Réunion du groupe Associations et territoires, le 23 février 2012
Exposé introductif : comment les associations et collectivités peuvent agir ensemble au service de l’intérêt général ?
Le collectif souhaite travailler à redéfinir les relations entre les associations et les collectivités en reconnaissant l’utilité sociale des associations lorsqu’elles travaillent au service du bien commun et à l’intérêt général, et en redonnant de la force à ces termes.
Dans un contexte où l’État a renoncé à son rôle régulateur, les associations et les collectivités se trouvent en première ligne pour défendre un certain nombre d’acquis essentiels de notre société. L’aggravation de la crise se traduit sur les territoires par : chômage, pauvreté, exode, inégalités croissantes, ségrégation des territoires, disparition des services, recul du vivre ensemble, et parfois violence). Les associations et les collectivités ont à répondre aux mêmes enjeux et doivent le faire ensemble.
Il est proposé d’approfondir un certain nombre de propositions avancées par le collectif pour que les politiques nationales et européennes reconnaissent le rôle de chacun :
1. Développer ensemble des logiques de projets partagés
Comment une nouvelle étape de la décentralisation peut-elle favoriser les projets territoriaux partagés, à travers des intercommunalités de projet, le maintien de la concertation au niveau des pays et des agglomérations et peut-être la remise en oeuvre des contrats de plan Etat – Régions.
Depuis 30 ans, les démarches de développement local, et aujourd’hui d’agendas 21 montrent qu’il est possible de travailler ensemble face à des enjeux communs. Cette démarche fédérative qui associe l’ensemble des acteurs d’un territoire autour d’un projet global, à la fois économique, social, culturel, environnemental peut s’appliquer à différents niveaux géographiques, de la communauté de communes au département, voire à la région. Elle repose sur un diagnostic partagé, des objectifs discutés en commun, une stratégie, un programme d’action et une autoévaluation participative.
Cette démarche, menée dans certaines régions, départements territoires, n’a rien perdu de son actualité. Elle a fait la preuve de son efficacité pour mobiliser l’ensemble des forces vives d’un territoire.
2. Adopter des délibérations cadre permettant les mandatements et les subventions
Les collectivités peuvent sélectionner des associations pour assurer les activités d’intérêt général (hors Service Public) en aménageant leur condition de financement à condition qu’elles délibèrent en ce sens. Sur quelles bases peut-on proposer aux collectivités d’adopter des délibérations cadres précisant les services d’intérêt général (SIG) que la collectivité considère comme des SIGNE ou comme des SIEG (Services d’Intérêt Economique Général) en justifiant cette décision et en fixant les règles générales (le cadre) pour leur soutien et leur financement sur fonds publics ? Ces délibérations cadres rendent possible la prise de décisions opérationnelles permettant autant les mandatements (au sens européen du terme) que l’appui aux initiatives associatives par voie de subventions.
3. Convaincre les collectivités qu’elles peuvent relativiser le risque juridique
Un travail de communication doit être entrepris sur la base des nouvelles dispositions auprès des fonctionnaires territoriaux, et notamment des services juridiques, pour répondre à la sécurité juridique générée par le flou des textes actuels. La communication gouvernementale et européenne a entretenu la peur d’une requalification des subventions en commandes publiques alors que l’exemple de nombreuses collectivités montre qu’il est possible de financer les actions associatives de façon adaptée à chaque situation. Ce risque juridique doit être relativisé : moins de 10 conventions de subventions sont annulées chaque année par les tribunaux en France, tandis que plus de 7000 marchés publics font l’objet d’un contentieux.
Peut-on élaborer un plan de communication et le proposer aux associations d’élus et au gouvernement ?
4. Mettre en place des actions de formation pour élus et techniciens des collectivités
Pour montrer qu’on peut faire différemment, la formation est essentielle. Les fonctionnaires territoriaux sont très peu formés sur ces questions. Peut-on envisager, comme le fait un collectif du Nord-Pas-de-Calais « Y’a le choix », d’organiser des formations pour les fonctionnaires territoriaux, si possible conjointes avec des élus et des responsables associatifs, pour aborder à la fois la question des enjeux et des modalités de mise en oeuvre de projets partagés, et les modalités de financement des actions partenariales et des projets associatifs ?
