais très vite la contestation s’est élargie à toute la politique néo-libérale dite de l’offre et du « ruissellement ». Les « revendications » prennent alors un tour plus global comme le démontre une lecture attentive de la thèse cinq ci-dessus. Bien sûr, en raison de la diversité du mouvement, il y a aussi du particulier, voire de la démagogie ou de l’inadmissible dans certains cas.
Cependant quand les « gilets jaunes » demandent plus de services publics dans les territoires : « Fin immédiate de la fermeture des petites lignes, des bureaux de poste, des écoles et des maternités.», ils œuvrent bien pour l’intérêt général. Quand ils proposent pour les : « Impôts : que les GROS (MacDo, Google, Amazon, Carrefour…) payent GROS et que les petits (artisans, TPE, PME) payent petit. », c’est bien de l’intérêt général dont il est question. Certaines de leurs revendications sont plus aléatoires, ou demandent à être précisées, mais les débats sur les lieux d’occupation ont eu leurs effets et ce qui ressort, quoi qu’en disent gouvernement et « chiens de garde », ce qui domine relève bien de l’intérêt général, en contradiction avec les intérêts particuliers de l’oligarchie
II – Dix Thèses pour les associations
Thèse I : Les associations un rôle indispensable. Les associations ne sont pas épargnées par les politiques de rigueur ni la financiarisation. Le Collectif des Associations Citoyennes défend depuis sa création leur rôle indispensable dans notre société, le fait qu’elles constituent l’un des fondements de la démocratie, et qu’elles sont aussi un moyen principal d’initiatives du peuple depuis deux siècles et œuvrent dans l’intérêt général et le bien commun. C’est pour cela qu’il dénonce les politiques de marchandisation des associations, la diminution des subventions et leur mise en concurrence par les contrats à impact social, par les appels d’offres, y compris quand ils sont camouflés en appels à projets. C’est pour cela aussi qu’il dénonce l’idéologie portée par les promoteurs de l’entrepreneuriat social qui n’est qu’une forme de marchandisation sournoise.
Avec la disparition des emplois aidés, beaucoup d’associations ont dû diminuer leurs activités et beaucoup ont disparu. Alors qu’elles assurent au sein des territoires d’innombrables tâches indispensables, les associations citoyennes sont systématiquement méprisées et progressivement étranglées. La caricature de plan proposé le 29 novembre 2018 par le secrétaire d’État à la jeunesse en est la brillante démonstration. Celui-ci constate qu’il n’y a plus d’argent public et propose aux associations de faire appel à une « philanthropie à la française », en reproduisant le mot de Marie-Antoinette « ils n’ont plus de pain, qu’ils mangent de la brioche ». Cette comparaison était également inscrite sur les murs le 1er décembre par les « Gilets Jaunes ». Les dérisoires mesures décidées mardi 4 décembre, pour “répondre aux gilets jaunes” sont plus une provocation néolibérale que des décisions susceptibles de satisfaire leurs revendications.
C’est pourquoi les associations citoyennes, soumises aux mêmes politiques destructrices que tous les citoyens, doivent se rapprocher des « gilets jaunes », débattre avec eux pour la mise en commun, participer aux mobilisations contre une politique qui brise toutes les solidarités, pour un combat qui est celui de tout un peuple.
Thèse II : Une mobilisation et des luttes qui ne sont pas nouvelles. Malgré toutes les difficultés rencontrées, le nombre d’associations continuent à augmenter. Elles sont un million cinq cent mille dans notre pays et regroupent vingt-trois millions de bénévoles, de citoyens qui s’engagent et prennent sur leur temps et souvent sur leurs ressources pour des actions de solidarités, d’aide, pour créer de la vie en société, pour sortir de la mesquinerie du marché. Les associations se mobilisent pour défendre les droits et libertés, lutter contre la pauvreté, la destruction de l’environnement et pour imaginer des solutions pour une transition écologique juste et responsable. Elles n’attendent ni la « start-up nation », ni « french impact » pour innover dans leur champs d’action. Ce sont le plus souvent elles qui détectent les besoins nouveaux, les évolutions dans la société et y font face avec imagination et souvent trop peu de moyens. Et ce sont souvent elles qui sont pillées par des entreprises privées quand elles ont créé une activité nouvelle qui a atteint la maturité économique et qui peut devenir rentable.
Thèse III : Les associations ne sont pas des « corps intermédiaires ». Sur le million et demi, les associations de terrain, les petites et moyennes associations dans les territoires, en représentent un million quatre cent quatre-vingt-dix mille (1 490 000) au moins. Elles structurent le monde associatif et interviennent dans tous les secteurs de la société (santé, social, loisir, sport, éducation populaire, soutien scolaire, environnement, défense des consommateurs, défense des droits et libertés, immigration, soutien aux plus démunis et lutte contre la misère, etc.) . Aucun aspect de la vie en société n’échappe à leur activité. Vingt-trois millions de bénévoles sur une population adulte de cinquante millions environ, cela représente pratiquement une personne sur deux[3]. Entre quoi et quoi sont-elles intermédiaires, entre les français et les français ? Stupide ! Cette notion de « corps intermédiaires » mériterait d’être revisitée. Imposée par la sociologie et les médias, elle ne correspond ni à ce que sont les associations ni non plus les syndicats. C’est pourtant devenu un « mantra » du journalisme, de la sociologie, de la politique et de certains syndicats, hélas.
Les syndicats sont des organisations dont se sont dotés les salariés (ou les patrons) pour défendre leurs intérêt matériels et moraux pas pour être intermédiaires. Les syndicats de salariés portent directement leurs revendications auprès de leurs employeurs. Même si aujourd’hui la loi joue un rôle important dans les relations salariales et sociales, fondamentalement leur rôle n’a pas changé, même si une certaine bureaucratisation et institutionnalisation se sont effectuées avec le temps. C’est justement ce que veulent éviter les « gilets jaunes ».
Quant aux associations, elles sont constituées de citoyens qui se réunissent pour un objet qu’ils ont défini ensemble. Des citoyens corps intermédiaire ? C’est la négation même de la citoyenneté !
Thèse IV : Les associations facteur d’émancipation. Les associations citoyennes parce qu’elles créent du collectif sont facteur d’émancipation. Elles sont un lieu de débat et d’élaboration en commun, un lieu d’éducation partagée et d’auto-éducation à la citoyenneté où chacun peut participer selon ses capacités dans le respect de tous. Parce qu’elles définissent elles-mêmes leur « utopie », par l’action qu’elles décident, elles bousculent voire remettent en cause l’ordre établi. Elles sont donc soumises en permanence à la pression des autorités publiques ou des financeurs. Par leur capacité à déjouer le risque d’instrumentalisation elles peuvent apporter beaucoup dans les mouvements sociaux en termes d’organisation et de cahiers de revendications.
