Annexe du CP du 22/2/18 « 100 000 emplois aidés de plus sont nécessaires dès 2018 »
Pourquoi les Parcours emploi Compétences amplifient les effets désastreux de la baisse des contrats aidés
Mme Muriel Pénicaud a publié une circulaire le 11 janvier dernier, toujours sans concertation ni évaluation préalable, qui remplace les contrats aidés par les Parcours Emploi Compétences. Celle-ci prolonge et amplifie les effets désastreux de la baisse des emplois aidés. En effet, elle réduit de façon drastique le nombre de contrats disponibles, l’éligibilité des publics les plus fragiles, les taux de prise en charge, la durée hebdomadaire des contrats et leur durée totale. De ce fait, la précarisation des personnes les plus fragiles et la disparition des associations va se poursuivre en 2018, au rythme du non-renouvellement des contrats venant à échéance.
Le vaste plan social invisible est toujours en cours. Au total, 144 000 emplois associatifs auront été supprimés en 2 ans, la plupart des personnes ainsi évincées de l’emploi n’ayant d’autre choix que de retourner au RSA ou à Pôle Emploi. Au-delà des chiffres, ce sont autant de souffrances et de dignités perdues. De multiples services ne seront plus rendus, des populations seront délaissées, de multiples territoires sont en difficulté. L’objectif du gouvernement semble être de gérer à moindre coût les exclus d’un système qui pratique par ailleurs à haute dose le darwinisme social. On fait un pas de plus vers le « social low cost ».
L’enveloppe réelle n’est que de 136 000 contrats disponibles en 2018 une fois soustraits des 200 000 contrats annoncés les 30 500 assistants de vie scolaire, les 22 000 contrats pour l’outre-mer et une réserve de 3%. Les priorités affichées il y a 4 mois, face aux protestations, en faveur des zones rurales et des situations d’urgence disparaissent. Le taux de prise en charge diminue également de façon drastique. En PACA, le premier arrêté publié fixe un taux de prise en charge de 35 %. Pour les travailleurs handicapés, il est de 40%, alors que le taux antérieur était de 80 %. La durée hebdomadaire des contrats est désormais de 20h à 21h50, pour des personnes qui travaillaient auparavant parfois 26 à 35 heures, ce qui laisse une faible capacité d’adaptation en fonction des besoins des bénéficiaires quant à leur insertion et à leur formation. La durée totale des contrats est de un an, non automatiquement reconductible mais peut être limitée à 9 mois.
Les petites et moyennes associations seront disqualifiées par la complexité de procédures
La circulaire peut contenter certains organismes sociaux de taille importante qui demandaient depuis longtemps la mise en place d’un triptyque emploi-formation-accompagnement. Mais une multitude de conditions bureaucratiques accompagne les nouveaux Parcours Emploi Compétences (PEC). Les employeurs sont sélectionnés en fonction de leur « capacité à proposer les conditions d’un parcours insérant », évalué par une batterie de critères et de ratios. Ils devront s’engager à proposer des actions de formation et d’accompagnement, et devront remplir un dossier CERFA dématérialisé. Le tuteur doit être un salarié depuis plus de 2 ans, excluant les bénévoles d’expérience. Un entretien de sortie est rendu obligatoire avant la fin du contrat pour « maintenir le bénéficiaire dans une posture de recherche active d’emploi ». Pour une petite ou moyenne association, le coût total de ces démarches administratives consomme une part importante du montant de l’aide qui est dispensée. Ainsi, comme pour les procédures européennes, la complexification des procédures exclura les petites et moyennes associations, et réserve le bénéfice des PEC à des structures importantes qui bénéficient d’un service de gestion spécialisée.
Les nouveaux contrats excluent les personnes ne présentant pas une employabilité suffisante. Par exemple, une personne au chômage de 57 ans, qui avait retrouvé un emploi, une utilité sociale et une dignité grâce à un contrat aidé va se retrouver au chômage ou au RSA, sans espoir d’en sortir, car le plus souvent elle n’est pas éligible à un PEC. Les travailleurs handicapés ne bénéficient d’un PEC que dans la mesure où cela favorise leur emploi « dans le cadre de l’obligation d’emploi qui s’impose aux entreprises de plus de 20 salariés » !!! Le rapport sénatorial souligne que 100 000 jeunes sortent précocement du système scolaire sans qualification et 240 000 chômeurs sont âgés de plus de 50 ans. Les contrats aidés permettaient aussi de répondre à des besoins sociaux nécessitant des interventions publiques et constituaient aussi des contrats aidants pour les personnes bénéficiant des services, les associations et les territoires. Le gouvernement doit reconnaître ces besoins, comme l’y incite le rapport sénatorial.
Bienveillance, formation-accompagnement, formation technocratique. Les associations se distinguent des employeurs classiques par une attitude de bienveillance à l’égard de salariés qui parfois sont inemployables dans d’autres structures. Elles ont toujours eu à cœur de faire de ces contrats aidés de vrais processus d’emploi et de formation pour les personnes qui en étaient bénéficiaires, en mettant au premier plan les relations personnelles et l’engagement des personnes employées au service du projet associatif. Beaucoup d’employeurs associatifs avaient déjà développé des démarches de « mise en situation professionnelle, couplées avec une formation accompagnement » (objectif du nouveau dispositif).
Une absence de rationalité budgétaire. Cette décision est d’autant plus absurde que même dans cette perspective on a du mal à discerner la rationalité économique de cette évolution. Les personnes renvoyées au chômage coûtent en effet plus cher aux finances publiques que les emplois aidés.
Un ex : le coût d’un emploi aidé pris en charge à hauteur de 76 % était d’environ 7 800 € par an (650,79 x 12), montant duquel il fallait déduire les cotisations sociales patronales et salariales qui par poste se chiffraient à environ 4 000 € par an, soit une économie nette de 3 800 €. Si le licenciement se traduit par passage au RSA, l’allocation est de l’ordre d’environ 500 € par mois et par personne, soit 6 000 € par an. La dépense supplémentaire est de 6 000 – 3 800 = 2 200 € par an. Si la personne reçoit des allocations chômage le coût minimum est de 15 000 € par an, et la perte sèche est beaucoup plus importante, de 15 000 – 3 800 = 12 200 € par an. Même si ces chiffres varient selon les situations et peuvent prêter à discussion, le principe d’une augmentation des dépenses paraît indiscutable.
Enfin, du fait de la faiblesse des moyens de Pôle emploi, le dispositif d’accompagnement risque fort d’être inefficace, alors que sa situation est déjà très tendue. C’est pourquoi la mission d’enquête parlementaire propose avec raison de donner plus de moyens humains et financiers à Pôle emploi et aux Missions locales pour assurer le succès des Parcours Emploi Compétences.