Peut-on envisager de proposer également au CNFPT, la mise en place de modules de formation aux différents niveaux, notamment dans les ENACT et à l’INET ?
5. Réviser le code des marchés publics
Le collectif « Y’a le choix » propose de réviser le code des marchés publics Elle soulève l’importante question de la compatibilité du code des marchés publics avec les spécificités de l’action associative et de la poursuite de l’intérêt général.
Débat sur la problématique du groupe
Les participants s’accordent sur un constat : de plus en plus, les associations sont soumises à des injonctions de la part de certains techniciens et élus y compris dans le cadre de subventions qui tordent les projets associatifs, instrumentalisent les actions, obligent les regroupements forcés, poussent à atteindre les seuls objectifs désignés par les pouvoirs publics.
Préciser le contexte global de cette analyse
A la base de la réflexion du Collectif, il y a un certain nombre de valeurs partagées qui sont celles de la charte du collectif : logique de coopération plutôt que de guerre de tous contre tous, responsabilité vis-à-vis de la société, du monde des générations futures, solidarité entre tous, recherche de l’épanouissement des personnes, démocratie participative et participation citoyenne, le contre les discriminations et recherches de l’égalité, liberté effective pour tous au-delà des conditionnements imposés par la société.
Cette analyse s’ancre également dans une vision de l’État régulateur, dont nous avons besoin plus que jamais. L’État régulateur s’est perdu. Par exemple, la DATAR qui avait pour objet « une répartition équilibrée des hommes et des activités sur le territoire » est devenu un outil au service de la compétitivité des territoires [les plus performants]. Jeunesse et sports a perdu à la fois ses missions, ses corps de fonctionnaires et ses subventions de fonctionnement.
La situation nécessite un retour à l’État régulateur, afin que celui-ci soit garant des grands équilibres, fasse respecter l’égalité, la liberté et la solidarité au niveau national niveau local et au niveau européen. Le retour à une politique d’aménagement du territoire nécessaire compte tenu des inégalités croissantes entre les territoires. Il faut substituer des logiques de coopérations aux logiques de compétition entre les territoires, des logiques de long terme à des préoccupations à court terme, des logiques d’éducation à des logiques de formatage.
On peut également supposer que la crise va s’aggraver, car l’austérité européenne qui nous est proposée comme seule horizon ne peut déboucher que sur la récession et une aggravation de la crise. Dans le cas d’une évolution analogue à celle de l’Argentine ou de la Grèce, il y aura nécessité d’agir localement en s’appuyant sur le travail des associations. Il faudra aller vers plus d’économie solidaire, plus de coopération, vers des reprises d’entreprises et des monnaies solidaires. Mais il faudra également multiplier les projets mobilisateurs qui rendent la population active face à la crise et permettent à chacun de contribuer au nécessaire changement des modes de production, de vie et de consommation.
Le support de la démocratie participative et de la participation citoyenne
Bien évidemment, il ne s’agit pas de dénier la légitimité démocratique aux élus, à travers les institutions et la démocratie représentative. Bien au contraire, la participation des citoyens donne une nouvelle légitimité à la démocratie.
Pour Olivier NOEL, la démocratie est bien sûr instituée mais elle est aussi instituante. C’est-à-dire elle possède une capacité à chercher sans cesse de nouvelles formes pour répondre aux frustrations qu’elle suscite. Par exemple, certaines formes de démocratie participative naissent de cette force instituante.
Une régression des relations entre associations et collectivités
Certaines associations comme les régies de quartier, qui avaient des relations de proximité avec les collectivités voient ces relations se distendre. Comment faire pour trouver la voie d’un nouveau partenariat ? Cela tient beaucoup à la volonté politique des élus. Le projet associatif, qui sont aussi des projets politiques, sont mis en danger par les réductions de financement et le recul du politique.