En se renouvelant, en expérimentant et en innovant en permanence pour répondre aux évolutions auxquelles elles sont directement confrontées, elles améliorent la vie quotidienne et tracent des perspectives et des espérances de progrès pour tous. La non-lucrativité inscrite dans leur raison d’être les conduit à privilégier la coopération plutôt que la concurrence, à refuser la marchandisation croissante de notre société.
Foncièrement, par l’association libre d’individus égaux, les associations font la démonstration que les femmes et les hommes sont capables de se gouverner eux-mêmes et de s’atteler collectivement à la tâche vitale consistant à construire une société plus solidaire, durable et participative.
Thèse V : Les associations et les transitions. Les associations sont depuis longtemps engagées dans les transitions écologique, énergétique, économique, culturelle, etc. Elles les traitent dans un même mouvement et ne les séparent pas. Il ne s’agit ni de « réconcilier le social et l’écologie », ni de rendre « les mesures sur la transition écologique ou énergétique socialement acceptables ». Cette idéologie qui sépare social et écologie est vouée à l’échec. Toute disposition compte tenu de l’imbrication des phénomènes et de leur interdépendance doit répondre à l’ensemble des problèmes. Ce sont les mêmes causes qui les provoquent. Ce sont les mêmes personnes qui souffrent le plus de la dégradation de l’environnement, du manque de pouvoir d’achat, des difficultés pour se soigner ou se déplacer, du mal-logement, de la malbouffe. Rappelons encore une fois que les 10% les plus riches de la planète émettent 45% du CO2 alors que 50% des plus pauvres n’en émettent que 13% mais sont les premières victimes du réchauffement climatique et de la dégradation de l’environnement.
Thèse VI : Les associations, l’intérêt général, les services publics et les « gilets jaunes ». Les gouvernements depuis des années ont déserté l’intérêt général. Le budget de l’État est bien plus utilisé pour satisfaire et conforté les actionnaires («baisse des impôts sur les entreprises de 33% à 28% en 2018 et 25% en 2022, 40 milliards de CICE en 2018, 40 milliards d’exonération de cotisations sociales – soit 80 milliards de subventions directes aux entreprises sur le budget de l’État, « flat tax » maximum de 30% sur les revenus de capitaux mobiliers, soit une économie de 1,3 milliard pour le 1% constitué par les plus riches en priorité, ISF transformé en impôt sur la fortune immobilière soit 3,2 milliards d’économies pour les plus fortunés…). Avec tous ces cadeaux et subventions aux entreprises il n’est pas surprenant qu’il ne reste plus d’argent pour les services publics.
En outre comme il faut bien compenser ces libéralités, le gouvernement tape sur les pauvres (ils n’ont pas beaucoup d’argent mais ils sont nombreux – diminution de l’aide au logement – APL, hausse de 1,7% de la CSG et désindexation des retraites sur l’inflation…) et sur les services publics essentiels, 30 milliards d’économies sur la fonction publique d’ici 2022, 1,5 milliard d’économie sur les hôpitaux en 2018, baisse des crédits de la politique de la ville de 11% en 2018, etc.) Ce sont de plus en plus les associations qui se substituent dans l’urgence et avec des moyens limités aux autorités publiques pour maintenir un minimum de cohésion sociale et de solidarité.
Thèse VII : Associations et « philanthropie à la française ».[4] Gabriel Attal, secrétaire d’État chargé de la jeunesse, a proposé le 29 novembre 2018 de répondre aux problèmes de financement des associations par le développement d’une « philanthropie à la française ». Cette proposition est plutôt singulière. Les budgets des fondations d’entreprises du CAC 40 représentent en moyenne 3 ‰ des dividendes versés aux actionnaires. Les fondations françaises distribuent environ 1,5 milliard d’euros et le mécénat d’entreprise à peu près autant. Cela représente 3% du budget consolidé des associations. En regard, les subventions publiques aux associations (État plus collectivités) ont diminué de 16 milliards en l’espace de 12 ans, et la disparition des contrats aidés représente une diminution supplémentaire de près de 3 milliards d’euros en l’espace de 3 ans. Il y a donc beaucoup de chemin à faire, d’autant qu’une partie importante des dépenses des fondations est consacrée à la restauration de l’image des entreprises, comme la RSE, ou à des opérations de marketing. Quand M. Bernard Arnault met en place la fondation Louis Vuitton au bois de Boulogne, avec 600 millions € de deniers publics (75% de défiscalisation)[5] pour un budget total de 800 millions, il travaille essentiellement à son image pas au financement des associations ou même à l’intérêt général. « La philanthropie, c’est voler en grand et restituer en petit », disait Paul Lafargue. Cette observation n’a rien perdu de son actualité. Faire croire que la philanthropie peut remplacer l’action publique relève de la supercherie.
Dans le philanthro-capitalisme à l’américaine, ce sont les plus grands prédateurs sur les marchés financiers ou sur le net qui ont développé les méga-fondations proposées en exemple. La philanthropie et les affaires y sont intimement mêlées, pour promouvoir à la fois l’entreprise et une idéologie managériale qui se propage à toute la société, et développer des « politiques publiques privées » à l’échelle mondiale en éliminant les États. Comment la philanthropie pourrait-elle lutter contre les inégalités sociales alors qu’elle en est le produit et le moteur en raison notamment de l’évasion fiscale qui accroît ces inégalités ?
La proposition qui nous est faite est tout à fait significative du rêve de « capitalisme total » (comme totalitaire) caressée par l’équipe gouvernementale.
À côté de ce grand dessein, les minuscules solutions concrètes proposées par Gabriel Attal pour répondre au dramatique problème de l’étranglement de la grande masse des associations sont d’une débilité surprenante : 1000 postes FONJEP par an, 25 millions d’euros pour le fonds de développement de la vie associative, alors que les contrats aidés ont supprimé 250 000 emplois en 2 ans, etc… Au-delà de ce triste affichage, la politique d’étranglement de la grande masse des associations se poursuit pour 2019. Les financements significatifs sont réservés aux 10 000 entreprises associatives appelées à devenir des entreprises rentables. Avec l’aggravation brutale de la crise écologique, l’explosion sociale et le recul dramatique de la citoyenneté, cette politique aveugle et contre la société ne peut qu’amener à des catastrophes.