Beaucoup de collectivités, même de gauche, sont gagnées par l’idéologie dominante de la performance notamment économique, de la norme et du contrôle.
– Certaines généralisent les appels d’offres.
– D’autres transformaient les associations en associations paramunicipales, dès lors que l’État s’est retiré, en imposant les objectifs, le projet est le mode de fonctionnement au service de leurs propres objectifs (négation et mépris pour le projet associatif)
Conséquence de la réforme des collectivités
Georges Gontcharoff aborde alors plusieurs questions différentes :
– il faut aborder la question du territoire, en précisant à quel niveau (communes, intercommunalité, pays). Pour notre part, nous privilégions le niveau intercommunal.
– les relations entre pouvoirs publics et associations. Elles ne sont pas seulement financières, il faut élargir les relations à un dialogue sur les enjeux et sur le « faire ensemble ».
– la circulaire Fillon, est présentée comme une transposition, mais celle-ci est maximaliste. La position du PS et dans une suppression de la circulaire Fillon et une transposition a minima des directives européennes.
– Des collectivités financent les actions mais ne veulent plus financer les structures et encore moins les réseaux. Ceci est un problème majeur, comme le montre l’exemple de la FNFR. On peut imaginer une réflexion à mener à tous les niveaux, pour tous les réseaux associatifs et notamment ceux de l’éducation populaire. Chaque niveau géographique pourrait financer son échelon de fédération, à l’instar des CAF qui financent pour 15 % de leur budget le travail d’animation global des centres sociaux.
– L’UNDAL a beaucoup travaillé sur les conséquences de la suppression de la compétence générale pour les départements et les régions au premier janvier 2015. Si cette disposition entre en application, les départements et les régions ne pourront plus financer que les compétences que leur sont attribuées. Les actons innovantes qui ne rentrent pas dans des cases prédéterminées ne pourront plus être financées. On a vu d’ailleurs en 2e lecture plus de 40 amendements déposés pour développer le financement des actions sociales, l’économie sociale solidaire, les actions en direction de la jeunesse qui ne sont attribués à personne. Des pans entiers de la vie associative ne sont pas attribués. Il s’agit d’un étranglement à la fois financier et juridique.
– L’interdiction des financements croisés s’accompagne d’un dispositif pour contrôler en inventoriant les financements accordés par chacun des niveaux de collectivités afin de pouvoir vérifier (la même préoccupation apparaît au niveau européen à travers le pas qui est Almunia). Il s’agit d’un renforcement du contrôle des préfets sur les délibérations, qui devront désormais être motivées. Cela répond aux propos de Fillon « les élus financent les associations de leurs petits copains »
– Aucune action ne pourra être financée à plus de 80 %.C’est déjà vrai des subventions des départements, communes et région. Mais cette disposition aujourd’hui d’ordre de réglementaire devient législative. Or, il y a des cas où il est impossible de trouver les 20 % restants. (C’est le fameux article 35 du projet initial, rédigé par Dominique Perben sans consulter le conseil d’État, que l’on dit si mal rédiger que les régions peuvent interpréter de façon très différente)
– Les appels à projets accroissent les inégalités territoriales, pour plusieurs raisons :
- Les « grosses structures » peuvent présenter plus facilement des dossiers complexes.
- on supprime des financements locaux pour financer des pôles d’excellence. Mais ceux-ci sont examinés par une commission nationale, qui finance 70 pôles d’excellence au niveau national et laisse peu de moyens pour les autres.
- Avec la doctrine des blocs de compétences, on arrive à : une action, une compétence, financeur. L’association perd sa liberté. Les financements croisés sont complexes mais sont aussi le prix de notre liberté.
- l’appel à projets est souvent un appel d’offres qui ne dit pas son nom.
À propos du développement de projets partagés
A quel niveau de territoire ?