Thèse VIII : Les plans du gouvernement pour les associations et l’économie sociale et solidaire[6]. Jeudi 29 novembre, le gouvernement annonçait par la voix de Gabriel Attal, secrétaire d’État auprès du ministre de l’Éducation nationale, « Un plan d’action pour une politique de vie associative ambitieuse et le développement d’une société de l’engagement » et par celle de Christophe Itier, Haut-commissaire à l’Économie Sociale et Solidaire et à l’Innovation sociale, un « Pacte de croissance de l’Économie Sociale et Solidaire ». Rappelons que 80 % des structures de l’ESS sont des associations. Les deux communications doivent donc être examinées ensemble afin d’en saisir la véritable portée.
Sur la méthode, le défaut de prise en compte des acteurs (et des collectivités territoriales) domine. La mobilisation des associations suite à la suppression brutale des emplois aidés a permis le lancement d’une « concertation » avec les associations en novembre 2017. Toutefois, après une consultation menée tambour battant en deux mois et demi et la remise par les réseaux associatifs d’un rapport comprenant 59 propositions débattues et partagées, il a fallu attendre six mois pour que le gouvernement annonce ses propositions. Le « Plan de croissance de l’ESS » quant à lui, n’a fait l’objet d’aucune discussion avec les acteurs de l’ESS (le conseil supérieur de l’ESS, espace de dialogue avec l’État, n’a pas été réuni en 2018).
La méthode adoptée témoigne du peu de considération pour les difficultés que voient et vivent ces acteurs qui agissent et entreprennent quotidiennement au plus près des besoins de nos concitoyens.
Les deux plans publiés le 29 novembre sont bien loin de répondre à l’urgence de la situation. Aucun ne témoigne d’une ambition réelle pour un bien-vivre ensemble solidaire. Ambition pourtant nécessaire dans une période où les mouvements sociaux et les « gilets jaunes » posent – à leur manière – des questions fondamentales sur la politique actuelle qui accroît les inégalités, concentre les richesses, limite la démocratie et détruit les protections sociales… Politique menée en contradiction avec les aspirations de la grande majorité de la population à plus de justice sociale.
Aucun changement de cap n’est annoncé pour tenir compte de la nécessaire transition solidaire, sociale, culturelle et écologique, qui passe d’abord par une co-construction assumée entre l’action publique et les initiatives citoyennes qui créent la richesse collective et solidaire.
Le plan pour la vie associative se caractérise surtout par « l’ouverture de travaux à venir » et l’absence de moyens, ne serait-ce que pour compenser le 1,8 milliard d’euros de pertes de financement en deux ans du fait de la disparition des emplois aidés. Aucune mesure budgétaire nouvelle n’est prévue pour 2019.
On note bien l’ouverture de postes Fonjep, mais il est évident que 1000 postes seront bien insuffisants alors que, pour la première fois, les emplois du secteur associatif sont en baisse. Rien que dans le secteur culturel, c’est 6000 emplois associatifs qui ont été détruits ces dernières années[7]. Et on apprend que le nombre de contrats aidés transformés en Parcours emploi compétences va être divisé par deux en 2019.
Cette politique détruit le tissu associatif dans les villes, les quartiers, les campagnes et casse toujours plus les solidarités locales que les associations maintiennent encore, avec difficulté. Cette politique témoigne aussi d’une injonction toujours plus forte à se soumettre au marché et à la concurrence. Les associations et les initiatives solidaires sont sommées d’adopter le modèle lucratif et capitalistique, de s’endetter auprès des banques et des fonds d’investissement dominés par les multinationales, de séduire les grandes entreprises pour espérer quelques subsides. L’annonce de mesures pour créer une culture « de la philanthropie à la française », sur le modèle du philanthro-business étasunien l’illustre bien. Elle est mise en avant alors que la philanthropie sous toutes ses formes (fondations, mécénat, financement participatif…) ne représente que 4 % des ressources des associations (et ne concerne, en grande majorité, que les plus grosses structures).
Nous réaffirmons que le véritable enjeu est ailleurs. On ne peut pas faire l’impasse sur l’apport des associations à la promotion de l’intérêt collectif et à la défense de l’intérêt général. Les associations sont des espaces de démocratie, d’entraide et de pouvoir d’agir. Elles proposent des services de qualité à haute valeur humaine à toutes et à tous, et notamment aux personnes qui souffrent le plus du fractionnement de la société, de la disparition des services publics, des difficultés d’exercice de leurs droits sociaux et culturels. Et pourtant, elles ont « perdu » 16 milliards de subventions en 12 ans. Rappelons que dans le même temps, la dépense publique n’a jamais été aussi forte et que le CICE disposait d’un budget de l’ordre de 20 milliards d’euros/an pour un résultat dont on ne peut que constater le peu d’impact[8].
Pour l’ESS, la démarche et les propositions sont de la même veine. Déclaration d’amour à l’alternative et au pilier que représente l’ESS, mais soumission au business… Si certaines mesures peuvent aller dans le sens d’un soutien technique aux initiatives de l’ESS, la philosophie du plan est toute contenue dans l’institution du « French impact » avec développement de fonds et de « contrats à impact social », sur le modèle des PPP (partenariat public-privé), véritable « bombe à retardement pour les finances publiques » comme le note le Sénat[9]. Des contrats trop complaisants avec la finance, comme le souligne la Cour des comptes européenne.
Culture de l’endettement, recours au mécénat, généralisation des marchés publics au détriment de la subvention, désignation d’une vingtaine d’entreprises dites « pionnières », ouverture du service civique aux sociétés commerciales ESUS,… le sens de la politique menée est clair. L’allègement, de droit commun, des cotisations sociales, mis en place en 2019, doit apporter 1,4 milliard d’euros aux entreprises employeuses (mesure qui bénéficiera aussi à toutes les entreprises hors ESS). Peut-on s’en réjouir ? Non, si on en considère les conséquences sur le financement de la protection sociale, détruite petit à petit… Pour la période 2018/2022 Christophe Itier annonce la mobilisation de 340 millions d’euros (dont seulement 90 millions au budget de l’État, 150 millions dans le cadre du renouvellement de sa convention avec la Caisse des Dépôts, 21 millions d’euros apportés par BPI France et 80 millions d’investisseurs privés potentiels). Mais dans le même moment, dans le cadre des débats sur le projet de loi de finances (PLF) 2019, c’est déjà 2 millions d’euros qui sont retirés au dispositif local d’accompagnement (DLA), qui a pourtant fait ses preuves dans l’accompagnement des associations…
Pendant ce temps, la politique de concentration financière s’accentue dans le social comme dans le culturel ; les multinationales s’implantent et dictent leurs règles (grands projets, lobbying, accords de libre-échange…), sans qu’aucune régulation ne soit proposée.
Deux plans en trompe-l’œil donc. Deux plans en décalage avec la situation de la France à un moment où la transition écologique, sociale, climatique, culturelle est déjà portée par des mobilisations sociales importantes.
Deux plans qui laissent de côté la culture de la solidarité, l’action collective et l’intérêt général.
Deux plans incapables de prendre en compte la formidable énergie des citoyennes et citoyens et la diversité foisonnante des initiatives pour mener les transformations sociales et écologiques, pour préserver notre capacité à bien vivre ensemble.
Nous demandons plus. Nous demandons mieux. C’est urgent !
Thèse IX : Subvention aux associations. Les deniers publics sont ceux des citoyens. Ce sont les impôts et contributions des citoyens qui alimentent pour l’essentiel les caisses des autorités publiques aussi bien locales, nationales qu’européennes. Les élus à quelque niveau que ce soit n’en sont que les gestionnaires temporaires. Les associations en France regroupent 23 millions de citoyens qui s’associent pour un objet qu’ils définissent et qui souvent recoupe l’intérêt général. Il est donc normal qu’une partie de cet argent revienne à la société civile. Pour les associations qui travaillent dans le désintéressement matériel (elles sont toutes à but non lucratif, contrairement aux entreprises dont le but unique est le profit) pour le vivre ensemble, le bien commun et l’intérêt général, il est logique et légitime de trouver des moyens d’action via les subventions.
L’injonction de plus en plus forte à « revoir le modèle économique des associations » (voir la thèse VIII ci-dessus), c’est-à-dire accepter de voir l’argent public remplacé par l’argent privé (cf la philanthropie) est d’autant plus malvenue que les cadeaux fiscaux et d’exonérations de cotisations sociales aux entreprises privées sont de plus en plus exorbitants et que les 2/3 des apports des mécènes ou philanthropes sont défiscalisés, donc de l’argent public détourné par des personnes privées qui en choisissent l’usage dans l’arbitraire, sans contrôle.
Thèse X : Démocratie et associations. Les associations sont aussi une école de la démocratie et de la citoyenneté. Leur fonctionnement est collectif (ce qui ne veut pas dire que tout y est parfait) avec des réunions des instances régulières et adoption du budget ressources et dépenses. Elles sont donc un lieu de débat permanent avec un fonctionnement commun et la recherche de la solution qui convient le mieux à tous les participants. Lieu d’engagement volontaire, elles favorisent l’expression de chacun et une participation de chacun avec son accord, sinon il n’y a pas d’association possible. Bien entendu des désaccords peuvent surgir, pour que l’association puisse vivre ceux-ci doivent être surmontés dans le respect des diverses opinions par la discussion. Elles sont pour cela un lieu d’autoformation à la citoyenneté où toutes les expériences sont un enrichissement mutuel, en particulier parce que la grande majorité reste attachée à un territoire et conserve une taille humaine. Ce facteur est essentiel, et la volonté du « nouveau monde » d’en réduire le nombre par la course aux regroupements et aux fusions, la recherche de la taille critique pour faire du « business », est une perversion liée à la marchandisation de la société prônée par les thuriféraires de la « start-up nation ».
III – Dix Contre-thèses à propos de la « macronie »
Contre-thèse I : Une légitimité faible. E. Macron a été élu avec 16% du corps électoral, par défaut, la grande majorité des français ne voulant pas de Marine le Pen comme présidente. Sa majorité à l’Assemblée nationale a été élue avec encore moins de représentativité, soit 14% du corps électoral. Dès le départ leur légitimité était faible[10]. E. Macron n’a pas su se hausser au niveau des enjeux qu’impliquait la situation et sa faible légitimité, en faisant une politique pour la majorité des français et résidents. Mais le pouvait-il ? Ayant accédé au pouvoir porté par le système oligarchique bancaire et des multinationales, il ne pouvait que faire la politique conforme aux intérêts de cette oligarchie. Il a naturellement considéré que la France se gouvernait comme une entreprise (la start-up nation) et fait une politique pour la minorité (les 10% au plus qu’il représente), les plus riches ; la suppression de l’impôt sur la fortune pour les riches, et à contrario la réforme du code du travail pour les salariés, symbolisent cette politique de classe.
Contre-thèse II : Le mépris des classes populaires. E. Macron s’est présenté comme féru de philosophie dont chacun des mots et expressions qu’il utilise est choisi et exprime sa pensée. Quand il affirme que « les jeunes français doivent tous avoir envie de devenir milliardaires », c’est bien sa philosophie de « la start-up nation », c’est bien le fond de sa pensée qu’il exprime et non une « maladresse » ou des « paroles malheureuses ». Il en est de même quand il parle de « gaulois réfractaires au changement », « Tu m’appelles Monsieur le président de la république », « Je traverse la route et je vous en trouve (du travail) », « les gens qui ne sont rien », « les fainéants » et « qu’un pognon de dingue est dépensé en prestations sociales » inutilement, il exprime bien la mépris et la morgue de classe vis-à-vis des travailleurs qui ne sont pas des « start-upeurs ». Répéter sans cesse aux « gilets jaunes » que « leurs revendications sont légitimes », « qu’ils ont été entendus » mais que le « cap sera maintenu », c’est les prendre pour de imbéciles et mépriser ce qu’ils expriment comme souffrances et revendications, que reflète bien l’expression « nos classes laborieuses »[11] déterrée récemment par E. Macron. Il n’est pas étonnant dans ces conditions qu’E. Macron cristallise un niveau de haine contre sa personne et l’exigence de démission que réclame une partie des « gilets jaunes ».