Il faut parler des territoires, car ceux-ci sont extrêmement divers : quartier, commune, intercommunalité de premier degré, pays, bassin d’emploi. À chaque niveau les problèmes sont différents, les solutions ne se situent pas toujours au même niveau géographique. La pauvreté des processus démocratiques dans l’intercommunalité est pointée par les participants.
Les associations toute leur place dans des projets partagés
L’interrogation de départ est pertinente. Le développement de projets partagés permet de travailler ensemble face aux enjeux, entre associations et collectivités. Les associations ont toute leur place dans le projet de territoire partagés.
Pour avancer dans ce sens, il est nécessaire de développer des formations à tous les niveaux, par exemple en travaillant avec les INSET[1] .
Il faut redonner du sens aux conseils de développement, y compris dans les intercommunalités. Mais il faut également ouvrir des espaces communs d’engagement citoyen au niveau de la réalisation des projets et de leur évaluation par les acteurs eux-mêmes. Il faudrait également instaurer des conseils de développement d’agglomération. Cela constituerait une incitation forte aux associations pour qu’elles se regroupent.
L’UNADEL a beaucoup travaillé sur les conseils de développement s’est beaucoup battu pour les défendre. Cependant, les conseils de développement sont à la fois le meilleur et le moins bon. Sa structure est intéressante, mais doit être conforté. C’est au niveau intercommunal que se situe l’enjeu essentiel, d’autant que celles-ci vont devenir obligatoires.
Il faut préciser / définir la légitimité des associations dans les démarches territoriales. Dans le Nord-Pas-de-Calais, une charte d’engagement réciproque reconnaît la légitimité du monde associatif dans toutes ses dimensions (prestataires, prestataires, protestataires).
La nécessité de politiques territoriales
Le développement des logiques de projets est certes une affaire de volonté politique et de motivation des élus et des fonctionnaires territoriaux, mais c’est aussi l’affaire de politiques territoriales qui intègrent la nécessité de projets partagés. Par exemple, dans le cadre des contrats de plan État région, toutes les Régions avaient mis en place des démarches contractuelles avec les territoires, en incluant les associations, dès lors que les crédits du contrat de plan devaient être répartis selon certaines règles.
Il faut éviter de demander à l’État d’appliquer brutalement une démarche qui reste de l’ordre de l’engagement des parties. L’exemple de la mise en place de la politique des pays, confiée au préfet par la loi Voynet, nous rappelle que les meilleures règles deviennent des carcans dès lors qu’elles sont appliquées bureaucratiquement, avec (déjà) une politique du chiffre.
Mais les associations doivent s’organiser
Mais c’est aussi aux associations à s’organiser, et notamment aux associations citoyennes. Le monde associatif regroupe des structures et des projets extrêmement différents. La constitution du collectif des associations citoyennes montre que les petites et moyennes associations doivent avoir leur mot à dire. De même, la reconnaissance et le développement du bénévolat est un élément essentiel de développement de la citoyenneté.
Comment continuer ?
L’objectif serait de rédiger un certain nombre de réflexions, complémentaire à celle du livre blanc pour un nouvel acte de la décentralisation. Il serait souhaitable que ces travaux soient précédés par une réaffirmation des valeurs.
Cette première réunion a permis de dégager 3 pôles de travail :
– logique de projet
– réforme des collectivités
– position par rapport aux appels d’offres et aux subventions.
Dans la mesure où la réforme des collectivités est traitée beaucoup plus efficacement par les auteurs du livre blanc, on peut considérer qu’un autre niveau le travail est déjà fait pour l’essentiel. Il est donc proposé de développer 2 pôles :
– logique de projet et développement territorial, avec pour le moment parmi les présents Bruno Racine, Nicole Didier. Bruno se propose pour prendre l’animation de ce travail
– appel d’offres, avec Olivier, Estelle Verdier et d’autres personnes à contacter par Olivier.
Chacun de ces sous groupes est invité à s’organiser pour avancer dans la réflexion produire un premier écrit.
[1] Instituts nationaux spécialisés d’études territoriales, ex ENACT, qui forment les fonctionnaires territoriaux du cadre B (attachés)