Contre-thèse III : La théorie du ruissellement. La « théorie du ruissellement » devait assurer l’augmentation des revenus et réduire les inégalités. Hélas, comme il était prévisible, tant cette théorie est fausse et absurde, le ruissellement s’est arrêté à une toute petite minorité (les 1 ou 2% les plus riches). L’augmentation des salaires par la réduction des cotisations sociales salariales, mise en avant dans toutes les prises de parole d’un ministre ou d’un membre de la majorité parlementaire, n’est qu’un tour de bonneteau. L’augmentation du salaire net est le résultat de la diminution du salaire brut (salaire net plus cotisations sociales). Ce sont donc les salariés eux-mêmes qui ont payé cette pseudo augmentation. Et comme il fallait bien compenser le manque de financement pour la sécurité sociale, les taxes de toute nature ont augmenté. Mais il fallait aussi compenser les cadeaux aux plus riches et aux entreprises (CICE, exonérations des cotisations sociales patronales qui font également partie du salaire, « flat-taxe » à 30% sur les bénéfices des entreprises[12]…), cela s’est traduit par encore des augmentations ou la création de taxes, l’augmentation de la CSG sans compensation pour les retraités. Après dix-huit mois, les conséquences concrètes sur le pouvoir d’achat des français et résidents se sont fait de plus en plus sentir. L’inanité de cette théorie est démentie par les faits qui sont un des motifs de la mobilisation sociale à laquelle nous assistons.
Cette théorie cache, sous une apparence et un vocabulaire pseudo-scientifique, une politique de classe parfaitement élaborée et conduite avec constance et détermination. C’est pour ces raisons que les annonces faites le lundi 10 décembre 2018 à 20h ne pouvaient pas donner satisfaction aux revendications des « gilets jaunes » qui remettent en cause les fondements de cette politique de classe. Les décisions de ne pas augmenter le SMIC donc les salaires et les retraites, afin de conserver la « compétitivité des entreprises », soit le profit et les dividendes des actionnaires, en sont la démonstration la plus significative. Toutes les mesures annoncées confortent la politique dite de l’offre, c’est-à-dire la politique néolibérale en cours depuis des années et accélérée par E. Macron avec toutes les « réformes » qu’il a entrepris depuis qu’il est au pouvoir. La « prime » de 100 euros pour les salariés au niveau du SMIC sera payée par les impôts et taxes des citoyens, c’est-à-dire pour partie par les salariés eux-mêmes. C’est le même tour de bonneteau que l’augmentation du salaire net par la diminution du salaire brut !
Aucune des politiques et législations adoptées depuis dix-huit mois n’est remise en cause, le budget de l’État et celui de la Sécurité Sociale 2019 ont été votés pendant le mouvement des « gilets jaunes » dans les mêmes dispositions qu’avant leur mobilisation avec la « flat-taxe à 30% pour les entreprises, le CICE à 40 milliards, la confirmation de la quasi disparition de l’impôt sur la fortune, la disparition des emplois aidés, de la désindexation des retraites, etc.
Contre-thèse IV : La violence institutionnelle. Les « gilets jaunes », comme tous les manifestants dans cette période, ont subi cette violence institutionnelle qui inévitablement appel la violence en face.
D’abord les chiffres : le samedi 1er décembre, le gouvernement avait mobilisé d’après ses déclarations 68 000 policiers et gendarmes sur tout le territoire, pour soi-disant 75 000 manifestants (chiffre de la police, certainement sous-estimé), soit pratiquement un policier ou gendarme pour un manifestant. A Paris (les Champs-Elysées), 4 600 policiers pour 5 000 manifestants, (dont 3 000 « casseurs » d’après le ministre de l’Intérieur), 378 gardes à vue, et malgré ce déploiement de « forces de l’ordre » sans précédent, les violences et la casse de vitrines n’ont pu être évitées !
Le 8 décembre, 89 000 policiers et gendarmes (toutes les forces mobilisables d’après le ministre de l’Intérieur), avec des blindés de la gendarmerie, pour 136 000 manifestants (chiffre de la police toujours), mais France-Inter annonçait aux informations de 13h que d’après le ministère de l’intérieur il y avait à cette heure 31 000 « gilets jaunes » dans toute la France, soit trois policiers pour un manifestant, et pourtant des « violences » dans beaucoup de villes (Toulouse, Nantes …). A Paris, plus de 5 000 policiers ont été déployés, près de 1500 interpellations ont eu lieu, près de 400 gardes à vue et plusieurs centaines de comparutions directes avec des condamnations. Certains manifestants ont été fouillés jusqu’à onze fois ! A Grenoble, les responsables de « France nature environnement » ont été interpellés pour avoir appelé à la manifestation pour le climat. A Paris, la manifestation pour le climat qui se tenait de la Nation à la République, de l’autre côté du Paris bouclé par les forces de l’ordre pour « contenir » les « gilets jaunes », s’est déroulée dans une grande dignité et dans le calme. Sur tout le parcours nous n’avons pas vu un policier (j’y étais), il n’y a eu ni violence ni incident !
Le 15 décembre, à nouveau 69 000 policiers et gendarmes pour 3I 000 manifestants (selon la police), plus de trois policiers pour un manifestant ; 8 000 policiers à Paris pour 2000 « gilets jaunes »! Toujours des « violences » à Toulouse, Bordeaux et Paris et toujours des centaines d’interpellations, de gardes à vue et de comparutions directes avec condamnations.
Le 22 décembre, nous approchons de Noël, mais la mobilisation, même faiblissante est toujours là, notamment en province. A Paris à nouveau 4 000 policiers pour 2 000 manifestants (toujours les chiffres du ministère de l’intérieur), le Château de Versailles préventivement fermé n’a pas vu un « gilet jaune ». 38 600 manifestants dans toute la France, 220 interpellations et 81 gardes à vue. Une campagne bien orchestrée par le gouvernement pour « le retour à l’ordre », « maintenant ça suffit » « Maintenant ce sont des mouvements séditieux » comme l’a affirmé à maintes reprises Laurent Nunez, secrétaire d’État auprès du ministre de l’intérieur à BFMTV.
Le 29 décembre, la police annonce 12 000 manifestants dans toute la France, 800 à Paris (alors que les images télévisées montraient des défilés plutôt nombreux), avec à nouveau des interpellations et gardes à vue. Des manifestations dans beaucoup de villes, Paris, Marseille, Rouen, Nantes, Metz, Toulouse, Nice,… des filtrages à nouveau à des péages d’autoroutes ou la reprise d’occupation de ronds-points évacués par la police sur ordre du gouvernement donnaient une mobilisation qui restait nationale.
La France est le seul pays d’Europe occidentale à utiliser contre sa population des armes offensives : grenades explosives ou lanceurs de balles, qui provoquent des blessures graves et irrémédiables, yeux perdus, défiguration, mains arrachées[13], etc. L’usage intempestif de gaz lacrymogène, souvent sans motif réel du point de vue de l’ordre public comme l’ont montré certaines images de la télévision, est aussi motif de riposte violente et de volonté d’en découdre avec les « forces de l’ordre ». La responsabilité en incombe totalement au gouvernement qui prend des mesures hors de proportions pour « sécuriser les manifestants et des personnes et assurer la préservation des biens ».
Souvent la violence institutionnelle réside aussi dans des dispositions législatives votées dans la précipitation sous prétexte de lutte contre le terrorisme. Une vingtaine de lois, toutes attentatoires aux libertés fondamentales ont été votées en France (comme dans beaucoup de pays) depuis les attentats du 11 septembre 2001 à New-York.
Les jours précédant le 8 décembre, la presse a beaucoup parlé « d’interprétations préventives », pour à la fois « rassurer le bourgeois » et inciter les « gilets jaunes » à ne pas manifester. Ces interpellations parfaitement légales relèvent d’une incrimination introduite sous la présidence de Nicolas Sarkozy, par la loi du 2 mars 2010[14], qui réprime la « participation à un groupement formé en vue de la préparation de violences volontaires ou destruction/dégradation » (article 222-14-2 du code pénal). Cet article permet d’interpeller dans un vaste périmètre un grand nombre de personnes qui souhaitent se rendre à une manifestation même pacifique. En fait il permet d’empêcher une manifestation sans avoir à l’interdire. Mais il demande un déploiement considérable de forces de police pour obtenir l’effet souhaité, et augmente dans les faits les risques de violence et de débordement.
Il n’y a plus besoin de preuve matérielle incontestable pour empêcher quelqu’un d’aller manifester et se retrouver en garde à vue, mais de simples présomptions de la police basées sur des éléments aléatoires et incertains. Le droit de manifester est un droit constitutionnel, il a donc été nécessaire de trouver des astuces juridiques pour passer l’obstacle du Conseil constitutionnel[15]. Le gouvernement peut réserver aux manifestants le même traitement qu’à des supporteurs de football identifiés comme violents dans un fichier (voir la thèse III, sur le tout numérique et l’intelligence artificielle), et les assigner à résidence les jours de manifestations, soit réduire donc un droit fondamental garanti par la Constitution et la déclaration des droits de l’Homme, la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne à un droit commercial d’assister à un match de foot. 2900 personnes ont été blessées dans le mois de décembre, la grande majorité parmi les « gilets jaunes » et certains gravement, il y eu 10 morts parmi eux, la plupart par accident.
La violence institutionnelle ne s’exerce pas que dans la rue, elle s’exerce aussi par l’hémicycle parlementaire. Alors que « les gilets jaunes » massivement soutenus par la population manifestaient et demandaient notamment l’indexation des retraites sur l’inflation et l’arrêt des fermetures des maternités, des postes, des écoles, des services publics en général, l’Assemblée nationale votait le 3 décembre la loi sur le financement de la Sécurité Sociale exigeant 1,5 milliard d’économie en 2019 dans les hôpitaux, limitant la revalorisation des retraites à 0,3% en 2019 et 2020 alors que l’inflation dépassera sans doute les 2% et consacrant le CICE à 40 milliards pour les multinationales, faisant ainsi un « pied de nez » non seulement aux « gilets jaunes » mais aussi à la population qui les soutient !
Contre-thèse V : Une situation insurrectionnelle comme le prétend le ministre de l’Intérieur ? Soyons clairs, nous ne sommes pas dans une situation insurrectionnelle, ni révolutionnaire, simplement dans un mouvement social, contre une politique injuste, de deux poids deux mesures, de casse des services publics, de réduction ou stagnation du pouvoir d’achat pour la plupart des français[16].
Les « gilets jaunes » ne contestent ni l’existence du changement climatique ni la nécessité de prendre des dispositions pour y faire face, ni les transitions nécessaires dans ce domaine, ni la République, ils veulent plus de justice dans les « efforts » à faire, ils veulent plus de démocratie. Plus de démocratie serait aujourd’hui factieux ?
La colère qui s’exprime en dehors de toute structure, syndicale, associative ou politique, pose évidemment des questions à ces organisations. C’est à elles à s’interroger, chercher à comprendre pourquoi la situation est ce qu’elle est. C’est au gouvernement, aux élus, au président de la République à faire de même.
La rédaction de « cahiers de doléances » dans les mairies ne fait pas non plus une situation révolutionnaire. Cependant la mobilisation persiste malgré les efforts du gouvernement pour en minimiser la portée. Elle persiste parce qu’aucune solution n’a été apportée aux revendications, au contraire toutes les dispositions annoncées et votées par le parlement le 21 décembre sont parfaitement conformes à la politique néolibérale d’E. Macron. Cette politique néolibérale étant à l’origine de la mobilisation car elle détruit les conditions de vie de la masse de la population, les mêmes causes ayant les mêmes effets, la mobilisation même étouffée temporairement reprendra (voir la contre-thèse VII, réforme et contre-réforme).
Contre-thèse VI : L’arc de triomphe napoléonien, symbole de la République ! Le premier décembre les « gilets jaunes » ont investi l’intérieur de l’Arc de Triomphe à Paris. Ils ont vandalisé le magasin à souvenirs, c’est-à-dire un élément marchand, un symbole du « business », mais la Flamme et le carré du Soldat inconnu n’ont pas été profanés contrairement aux cris d’orfraies du gouvernement, de la droite et de l’extrême droite, relayés pas la « grande presse » à dévotion. Les symboles de la République n’ont pas été mis en cause, le Président oui, mais c’est sa politique, sa morgue et son mépris qui sont visés. Faire d’un monument à la gloire des batailles de Napoléon, tombeur de la première République un symbole de la République, ne manque pas de sel. Mais est-il anormal que la droite, un président de la République « jupitérien » et un gouvernement faisant une politique de droite, vénèrent le bonapartisme ?
Certes un monument historique quel qu’il soit doit être préservé et ne doit pas subir de dégradations, mais la décence et la mesure doivent aussi être préservées dans une démocratie.
Contre-thèse VII : Réforme et contre-réforme. Depuis des années, les économistes néolibéraux (les plus médiatisés et les plus serviles pour le système capitaliste) nous expliquent qu’il faut réformer l’économie, diminuer les « charges sociales », les « prélèvements obligatoires » redonner des marges aux entreprises au nom de la compétitivité dans la mondialisation, donc réformer la Sécurité sociale, les retraites, les services publics, etc.
- Macron prétend avoir été élu pour réformer le pays. A ce titre il a entrepris une série de réformes qui effectivement changent la vie de beaucoup de personnes. La réforme du code de travail livre les salariés à l’arbitraire des patrons et affaiblit les syndicats et les capacités à se défendre pour les travailleurs ; la banalisation de l’état d’urgence rogne un peu plus les libertés individuelles et collectives ; la loi ELAN ( sur la réforme du logement) affaiblit les organismes publics du logement social, les force à vendre leur patrimoine et détruira à terme le logement social dans le pays ; la loi ESSOC (Pour un État au service d’une société de confiance) livre la réglementation aux grands groupes multinationaux, et devrait plutôt s’appeler « Pour l’absence de l’État au bénéfice d’un capitalisme prédateur », CAP 2022 qui réforme l’administration la réduira au strict service des multinationales. Même les dispositions pour les « gilets jaunes » adoptées dans l’urgence les 21 et 22 décembre 2018 sont conformes à la politique macronienne ultralibérale. Le SMIC donc les salaires n’augmente pas, car l‘effort ne doit pas coûter aux entreprises sous peine de perdre en compétitivité. Donc la prime de 100 euros accordée parcimonieusement à une partie des salariés sera payée sur le budget de l’État, c’est-à-dire par les impôts de tous. Autrement dit se sont les salariés qui pour partie se payent leur propre augmentation de 100 euros. Beau tour de prestidigitation néolibérale pour une « politique de l’offre » après celui consistant à augmenter le salaire net par la diminution du salaire brut.
Toutes ces « réformes » nous ramènent en arrière sur le plan social, les inégalités sous toutes les formes s’accentuent, le pouvoir d’achat de la majorité de la population stagne ou recule, seul celui des couches les plus riches augmente, les conditions d’accès aux soins de santé se dégradent pour la très grande majorité de la population à tel point que de plus en plus de personnes renoncent ou retardent des soins faute de moyens. La misère se développe, neuf millions de personnes vivent en dessous du seuil de pauvreté, alors que les richesses créées n’ont jamais été aussi importantes mais sont captées par une toute petite minorité qui est au pouvoir et a fait dissidence avec le reste du pays. Nous retournons à des différences de revenus et de conditions de vie des 18 et 19éme siècles. Appelons un chat, un chat. Les « réformes » de M. Macron sont bien des contre- réformes qui tirent le pays en arrière.
La mobilisation des « gilets jaunes » n’a pas modifié cette volonté de contre-réformes, tout ne serait qu’une question d’explication et de pédagogie pour que les français acceptent car ils : « ne veulent pas moins de réformes mais mieux de réformes », « Le président a été élu pour réformer, pas pour gérer une rente » affirme son cabinet. Opinion partagée par sa majorité à l’Assemblée nationale, Stanislas Guerini, délégué général de LERM et député de Paris prévient, « L’ambition de mener les trois grands blocs de réformes (retraites, assurance chômage, fonction publique CAP 2022) doit être maintenue ».
Gilles Legendre, président du groupe « la République en marche » (LERM) à l’Assemblée nationale ajoute la bêtise au mépris envers les français : «Nous avons insuffisamment expliqué ce que nous faisons. Et une deuxième erreur a été faite, c’est d’avoir probablement été trop intelligents, trop subtils, trop techniques dans les mesures de pouvoir d’achat » qui est cause du mécontentement et de la révolte des « gilets jaunes »!
Contre-thèse VIII : Le « Nouveau monde ». Avec un vocabulaire où les anglicismes ne se comptent plus et où les mots sont systématiquement utilisés pour tromper : la loi qui banalise l’état d’urgence s’appelle « liberté et sécurité », le projet de loi qui détruit l’administration et remet l’État entre les mains de l’oligarchie s’intitule « Pour un État au service d’une société de confiance » etc., Emmanuel Macron prétend nous faire entrer dans « le nouveau monde ». Tout devient communication, le fond n’existe plus. Si les français contestent la politique du gouvernement c’est parce que les explications ne sont pas comprises par des « gens peu éduqués » (voir la contre-thèse VI ci-dessus) et parce que le gouvernement et sa majorité sont « trop intelligents, trop subtils »
Contre-thèse IX : Le « Grand débat ». Le « grand débat » proposé par Emmanuel Macron en même temps que les mesures sur le « pouvoir d’achat » portera sur quatre thèmes choisis par lui-même : 1) la transition écologique ; 2) la fiscalité ; 3) la démocratie et la citoyenneté ; 4) l’organisation de l’État et des services publics[17]. Il durera six semaines du 15 janvier à fin mars. Décidé du sommet de l’État aussi bien dans son objet que dans sa forme, il sera piloté par la Commission Nationale du Débat Public (CNDP), organisme d’État chargé des débats publics sur les grands équipements. Il se déroulera dans des lieux fermés, avec contrôle à l’entrée, les « maîtres de cérémonie » choisis le plus souvent parmi les notables ou les élus donneront la parole. Il est précédé dans beaucoup de communes par la rédaction de « cahiers de doléances » qui seront adressés à la CNDP, et versés au débat et pris en compte dans la synthèse. Ce « grand débat » a-t-il pour but d’écouter et surtout de prendre en compte les propositions qui seront faites ou a-t-il pour but d’étouffer la mobilisation pour continuer la même politique en faveur de l’oligarchie financière ?
Édouard Philippe, Premier ministre déclarait lundi 24 décembre, lors de sa visite à la police, à la préfecture de Paris : « Ce débat et le fonctionnement de nos institutions exigent un retour à l’ordre » et « que cessent les provocations », inaugurant mal du déroulement du débat. Nous savons d’expérience que pour être écouté et entendu la mobilisation doit obligatoirement se poursuivre pendant des négociations ou des débats de ce type. C’est d’autant plus vrai que: 1) le gouvernement, la majorité parlementaire comme le président de la République ont déjà déclaré « garder le cap » et « poursuivre les réformes » ; 2) que sur la transition écologique la France ne respecte pas ses engagements découlant de l’accord de Paris, pour ne prendre que cet exemple ; 3) qu’Emmanuel Macron ne veut pas rétablir l’ISF ou revenir sur les dispositions d’une fiscalité ultra-favorable aux riches et aux multinationales ; 4) que sur la démocratie et la citoyenneté son projet de réforme constitutionnelle rogne les pouvoirs du parlement ou que le projet de réforme de la justice affaiblit considérablement les droits de la défense, et que pour développer la démocratie et la citoyenneté il faut impérativement abroger la loi banalisant l’état d’urgence adoptée en tout début de quinquennat, donc remettre en cause toute sa politique dite sécuritaire ; 5) que sur l’organisation de l’État et des services publics il faut immédiatement arrêter la fermeture des services publics sur tout le territoire et arrêter impérativement tout le processus de CAP 2022 qui livre l’État et la norme aux firmes et aux banques[18]. Bref, écouter et entendre les « gilets jaunes » et le « peuple » qui les soutient, c’est remettre en cause toute la politique de « contre-réformes » que le gouvernement d’Édouard Philippe et d’Emmanuel Macron a mis en œuvre depuis dix-huit mois. Cela ne se fera pas dans un débat même vif sans créer un rapport de force par l’action et la mobilisation. Les mandataires de Macron, l’oligarchie financière et des firmes, ne l’accepteront jamais sans y être contraints par le rapport de force.
Contre-thèse X : Des choix de société antagonistes. E. Macron et son gouvernement mènent une politique, qui est celle également des institutions européennes, une politique d’austérité pour la population en faveur d’une petite minorité, plus exactement en faveur des institutions financières et des grandes firmes qui prétendent gouverner l’ensemble de la planète. Peu importe que cette politique repose sur une exploitation toujours plus poussée de la nature et des femmes et des hommes. C’est pourquoi il est illusoire de croire que des politiques perpétuant cette double exploitation qui est la cause de la misère, des difficultés à vivre pour les populations, des dérèglements climatiques et de la dégradation de l’environnement, peuvent résoudre les problèmes qu’elles engendrent. Il est illusoire de croire que les mêmes qui sont à l’origine des problèmes peuvent y apporter des solutions.
C’est donc vers des choix de société différents, reposant sur des solidarités, la prise en compte de la « question sociale et écologique », la démocratie, le respect de la nature, qu’il faut se diriger. L’histoire nous démontre que cela ne peut se faire que par le rapport de force quoi qu’en disent les « chiens de garde » de toute profession et de toute obédience. En 2005, Waren Buffet affirmait dans une interview « la lutte des classes existe bien et c’est nous, les riches, qui sommes en train de la gagner ».
Waren Buffet a raison sur la lutte des classes, c’est bien une réalité, quant au reste l’histoire n’est jamais définitivement écrite et il s’agit de le démentir.
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[1]« Le Monde » de jeudi 20 décembre 2018, supplément économie & entreprise p5.
[2]Clemenceau, avait l’habitude de dire « Quand vous voulez enterrer un problème, faites une commission »
[3]Voir la déclaration « Nous sommes la société civile » dans la brochure du CAC « De quoi nos gouvernants sont-ils le masque ?»
[4] Cette thèse reprend une grande partie d’un article de Jean Claude Boual et de Didier Minot paru dans l’Humanité du mardi 4 décembre 2018 dans la rubrique « Les rendez-vous de l’économie sociale § solidaire ».
[5] Il ne faut jamais oublier que sans la défiscalisation (entre 60 et 75% des sommes données), la philanthropie n’existerait pas dans les mêmes conditions. Pour les deux tiers les dons sont donc de l’argent public privatisé.
[6]Cette thèse reprend le communiqué commun du CAC et du MES du 5 décembre 2018.
[7] « La France Associative en Mouvement », 16ème édition, Septembre 2018, Recherche et Solidarités
[8] Crée par dans le quinquennat de François Hollande pour soutenir l’emploi, le CICE (Compte innovation compétitivité emploi) accordé sans contrôle aux entreprises (notamment à celles du CAC40 et à toutes les grandes entreprises) coûte 20 milliards par an au budget de l’État, chaque emploi créé revenant d’après les études effectuées sur son efficacité entre 240 000 à 400 000 euros, une aubaine pour le patronat. Transformé en exemption de cotisations sociales par E macron en 2019, cette mesure coûte le double au budget 2019 (20 milliards pour le CICE 2018 et 20 milliards d’exonérations).
[9] SUEUR, J.-P., & PORTELLI, H. (2014). Les contrats de partenariats : des bombes à retardement ? (No. Rapport d’information n° 733). Commission des lois du Sénat. Consulté à l’adresse http://www.senat.fr/rap/r13-733/r13-733.html
[10] Nous parlons bien de légitimité et pas de légalité de l’élection qui n’est pas contestable.
[11] Pour la bourgeoisie « classes laborieuses=classes dangereuses », voir Louis Chevalier « Classes laborieuse et classes dangereuses », nous sommes bien au cœur du problème actuel.
[12] Coût du CICE pour le budget de l’État en 2019 sera de 40 milliards d’euros, coût de la flat-taxe 0,9 milliards d’euros, coût de la suppression de l’Impôt sur la fortune (ISF) 3,5 milliards , coût de la suppression des cotisations sociale patronales 20 milliards d’euros, soit 40+0,9+3,5+20 = 64,4 milliards d’euros de subvention au patronat et ultras riches, somme à laquelle il faut ajouter 80 milliards d’optimisation fiscale plus ou moins légale et d’évasion fiscale, sans véritable effort de la part du gouvernement pour les récupérer.
[13] Le gouvernement n’a pas l’intention d’abandonner ce genre d’armement, le ministre de ‘intérieur a lancé à la veille de Noël un appel d’offres pour l’achat de 1280 fusils lanceurs de balles en caoutchouc de 40 millimètres et de 450 fusils automatiques de même calibre pouvant tirer 4 ou 6 balles rigides en rafales.
[14] Loi n° 2010 du 2 mars 2010 renforçant la lutte contre les violences de groupes et la protection des personnes chargées d’une mission de services publics.
[15] Voir la décision du Conseil Constitutionnel n° 2010-604 DC du 25 février 2010, les points : 4-5-6-7-8-9-10-11-12-13-14-15-16-17 et 18.
[16]D’après « Le journal du dimanche » du 2 décembre 2018, depuis l’élection d’ E. Macron, suite à ses mesures fiscales, selon les calculs de l’Institut des politiques publiques, le pouvoir d ‘achat des 22% les plus pauvres a diminué de 1%, celui des « 57% du milieux la situation s’est légèrement améliorée, », mais les vrais gagnants sont les 1% les plus riches, et pour les 0,1% cela se traduira en 2019 par un gain de 28 300 euros chacun !
[17]Un cinquième thème, « immigration et laïcité » initialement proposé par E. Macron a été heureusement retiré. Il amalgamait deux sujets dont le rapprochement fait la prédilection de l’extrême droite.
[18] Voir « CAP 2022 : les multinationales à l’assaut de l’État » brochure éditée par le Collectif des Associations Citoyennes » septembre 2018.